Première en Israël: une équipe de chercheurs et d’étudiants de l’Ecole de Zoologie de l’Université de Tel-Aviv a relâché dans la nature des crapauds dits syriens en voie de disparition élevés en captivité et dont l’habitat naturel avait été détruit. L’opération, réalisée en coopération avec l’Autorité israélienne de la Nature et des Parcs est une étape importante dans la préservation des espèces amphibiennes dans le pays.
Le crapaud syrien (Pelobates syriacus) est un amphibien – espèce capable de vivre indifféremment en milieu terrestre et aquatique – en danger critique de disparition en Israël. Ses têtards sont particulièrement grands, et ils ont besoin de beaucoup de temps pour réaliser un cycle de reproduction: plusieurs mois en effet se déroulent entre l’éclosion de l’œuf et le moment où le crapaud est capable de vivre sur le continent. Pour cette raison, afin de se reproduire, les crapauds syriens ont besoin d’un habitat aquatique qui contienne suffisamment d’eau pendant plusieurs mois.
Une arche de Noé pour les derniers rescapés des marécages
Le noyau d’élevage de crapauds syriens du Jardin zoologique de l’Université de Tel-Aviv a été créé en 2013, afin de servir d'”Arche de Noé” temporaire aux derniers “rescapés” des populations de tritons et crapauds de la vallée de Zabulon. La même année, en effet, un centre commercial avait été construit sur les derniers vestiges des marécages de vallée, qui s’étendaient dans le temps sur l’ensemble de la région occupée aujourd’hui par les banlieues de Haïfa (Krayot), la zone industrielle et le port. Le dernier étang de cette magnifique zone marécageuse, la mare du Check Post, a également cédé sa place à un centre commercial.
Les espèces amphibies vivant dans des régions distinctes présentent de légères différences génétiques entre elles. Une partie de la spécificité de chaque population découle de l’adaptation aux conditions locales de vie, l’autre partie exprimant une différence aléatoire, qui n’a pas nécessairement d’importance fonctionnelle dans le présent, mais joue un rôle dans la diversité génétique globale de l’espèce. Par conséquent, bien que les crapauds et les tritons vivent également dans d’autres régions du pays, il était important d’essayer de sauver spécifiquement leurs derniers représentants dans la vallée de Zabulon.
Vers un habitat naturel alternatif à long terme
Le but du noyau d’élevage du Jardin zoologique était de servir de base au retour de ces populations à la nature, dans un site approprié, dans l’espace où elles vivaient à l’origine ou à proximité. La plus grande partie de cet espace ayant subi une urbanisation, l’objectif sera d’établir dans les prochaines années un bassin de remplacement, non loin de l’emplacement de l’étang du Check Post, qui bénéficiera d’une protection légale contre le développement urbain et la construction, et pourra constituer un habitat à long terme pour les populations naturelles de la région, les crapauds et les tritons.
Cette année, les soins dévoués procurés aux crapauds syriens à l’Université de Tel-Aviv ont porté leurs fruits: les têtards recueillis dans l’étang Check Post il y a quatre ans ont atteint leur maturité sexuelle et se sont reproduit. On a pu observer des pontes au sein du noyau d’élevage et des milliers de têtards ont éclos. Près de 2000 têtards et plusieurs dizaines de crapauds matures ont été libérés sur deux sites, dont l’emplacement est tenu secret. Cette opération de remise en liberté est une étape importante dans la préservation des espèces amphibiennes en Israël: c’est la première expérience dans le pays de réinsertion d’une espèce amphibie d’un noyau d’élevage en captivité dans l’espace d’où il avait disparu suite au développement urbain de ces dernières décennies.
L’objectif, le bassin de remplacement qui constituera un habitat à long terme protégé par la loi, est loin d’être atteint. Mais les crapauds ont déjà parcouru un long chemin vers leur abri définitif et avec un peu de chance et beaucoup de détermination, ils l’atteindront.
Photos: Simon Jamison