La Torah nous décrit qu’au début du processus de Géoula, Moché dit à Hachem : “Les enfants d’Israël ne m’ont pas écouté et Pharaon m’écouterait, moi qui ai la parole embarrassée ?”. Littéralement il est question de “Orlat Séfatayim” c’est à dire que le Verbe de Moché est bouché et recouvert, à l’instar de la Orla qui recouvre l’endroit de la Brit Mila.
Le problème de Moché est, en réalité, celui du Peuple ; Moché étant équivalant au Am Israël tout entier, son handicap reflète le handicap du Peuple. Nous constaterons, en revanche, qu’au moment de Matan Torah la Parole de notre Maitre sera guérie comme nous l’enseignent nos Hahamim (Traité Chabbat 88a). Moché qui auparavant se définissait comme ayant la “bouche lourde” et n’étant pas un “homme de paroles” se retrouve, comme par miracle, délivré et révèlera ses véritables talents d’orateur lors du livre de Dévarim (1,1) “Voici les paroles que Moché adressa à tout Israël”. La sortie d’Égypte n’est autre que le Libération de la Parole du Am Israël.
Qu’est-ce que la Parole ?
La Parole est cette faculté réservée uniquement à l’être humain qui lui permet d’extérioriser ses pensées et de pouvoir communiquer avec son entourage. Le Monde tout entier a été créé avec la Parole Divine ” Car Il (Hachem) a parlé, et tout fut” (Téhilim 33,9). L’Homme a le pouvoir de construire et, malheureusement, aussi de détruire par sa parole, comme nous le constatons lors des Parachiot Tazria et Métsora que nous venons de lire ces dernières semaines.
La “Galout de la Parole” est cette situation qui ne permet pas à l’homme d’exprimer le fond de sa réflexion, situation qui restreint donc la Parole à rester uniquement sous forme de pensée. Il arrive parfois qu’une personne ne puisse pas s’exprimer librement car les gens qui l’écoutent ne sont pas aptes à le comprendre.
Il ne s’agit donc pas uniquement d’un problème physique mais également, et surtout, spirituel : le Verbe de Moché était enfoui car l’environnement et la situation dans lesquels se trouvent le Monde l’empêchent de dévoiler la profondeur de son discours “. Pharaon répondit : “Quel est cet Éternel dont je dois écouter la parole en laissant partir le Am Israël ? Je ne connais point l’Éternel ” (Chémot 5,2).
La non-écoute des propos de Moché de la part du Roi d’Égypte résulte du dédain et du manque de respect vis-à-vis de la Parole Divine. Le but des dix plaies sera donc de faire connaitre et de dévoiler pleinement à ce Pharaon l’existence, la présence et l’omnipotence du Créateur.
La clé de la Délivrance n’est autre que la connaissance (Daat) du Maitre du Monde :
” La Terre sera pleine de la connaissance de Dieu, comme l’eau abonde dans les mers” (Isaïe 11,9) ou encore ” Et ils n’auront plus besoin ni les uns ni les autres de s’instruire mutuellement en disant : Reconnaissez l’Eternel ! Car tous, me connaîtront, du plus petit au plus grand” (Jérémie 31,33).
C’est ce même Pharaon qui, interpellé par Hachem, ” afin que tu saches que nul ne m’égale sur toute la terre” (Chémot 9,14) reconnaitra par la suite la toute-puissance Divine ” Qui t’égale parmi les forts, Éternel ? Qui est, comme toi…”.
C’est la raison pour laquelle tous réunis, le soir du Seder, avons la Mistva de raconter encore et encore le récit de cette fabuleuse et miraculeuse Délivrance, telle que nous le demandent nos Sages: ” Aussi, même si nous sommes tous sages, tous comprenant, tous connaissant la Torah, nous sommes encore obligés de discuter de la Sortie d’Égypte ; et celui qui fait la narration de la Sortie d’Égypte plus longuement est digne de louanges” (Haggada de Pessah).
Cette idée sera développée, plus tard, de manière très concise par le Ari Z”al : Pessah Pé Sah (la bouche qui raconte), délivrer et dévoiler par notre parole la grandeur de notre Créateur.
Rabbi Yéochoua disait “Ils (Le Peuple Juif) ont été délivrés au mois de Nissan et ils seront délivrés, à la fin des Temps, au mois de Nissan (Traité Roch Hachana 11a).
Pessah Cacher Vésaméah’.
Rav Yirmiyah Achéroff
Yéchivat “Or Vichoua”, Haïfa.