Le 28 novembre 2019 restera une date historique pour l’intégration des olim de France. Ce mercredi-là, Qualita a signé avec le ministère de l’éducation et la société des centres communautaires (Matnassim), un accord destiné aux jeunes olim afin de leur faciliter l’intégration.
LPH revient en détail sur cet accord, ses coulisses, son contenu et ses retombées attendues.
Le fruit de plusieurs mois de travail
Marc Eisenberg Président fondateur de Qualita confie à LPH que cet accord est né après de longues discussions, négociations et plusieurs mois de travail. »Nous entretenons de nombreux contacts avec les différents ministères et la société des centres communautaires. Lors de nos discussions avec cette dernière, nous avons soulevé la question de programmes spécifiques pour les olim de France ». La réponse que Qualita reçoit alors est oui, mais: la volonté y est, mais il manque les budgets. Et ces plans se chiffrent à plusieurs millions de shekels.
Marc Eisenberg n’est pas homme à se laisser abattre. Commence alors un marathon pour obtenir les financements nécessaires à ces programmes pour les jeunes, que Qualita considère comme indispensables. »Nous avons proposé que Qualita participe financièrement mais il fallait une aide substantielle des autorités publiques ».
Et le 28 novembre, c’est donc l’obtention de 70% du budget nécessaire par le ministère de l’éducation que les acteurs de ce projet ont acté. Au-delà des budgets, les principes que recouvre le programme »Marguishim Babayit » (se sentir à la maison) sont sans précédent.
Quelles sont ces mesures?
_ Participation au programme « Houg Lekhol Yéléd » [Une activité extra-scolaire pour chaque enfant] pour les enfants d’Olim du groupe d’âge correspondant aux classes Kita Daleth à Kita Heth
_ Nomination d’un coordinateur dédié à la question des Olim de France, dans chaque localité
_ Encouragement de l’intégration des adolescents d’origine française au sein d’un mouvement de jeunesse local et allocation des ressources nécessaires, pour les jeunes des classes Kita Zayin à Kita Youd
_ Participation au programme de soutien scolaire
_ Activité stimulante et promotion du leadership social pour les adolescents, dans le cadre du programme Shakel [Activités de plein air, sport extrême et engagement communautaire pour les jeunes] s’adressant aux élèves des classes Kita Teth à Kita Youd Beth.
Toutes ces initiatives ont pour finalité le renforcement de l’intégration des jeunes olim au sein de la société israélienne en favorisant les activités communes avec la jeunesse locale (tsabarim). Le programme, conçu en partenariat avec Qualita, sera mis en œuvre par la Société nationale des centres communautaires (matnassim) des trois principales villes où résident les plus grandes populations d’Olim de France : Jérusalem, Netanya et Ashdod.
Un accord unique
Pour Marc Eisenberg cet accord est historique. En effet, il nous déclare que c’est la première fois que les olim de France obtiennent un tel budget: »En dehors du ministère de l’alya et de l’intégration, nous avons toujours eu une oreille attentive dans les différents ministères, que ce soit celle du ministère de l’économie pour aider socialement certaines familles ou de l’éducation nationale pour améliorer le niveau d’hébreu des olim. Mis à part cela et des paroles, nous n’avions jamais obtenu un budget aussi important ».
Le début de la réponse du fondateur de Qualita nous interpelle: »En dehors du ministère de l’alya et de l’intégration, avez-vous dit? ». Sans langue de bois, Marc Eisenberg nous rétorque: »Ce n’est un secret pour personne que le ministère de l’alya et de l’intégration travaille essentiellement avec les olim russes. En ce qui nous concerne, même si des mesures sont prises, elles sont largement insuffisantes ».
En serait-on réduit à court-circuiter notre ministère de tutelle? »Il est normal que plusieurs ministères soient impliqués dans l’intégration des olim de France », relativise Marc Eisenberg, »mais nous déplorons que le ministère de l’alya et de l’intégration ne joue pas davantage un rôle de catalyseur de tous les programmes qui fonctionneraient ainsi de manière encore plus efficace. En fait, le problème vient du fait que, contrairement, à d’autres ministères, celui-là n’a pas compris l’intérêt de travailler avec des associations privées ».
