Durant la nuit, la lumière est un marqueur de l’activité humaine. L’intensité de la lumière (artificielle) révèle des différences de densité de population et des différences d’activité. Les sociétés modernes éclairent a giorno, pour une activité réelle (rencontre sportive, spectacle extérieur, etc.) comme pour une activité potentielle (éclairage urbain ou publicitaire comme à Times Square, éclairage de sécurité, etc.).
Si la lumière est indispensable à certaines fonctions vitales, elle peut avoir aussi des effets négatifs. L’éclairage axial nous empêche de voir les étoiles. Des recherches en biologie ont montré les perturbations entraînées par l’éclairage nocturne sur les cycles biologiques des plantes. Les feuilles de certains arbres s’orientent en journée pour maximiser réception de lumière solaire et photosynthèse. D’autres plantes changent progressivement l’orientation de leurs feuilles au cours de la nuit pour diminuer l’influence perturbatrice de la lumière venant de la Lune.
En fait la Terre reçoit de la Lune deux sortes de lumière. Regardons le ciel vers l’ouest, juste au-dessus de l’horizon, en début de soirée vers Roch ‘Hodesh. Avec un peu de chance et un ciel clair, nous verrons un fin filament brillant de Lune. En observant bien, nous verrons aussi le reste du disque lunaire, bleu-gris sombre. La Lune n’est pas une source de lumière. Le Soleil, lui, est une source de lumière. En fait il est une source de rayonnement électromagnétique dans une gamme très étendue de longueurs d’onde, la lumière visible n’en étant qu’une petite partie. Pour aujourd’hui, c’est elle qui nous intéresse.
Pendant la nuit chez nous, le Soleil éclaire l’autre face de la Terre, qui réfléchit 30% de la lumière reçue. Il éclaire aussi la Lune en direct. Selon les positions respectives des trois astres, la Lune réfléchit vers la Terre une partie plus ou moins importante de la lumière reçue directement du Soleil, et une partie plus ou moins importante de la lumière qu’elle a reçue de la Terre. La partie bleu-gris du disque lunaire nous est visible parce qu’elle réfléchit vers nous la lumière solaire renvoyée par la Terre vers la Lune. C’est ce qu’on appelle la lumière cendrée ; elle a suivi un trajet plutôt compliqué (voir image ci-dessous). Le Soleil a émis cette lumière. Elle a atteint la Terre, qui l’a renvoyée vers la Lune où elle a été réfléchie à nouveau vers la Terre.
Un verset des Psaumes (Tehilim 84,12) nous dit : « Car D. est un soleil et un bouclier ». Le Rav Shamshon Raphael Hirsch complète cette symbolique de la façon suivante. Le Soleil symbolise la lumière divine, la Torah, qui nous est envoyée. La Lune représente le Peuple d’Israël (2) qui reçoit la sagesse divine et la reflète lorsqu’il vit une vie de Torah. La Terre représente les nations du monde avec qui Israël peut partager un peu de cette sagesse divine. Trois fois, le Prophète Isaïe (42,6 – 49,6 – 60,3 ישעיהו) nous dit la volonté de D. qu’Israël soit une source de lumière pour les nations : נתתיך לאור גויים .
La lumière cendrée représente un autre aspect de cette interaction. Lorsque nous la percevons, nous voyons en fait la lumière solaire que nous, la Lune, avons envoyée vers la Terre et que la Terre nous a renvoyée. Une partie de la sagesse divine que nous voulons dispenser aux nations nous revient en retour. Nous pouvons apporter la Torah au monde, mais le monde peut aussi nous enseigner quelque chose. Cette idée n’est pas neuve : « Ben Zoma dit : Qui est sage ? Celui qui apprend de tout homme » (Pirke Avot 4,1). La rencontre avec l’autre, Juif ou non Juif, peut être source d’enseignement. Rabbi Yo’hanan avait l’habitude de se lever devant toute personne âgée, par respect pour l’expérience acquise avec l’âge (Kidouchin 33a).
Cependant, la différence d’intensité entre le clair de Lune et la lumière cendrée nous enseigne aussi où est la priorité. Si la Lune est notre modèle essentiel, à savoir apporter la lumière de la Torah de la façon la plus directe possible, alors nous réalisons notre vocation.
- L’autre c’est le soleil – Jacques Prévert
- Nous en avons déjà parlé il y a un an, en relation avec les éclipses.
http://www.jct.ac.il/cemj
Professeur Noah Dana-Picard