« Et Israël aimait Yossef plus que tous ses fils car il était son ‘Ben Zekounim / son fils de la vieillesse » (Beréchith Vayéchèv, 37, 3). Rachi donne aussi, sur ce mot, une autre explication : « ‘son fils sage’ (Zakèn étant l’acrostiche de Zé kana ‘hokhma / celui-ci a acquis la sagesse), car tout ce qu’il avait appris de Chem et Ever, il lui a transmis ». Comment est-il possible que Yaacov ait enseigné la Torah seulement à Yossef ? Qu’en est-il de ses autres fils ? demande Rav Moché Feinstein. Il est certain, répond-il, que notre Patriarche a enseigné la Torah à tous ses enfants mais ce qu’il avait appris à la yechiva de Chem et Ever, il l’a transmis spécialement à Yossef. Pourquoi ?
Rappelons-nous que lorsque Yaacov a quitté le domicile paternel pour ‘Haran, il s’est rendu auparavant à la yechiva de Chem et Ever, où il a étudié sans répit pendant quatorze ans. Il avait, certes, étudié la Torah chez son père Yits’hak Avinou mais maintenant qu’il s’éloignait de son foyer, il s’agissait de se renforcer pour affronter les adversités qui l’attendaient. Chem et Ever avaient les clés de cet enseignement car eux-mêmes avaient survécu au Déluge et à la Tour de Babel, et étaient restés des Justes dans un monde de perversité. Yaacov y a étudié quatorze années face aux quatorze années où il a dû travailler au service de Laban, le rusé !
Yaacov Avinou, à son tour, a pressenti que son fils Yossef devra affronter aussi un milieu corrompu. C’est pourquoi, à l’avance, il l’a armé de l’enseignement spécial de Chem et Ever. Et là aussi, quatorze ans se sont écoulés, depuis le moment où Yossef a été vendu (à dix-sept ans) jusqu’à ce qu’il ait été nommé vice-roi et qu’il se soit marié (après trente ans) ! C’est grâce à cela que Yossef est resté un Tsadik, même tout seul, en Égypte.
« Ma’assé Avoth siman lebanim / tout ce qui s’est passé chez nos ancêtres est un signe pour leurs descendants ». Tant que les Juifs restaient groupés entre eux, en communautés, tant qu’ils continuaient à vivre sur la même terre d’accueil depuis des générations, tant que l’on restait à proximité du foyer paternel, le Judaïsme s’est transmis et la pratique s’est conservée « par tradition ». Cependant, dès que les évènements ont bouleversé le monde, dès que les ghettos et les mellahs se sont ouverts, dès qu’il y a eu déracinement vers des destinations étrangères, la pratique des mitsvot transmise seulement par tradition n’a pas résisté.
Seule l’étude intensive de la Torah donne au Juif la force de se protéger des heurts du déracinement et de l’assimilation qui le guettent. Il vivra un Judaïsme rempli de sens, il aura une réponse aux problèmes auxquels la nouveauté le confronte, il saura rester fièrement attaché à son D.ieu et à son peuple. La yechiva existe déjà depuis le post déluge, elle était présente et fréquentée à la période des Patriarches. Dès la descente en Égypte, Yaacov Avinou s’est soucié d’en fonder à Gochen et la yechiva continue, jusqu’à aujourd’hui, à être le bastion du peuple juif contre vents et marées. Soyons fidèles au message de Yaacov… et de Yossef.
Rabbanith P. ELKRIEF – B.A.I.T.
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