Pour Naftali Bennett, ministre de l’Education et de la Diaspora, ce n’est qu’un premier pas: »Les Français sont nos frères et ils constituent une pièce importante de la mosaïque de la société israélienne. Nous devons les aider à s’intégrer et à relever les défis inhérents à une transition de la France vers Israël. C’est précisément ce que nous faisons maintenant. L’Aliyah en Israël est l’essence même du sionisme. Il s’agit de personnes qui ont choisi d’émigrer de chez elles et de tout recommencer dans le foyer de tous les Juifs du monde : l’État d’Israël. Le nouveau programme facilitera l’acclimatation et le quotidien de chaque famille française en Israël ».
Cette année, le programme concernera quelque 2 000 jeunes et enfants, représentant environ 80 % de la population cible parmi les Olim de France confrontés à des difficultés d’absorption. Ces dernières sont dues, entre autres, à l’écart existant entre le nombre d’heures d’étude en France et en Israël, au taux relativement élevé de décrochage scolaire non officiel chez les jeunes Olim de France, à la complexité des questions familiales et professionnelles, alors qu’au moins l’un des parents travaille encore en France dans une proportion importante des familles, etc.
La réussite de l’intégration des Olim de France en Israël est essentielle, particulièrement au regard de l’intention d’immigrer en Israël exprimée par quelque 200 000 Juifs de France, représentant environ 43 % de la communauté juive de l’Hexagone.
Quelles retombées?
Si l’on se projette à la lumière de cette avancée dans le domaine de l’éducation, on ne peut que s’attendre à ce qu’elle entraine des progrès dans d’autres secteurs fondamentaux pour les olim: l’emploi et le logement.
»L’ouverture du Hub de l’emploi à Tel Aviv est une reconnaissance de l’action que mène Qualita depuis sa création, il y a à peine trois ans », se félicite Marc Eisenberg. « Je salue à ce titre, ainsi que dans d’autres projets, l’action des équipes de Qualita sur le terrain. Au début du Hub, personne ne croyait dans la viabilité de ce concept. Le ministère de l’alya et de l’intégration n’a pas voulu nous aider, les mairies ne nous fournissaient pas d’aide concrète non plus. Aujourd’hui, les municipalités de Tel Aviv et de Jérusalem s’affichent fièrement à nos côtés ».
Et le logement? »C’est une question plus compliquée parce qu’elle met en jeu des sommes très importantes. Nous sommes en contact avec des mairies pour des programmes d’accession à la propriété qui consisteraient à transformer les loyers déjà payés en apport. Ces réflexions sont menées principalement dans les bassins d’emploi. Parallèlement des projets spécifiques à certaines professions existent déjà, liant situation professionnelle et logement ».
Finalement avons-nous toutes les raisons d’être satisfaits de la façon dont l’Etat d’Israël s’occupe de l’intégration des olim? « Ce que nous faisons est nécessaire pour faire bouger les lignes et nous avons connu un certain nombre de succès, ne serait-ce qu’une meilleure ouverture d’esprit des Israéliens face aux olim de France, la reconnaissance de certains diplômes et ce que nous évoquions plus haut. Mais il reste encore tant à faire! Les associations ont du mal à trouver des financements pour leurs projets. La conséquence est sans appel: cela empêche une alya supplémentaire de France par manque de réponses satisfaisantes. Alors que nous vivons une période propice à l’alya, notre responsabilité est de faire en sorte que l’exode des Juifs de France se poursuive en Israël et pas ailleurs dans le monde ».
Marc Eisenberg en appelle à chacun: »pour pouvoir faire plus, nous avons besoin de tout le monde. Les programmes des associations sont les bons, il faut les aider à se concrétiser. D’ailleurs, le 13 décembre, un grand congrès des associations aura lieu en présence de ministres et d’Itshak Herzog, président de l’Agence Juive, dans le but de sortir un programme de travail concret. Ensemble, nous ferons de 2019 une année encore plus féconde pour l’alya et l’intégration ».
Guitel Ben-Ishay
Photos: Yossi Ifergan, GPO