En exclusivité pour vous, cher lecteur de LPH Info, nous vous donnons chaque semaine rendez-vous pour découvrir un épisode des « AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE MOÏSE LEVY ». Découvrez un conte initiatique, savourez un road-movie, laissez-vous emporter par un flot d’émotions, une cascade de rire, une larme de mystères et un soupçon de fantaisie.
Résumé épisode 1 :
Le ministère des Transports et de la Sécurité Routière va faire construire une route en Haute Galilée et expulser tous les habitants d’un Kibboutz. Moïse Levy se rend à Safed pour tirer l’affaire au clair et apprend que ses parents sont vivants. Il les croyait décédés depuis 25 ans.
Un bus pour Tel Aviv
Autoroute 89 en direction de Rosh Pina – Haute Galilée, nord Israël.
Méchoulam Chamama conduit un très vieux fourgon, d’une marque indéterminée. Dans un même mouvement il rabat le pare-soleil, secoue son autoradio et attrape une k7 audio qu’il enfourne dans l’appareil.
– Tu aimes Matti Caspi ?
– Il chante juste pour un Kibboutzim, lui répond très sérieusement Moïse, en mettant sa main sous sa cuisse pour se protéger d’un ressort qui menace de trouer le reste du tissu du fauteuil, son pantalon et sans doute sa jambe. Le véhicule fait un fracas énorme, mais d’une manière régulière. Moïse se perd dans ses réflexions.
– A quoi penses-tu jeune homme ? demande Méchoulam.
– Je dois sauver le Kibboutz…
Méchoulam lui coupe la parole : – Mais comment résister à l’envie de tout abandonner pour partir à la recherche de ta famille ?
– Ken.
– Ton père a les actes de propriété du Kibboutz. C’est certain.
– Ken.
– Ça va s’arranger, ne t’inquiète pas.
– Ken, répond Moïse laconiquement. Ces trois « oui » étaient trois phrases étonnamment courtes pour lui. En fait Méchoulam venait de lui suggérer ce qu’il voulait entendre : – sauver le Kibboutz et retrouver ma famille, c’est la même mission. Je dois aller à Tel Aviv !
– Ken, dit Méchoulam en souriant.
Crois-moi sur parole cher lecteur, de mémoire de juif, il n’y a pas eu plus malheureux sur cette Planète que Moïse Levy en cet instant.
Quand Méchoulam Chamama l’a déposé devant l’arrêt de bus à Rosh Pina, il lui a bien dit qu’il pouvait acheter un billet de bus pour Tel Aviv directement au chauffeur. Vraisemblablement non, plus depuis le Covid-19.
Le voilà donc coincé depuis 10 minutes devant un casponet. Le guichet automatique semble le narguer. En principe, le casponet permet non seulement le retrait d’espèces, mais également de recharger sa « Rav Kav », la carte de transport. Dans le fait, « comment est-ce que l’on recharge sa carte de transport quand on n’a pas de Carte Bleue ? » se demande Moïse, qui semble figé comme « la femme de Loth ». Derrière lui une jeune femme trépigne, de manière ostentatoire. Elle frotte ses mains et se racle la gorge, ouvre et ferme un portefeuille sur lequel est gravé une énorme maguen David. Moïse se retourne dans un geste reptilien.
– « Quand un ashkénaze coupe un oignon, c’est l’oignon qui pleure », dit l’impatiente avec un sourire enfantin. Elle ajoute : – « Je peux peut-être vous aider ? »
– J’ai l’air d’un aveugle qui lit du braille ? répond Moïse, tout en caressant le distributeur.
– Vous espérez trouver une solution tactile à votre problème ? Que cherchez-vous ?
– la lumière.
– J’adore les blagues sur les aveugles, ils ne les voient jamais venir. Vous voulez retirer de l’argent ou recharger votre Rav Kav ?
– Ni l’un, ni l’autre, je voudrais me faire offrir un ticket pour Tel Aviv.
– Radio Tel Aviv vous prête l’heure. C’est comment votre prénom ? Moi c’est Barbara, dit la jeune femme en passant devant la victime.
– Moïse
– Vous savez que techniquement Moshé est le premier à avoir télécharger un fichier du cloud en utilisant une tablette ? sans reprendre son souffle elle lance d’un trait : – « Mon fiancé dit toujours que j’ai mangé un livre de blagues… Je suppose que vous n’avez pas de carte de crédit ni de Rav Kav ? » Moïse fait non de la tête.
