« Le premier qui dit la vérité
Il doit être exécuté… »
C’est ce que chantait Guy Béart accompagné en chœur par l’assistance.
Bien sûr, il ne faut pas accorder trop d’importance à un chanteur qui veut impressionner le public. Et pourtant…Un phénomène sans précèdent est en train de se produire et de modifier notre perception de la réalité. La multiplication des réseaux d’information permet la diffusion instantanée de messages haineux, d’interprétations tendancieuses et de complots imaginaires dignes des cerveaux malades qui inventèrent, il y a plus d’un siècle, les « Protocoles des Anciens de Sion. »
Grace à des moyens technologiques sophistiqués, on peut manipuler à grande échelle des élections et attiser les préjugés et instincts les plus vils du public. Comment réagir face à ce déluge empoisonné ?
Souvenons-nous : notre prière de Roch-Hachana demandait : « Purifie notre cœur pour Te servir en vérité car Tu es Dieu de vérité et Ta parole est vérité », et celle de Yom Kippour « Purifie notre cœur pour Te servir en vérité car Tu es clément envers Israël… ». Le jugement divin et le pardon dépendent de notre souci pour la vérité nommée pureté du cœur.
« Dieu est vérité », écrit Rambam dans l’une des premières phrases du Michné Torah, « Lui seul est vérité » et à ce titre, Dieu est le fondement- Yesod ha-yesodot- de toute réalité. Privée de ce fondement inébranlable, la réalité perdrait sa consistance et ne serait plus qu’apparence trompeuse. Autrement dit, il y aurait un lien indéfectible entre vérité et réalité, l’une servant de fondement à l’autre. Un des maitres du judaïsme médiéval, Rabbenou Yona, affirme dans son ouvrage Chaarei Techouva que « la vérité est un des fondements de l’âme », d’où l’extrême gravité de la tromperie dans les transactions. L’abus de confiance serait selon lui une corruption de l’âme.
Or c’est précisément ce fondement de la réalité, tant intérieure qu’extérieure, que notre société s’acharne à détruire.
Dans un texte visionnaire, daté de 1882, et intitulé « L’insensé », le philosophe Friedrich Nietzsche décrit de façon saisissante l’insensé qui court les rues en tenant une lanterne en plein jour et en criant « Où est Dieu ? Je cherche Dieu ! » Et aux passants qui se moquent de lui, il répond : « Je veux vous le dire : nous l’avons tué ! ». C’est ainsi que Nietzsche voit, bien des années à l’avance, le 20eme siècle meurtrier. Car tuer les créatures, et en premier lieu les témoins du Livre, c’est vouloir effacer la présence divine du cœur de l’homme, ce que la Torah nomme Haster Panim. Ce crime métaphysique entraine une totale désorientation morale : « Y a-t-il encore un en-haut et un en-bas ? N’errons-nous pas à travers un néant infini ? »
Nietzsche a fini par sombrer dans la folie. N’est-ce pas ce qu’il entrevoyait qui lui a fait perdre la raison ? Privée de boussole métaphysique indiquant le Bien et le Mal, l’humanité a basculé dans le relativisme moral que Nietzsche nommait perspectivisme ou nihilisme. Certes, il est bon d’admettre la controverse, comme dit le Talmud « les unes et les autres sont les paroles du Dieu vivant », mais cela à condition que les interlocuteurs recherchent la vérité de façon désintéressée et non un gain personnel.
Le Talmud (Sanhedrin 97a) interprète un verset d’Isaïe comme annonçant que « lorsque viendra le fils de David, la vérité disparaitra et se divisera en de multiples sectes », jouant ainsi sur l’homonymie entre « neederet », disparue, et « adarim », troupeaux. La vérité une est livrée aux troupeaux humains.
Il faut bien le reconnaitre : de nos jours, la vérité est humiliée dans les réseaux sociaux et dans la presse. Campagnes mensongères, dé-légitimation de l’adversaire, incitation à la haine, tout est bon pour gagner pouvoir et argent. Où sont les prophètes et les sages qui s’opposaient au pouvoir royal corrompu ? La vérité ne siège ni dans les palais royaux ni dans les institutions qui défendent le pouvoir et les riches, mais dans la conscience humaine, « cette demeure précaire et divine » qui n’est autre, selon E.Levinas, que les 4 coudées de la Halacha. Halacha qui n’a d’autre séjour que dans notre fragile conscience !
Pour créer l’homme contre l’avis défavorable de l’Ange de vérité, Dieu a précipité la vérité sur terre et dit « Que la vérité germe de la terre ! ». Sans nul doute, la vérité a souffert et souffre de cette chute. A nous d’en ramasser les fragments avec humilité et de mettre un peu de cohérence dans notre vie. La vérité ne réside ni dans le nombre, ni dans la puissance, ni dans la richesse, mais dans la pureté d’un cœur désintéressé, ouvert à la pluralité des opinions des amis de la vérité, une dans son fondement et multiple dans ses manifestations.
Concluons avec cette belle prière d’une brulante actualité :
« Et purifie nos cœurs pour Te servir en vérité », Amen.
Rav Daniel Epstein
Tout ceci se trouve analysé, disséqué et expliqué dans le livre d’Aaron Meyer Emile Sitbon ; La culture du mensonge, aux Ed. Meyor chez Amazon.fr
La meguila de Ruth (a shavouot) commence par le verset suivant: Ce fut au temps ou l’on jugeait les juges, tout de suite apres, survint la famine sur la terre (d’Israel), consequence de la periode ou l’on jugeait les juges – la famine –
Ca vous rappelle queque chose? Vous avez compris. Cette partie est le cote sombre de cette periode. Mais le cote positif de cette meme periode fut le mariage de Ruth avec Boaz dont le descendant a ete le roi David duquel viendra le Mashiah.
Esperons que la periode que nous passons finira aussi bien que dans la meguila de Ruth. Tout est bien qui finit bien.
Shabbat Shalom