Mon maître le rav Moshé Botschko aimait appeler ses élèves à la recherche de l’harmonie, sur les traces de Maïmonide qui, lui, parlait d’un chemin du milieu, une voie dorée. Souhaitons que le troupeau que nous constituons reste au milieu de la route, sans s’égarer dans des extrêmes susceptibles de nous propulser tous dans le précipice.
Ce troupeau doit aussi être vigilant : ni se laisser conduire vers le désert par ses dirigeants, ni gober ce que certains ignorants écrivent sur les réseaux sociaux, en faisant croire que leur bâton rompu est celui du leader Moshé, héros des passages de la Torah que nous lisons dans les synagogues du monde entier. Car Moïse était avant tout humble et loin de penser qu’il savait tout sur tout.
Prenons l’exemple de la réforme de la kashrout*. Beaucoup en parlent sans savoir de quoi il s’agit exactement. Le changement essentiel est que désormais, des rabbinats de villes et d’autres organisations pourront octroyer leur certificat de kashrout à n’importe quel restaurant en Israël – pour cela, ils devront intégrer un cadre défini par le rabbinat de chaque ville. Ainsi, la concurrence est ouverte, les prix vont baisser et la kashrout sera donc accessible à un plus grand nombre de personnes en Israël. En réalité, pour les Juifs venus de France, cela ne représente pas une nouveauté, car en France différents labels gèrent la kashrout : Consistoire, Loubavitch et autres. Il en ira de même à présent en Israël, où chacun pourra choisir son restaurant et sa kashrout comme en France – à la différence que la concurrence aura entretemps fait baisser les prix. Cette réforme permettra aussi à ceux qui le souhaitent de consommer dans des établissements fidèles aux lois de kashrout nuancées par tel ou tel rite du judaïsme.
Cette recherche de l’harmonie doit également nous obliger à rester vigilants et à poursuivre nos efforts sur d’autres sujets, sans renoncer. L’entrée des Juifs non israéliens sur leur terre en est un. C’est une vraie inquiétude à laquelle il faut trouver une vraie solution, et une solution viable, car il en va de l’entité du peuple que nous constituons. Cette solution doit aussi permettre à des milliers de professionnels du tourisme israélien non seulement de retravailler, mais de raviver leur flamme ; car ces professionnels sont les garants du lien identitaire de millions de Juifs non israéliens à travers le monde.
La réalité tourbillonnante que nous vivons ne doit pas entraîner notre noyade. Nous devons savoir préserver un discernement qui nous permette d’applaudir aux bonnes choses et de faire pression pour remédier aux problèmes qui se posent. Râler à la française ne sert à rien. Dans le pragmatisme sioniste, il faut identifier les vrais problèmes de société et mettre en œuvre de réelles actions. Chacun de nous, dans son domaine, peut exercer une influence ; il suffit d’y croire. Moïse a débuté sa carrière en recherchant une brebis égarée, mais il l’a achevée comme un berger qui a su, malgré de nombreuses difficultés, mener un troupeau à travers le désert vers les plaines verdoyantes de la Terre d’Israël. C’est la voie à emprunter afin que, comme disait Manitou, la kashrout ne nous cache pas la route !
Photo: Matanya Tausig / Flash90