Barbara ne semble pas prêter attention à sa réponse : Je comprends les religieux qui vivent en dehors du monde, dans ma famille à Safed ils sont tous haredim, mais moi pas. Je ne veux pas faire du Lachon hara mais le téléphone casher,… non mais quelle idée ? dit-elle en montrant son téléphone à Moïse.
– Nous sommes en démocratie
Barbara ne semble pas avoir entendue la réponse de Moïse : Vous m’enlevez mon smartphone je meurs. Ils sont tous là avec leur KT-w60. Bon je respecte, mais parfois ça va trop loin. Vous imaginez ? J’ai un oncle rabbin qui a détruit à la hache et devant témoins un iPhone, sous prétexte qu’il ne répondait pas aux normes de la Halakha…
Une dame qui attend derrière marmonne : – Shiksa
Moïse essaie d’interrompre Barbara mais celle-ci poursuit son monologue dans le même souffle : – un demi-million d’utilisateurs, les ventes annuelles sont estimées à un peu plus de 20 millions d’euros par an et tout ça entre les mains d’une poignée de businessmen ultraorthodoxes. Encore une fois, je dis ça sans vouloir vous manquer de respect, mais après il ne faut pas s’étonner que l’on bloque tout l’après-midi devant un casponet. Pour mon oncle, Tel Aviv c’est l’enfer mais Tel Aviv c’est le paradis, Tel Aviv c’est trop A’hla pour une Olim de France comme moi. Vous savez j’ai fait mon Alyah…
– Mademoiselle … ose Moïse.
– … ah je vois bien que je vous ennuie avec mes histoires. Je ne voulais pas être impolie, je respecte la religion et la tradition mais… bon… voilà ce que je vous propose. Vous me donnez 30 Shekel et j’achète le ticket pour Tel Aviv pour vous. On y va ensemble ?
– Mazal u’bracha ! répond simplement Moïse. Ce « marché conclu » hérité des expressions de son grand-père diamantaire est sensé clore la discussion. Moïse évite ainsi de lancer sa bienfaitrice dans une nouvelle tirade. Elle retire de l’argent au casponet et ils s’approchent du bus.
– Vous devez mettre vos deux gros sacs ici. Le sachet ça va, indique Barbara, en montrant à Moïse le coffre géant sous le bus. Il dépose son sac à dos et le sac que lui a vendu le vieux Méchoulam, en même temps que le stock de bougies.
Ils montent dans le bus. Une rapide discussion avec le chauffeur du bus, leur permet d’acheter un passage pour Moïse. Barbara lui fait un signe de la main puis file vers le fond du bus ? Elle rejoint un groupe de jeunes adultes, apparemment tous des français d’origine. Quand Barbara arrive près d’eux, ils se mettent à chanter le « Hatikvah ». Ce petit groupe d’une dizaine de filles et de garçons, d’une moyenne d’âge de 20 ans, détonne avec les autres voyageurs. Il y a quelques familles. Tout le reste du bus est occupé par des jeunes militaires, qui semblent très sages par opposition aux frenchies bavards et chahuteurs.
Au rayon des très bruyants, un jeune Jedi d’une dizaine d’années, mime un combat au sabre laser. Il porte un long manteau beige, une sorte de capuche verte avec d’immenses oreilles pointues. La capuche l’enveloppe pratiquement. Il y a deux gros yeux noirs et ronds au niveau du front. Vu l’intensité du combat, Moïse pronostique que les figurines n’arriveront pas à Tel Aviv, ni le fauteuil sur lequel est assis le Jedi.
Moïse se tourne et regarde la porte du bus qui se ferme. Il est encore temps de quitter ce véhicule de perdition, d’abandonner ce projet insensé, de rentrer sagement au Kibboutz. Trop tard, le bus démarre. Moïse perd l’équilibre et s’installe à cloche pied sur le tout premier siège, à l’avant du bus. Il murmure : – Si je dois revenir à pied, je connaîtrais la route.
Le couloir du bus sépare Moïse d’un homme qui est en train de prier, une bible à la main. Long caftan noir, spodik – que Moïse confond toujours avec le schtreimel -, barbe à rallonge et papillotes qui encadrent le visage comme des vagues. Des livres américains, dont un guide d’Israël, sont posés sur le siège à côté. Sa posture, sa tenue – qui devait être moderne dans le Varsovie du XVIIIe – laissent à penser qu’il s’agit d’un membre de la communauté hassidique ultra-orthodoxe de Satmar, à Williamsburg New-York.
