Question :
Cher Rav, lorsque comme c’est le cas cette année Roch Hodesh Nissan tombe Chabbat, a-t-on le droit de réciter la Birkat Haïlanot le jour même, ou doit-on la repousser à plus tard ?
Réponse :
Avant de répondre à votre question il me faut mettre au clair le sous-entendu qu’elle comporte, à savoir qu’il serait en soi problématique de réciter la Birkat Haïlanot un jour de Chabbat habituel qui ne coïnciderait pas avec un jour de Roch H’odesh. Il est vrai que les décisionnaires sont partagés à cet égard. Certains interdisent de réciter la Birkat Haïlanot un jour de Chabbat pour les trois raisons suivantes. D’une part, ils craignent qu’au cours du cérémonial entourant la récitation de la bénédiction, l’on puisse en venir à arracher une feuille ou une branchette de l’arbre autour duquel on s’est réuni pour la circonstance. D’autre part, la bénédiction étant parfois récitée hors de l’enceinte de la ville, il y a lieu de craindre que les gens se munissent de leur Sidour et transgressent ainsi l’interdiction de porter. Enfin, dès lors que selon la Kabala, la bénédiction a pour vertu d’extraire de l’arbre les étincelles de sainteté qui y sont enfouies, ce processus est proscrit durant Chabbat au titre de l’interdit de Borer (action de trier).
Cependant, nombreux sont les décisionnaires qui permettent de réciter la bénédiction un jour de Chabbat en ayant pris le soin de réfuter les arguments avancés ci-dessus. D’une part, expliquent-ils, il n’y a pas lieu de craindre que l’on arrache quoi que ce soit de l’arbre, dès lors que la récitation de la bénédiction ne suppose pas que l’on touche à l’arbre mais qu’il suffit de le regarder. D’autre part, poursuivent-ils, la crainte de voir les gens porter leur Sidour n’a pas lieu d’être dès lors qu’elle n’a pas même été évoquée par les Maîtres du Talmud. Enfin, l’interdiction de trier pendant Chabbat ne saurait en aucun cas concerner les réalités spirituelles auxquelles se réfère la Kabala. Quoi qu’il en soit, lorsqu’aucun motif particulier ne vient justifier de réciter la Birkat Haïlanot un jour de Chabbat, nous préfèrerons, afin d’être en accord avec l’ensemble des décisionnaires, la réciter un jour de semaine.
Mais qu’en est-il, pour en venir à votre question, lorsque, comme cette année, Roch H’odesh Nissan tombe un jour de Chabbat ? Dans ce cas de figure, en effet, intervient une donnée nouvelle, l’injonction qui nous est faite de ne pas retarder l’accomplissement d’une Mitsva lorsqu’elle se présente à nous, mais au contraire de nous en acquitter au plus tôt. Or, il se trouve que l’obligation de la Birkat Haïlanot prend effet dès Roch H’odesh Nissan, ce qui en fait donc le jour le plus propice à sa récitation. Partant, l’apparition de cet élément nouveau fait éclater le consensus auquel nous étions parvenus concernant la récitation de la bénédiction un jour de Chabbat habituel. Ceux qui suivent l’opinion des décisionnaires interdisant de réciter la Birkat Haïlanot un jour de Chabbat se l’interdiront même lorsqu’il coïncide avec Roch H’odesh, en arguant du fait que la recommandation d’accomplir la Mitsva avec zèle ne concerne pas le cas où elle se heurte à un interdit catégorique. Ceux qui en revanche suivent l’opinion des décisionnaires qui autorisent théoriquement la récitation de la bénédiction pendant Chabbat, verront dans la recommandation de faire preuve d’empressement dans l’accomplissement des Mitsvot un motif de l’autoriser en pratique. C’est dans ce sens que le Rav Ovadia Yossef zatsa »l a tranché le débat. Une anecdote qu’il rapporte à ce propos dans l’un de ses ouvrages est intéressante à noter : tous les Roch H’odesh Nissan, il avait l’habitude d’aller réciter la Birkat Haïlanot entouré de toute sa communauté. Une année où Roch H’odesh Nissan tomba un jour de Chabbat, non seulement il ne dérogea pas à son habitude, mais il fit en sorte que cela se sache, comme pour signifier : ce que j’autorise en théorie, je le mets en pratique.
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