Moïse se dit in petto que la jeune femme n’avait pas tort en le comparant à un haredim. Même s’il n’est pas religieux, il refuse la modernité, sans doute pour les mêmes raisons que cet hassid, qu’il regarde : le monde extérieur représente un danger. Moïse sait que les communautés hassidiques, Belz, Satmar, Lubavitch, Tosh, Skver, s’abritent derrière leur « mur de vertu » comme lui derrière les barrières de son Kibboutz. L’agression que sa communauté a connu dans son enfance, l’horreur et les tragédies qui ont suivis ne peuvent que lui renvoyer comme un miroir, la violence de l’holocauste, la Shoah, la peste brune.
Les pensées de Moïse semblent glisser sur la route « Yitzhak Rabin Hwy ». Les chahuteurs chantent « Shalom Alekhem ». Du fond du bus, du fond de sa mémoire, le piyyout est cotonneux. Il se souvient de l’attaque du Kibboutz, les gens qui crient, les coups de feu, les enfants qui se serrent les uns contre les autres dans le dortoir, les flammes d’une arme à feu. Moïse a 13 ans. Il prend plusieurs enfants par la main, les autres suivent. Ils se faufilent, derrière la maison, derrière les fermes, derrières les arbres, et courent, courent pendant un temps interminable. Ils ont laissé leurs parents derrière eux. Le bruit est plus lointain, jusqu’à s’estomper complètement. Moïse a une blessure à la tempe, le sang coule abondamment mais il ne s’arrête pas avant d’arriver à la grotte. Quand le jour pointe sur les crêtes du mont Meron, ils arrivent dans leur grotte. C’est là que Moïse perd connaissance.
Moïse ne sait pas combien de temps dure sa « perte de connaissance », plusieurs jours selon son amie Dora, qui a pris en charge l’organisation de la troupe, fait un feu et trouvé à manger. Moïse reconnaît la grotte aux stalactites et stalagmites. Leur refuge mesure dans les huit mètres sur quatre. Il y a plusieurs cavernes de récif de corail en enfilades. Moïse entend des enfants qui chantent « Shalom Alekhem ». Il se demande si c’est Shabbat. Sa mémoire s’est partiellement envolée. Il n’a nul souvenir de ce qui a précédé son réveil.
– Une babka ?
– Une babka ? insiste l’hassid en lui tendant un tupperware avec des petites pâtisseries. Moïse qui est reconnaissant d’avoir été tiré de ce souvenir douloureux, prend une pâtisserie en remerciant l’homme, qui s’appelle Arieh. Moïse a vu juste, Arieh est bien un hassid de Satmar, venu à Safed pour une cérémonie.
Le bus arrive près d’une pompe à essence et le chauffeur annonce une pause de 5 minutes. Moïse et Arieh attendent devant le bus, et manquent d’être renversés par les gaulois qui courent vers la boutique de la pompe comme une nuée de sauterelles. Moïse regarde le téléphone d’Arieh et lui demande : – Il est casher ?
Arieh fait oui de la tête. Moïse sort un téléphone à clapet de la poche de son manteau : – Je suis moins moderne, le mien fait seulement téléphone. Excusez-moi.
Il s’éloigne de quelques pas en composant un numéro et porte l’appareil à l’oreille : – Shallom David Mensch. Toujours bon pour Tel Aviv Savidor ? Sababa, on se retrouve dans une heure.
En remontant dans le bus, Arieh s’installe près de Moïse. Pendant plus d’une heure ils se racontent leurs vies, qui ne sont pas si différentes au fond. Arieh griffonne un numéro de téléphone et le tend à Moïse : – Pour m’appeler quand tu viendras à New-York
– Je ne viendrais jamais à New-York mais je vais te téléphoner pour que tu enregistres mon numéro.
– Tu viendras à New-York, Bé’ezrat Hachem.
– Oy, si tu veux faire rire Dieu, parle lui de tes projets.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le prochain épisode des « AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE MOÏSE LEVY».
https://www.facebook.com/les.aventures.extraordinaires.de.Moise.Levy
Merci tes sympa. Mais je n’ai pas trouvé le premier épisode !
Merci Dany,
Par la suite, vous pourrez retrouver tous les liens vers les épisodes en cliquant sur le site (lien du site en bas de chaque épisode : moiselevy.fr).
En attendant, voici le lien vers direct vers le premier épisode : https://lphinfo.com/les-aventures-extraordinaires-de-moise-levi-episode-1-par-eden-levy-campana/
Bonne lecture