Itshak Levanon
Ancien ambassadeur d’Israël en Égypte
Je ne crois pas que les attentats en Europe vont changer l’attitude des Occidentaux en ce qui concerne la question palestinienne. En revanche, ils comprendront certainement mieux les mesures que prend Israël pour lutter contre le terrorisme islamiste. En effet, il n’y a aucun lien entre la question palestinienne et les terroristes qui sont des islamistes radicalisés. Les défenseurs de la cause palestinienne, représentés par l’Autorité palestinienne, sont motivés par une lutte politique. Ils veulent un État, et pour l’obtenir ils utilisent des moyens violents auxquels Israël doit faire face. Le Hamas, lui, mène une lutte islamiste, terroriste. C’est cette même menace qui secoue l’Europe aujourd’hui : des islamistes radicaux qui veulent mettre en place et pérenniser un État islamique. C’est dans ce combat, contre le djihadisme radical, que les Occidentaux et les Israéliens pourraient se retrouver.
Dr Emmanuel Navon
Universitaire
Les attentats de Paris vont accentuer le contraste entre les Européens qui considèrent que le terrorisme islamiste est injustifiable, et ceux qui essaient de le rationaliser. La ministre suédoise des Affaires étrangères et le chef du parti socialiste hollandais ont « expliqué » que les attentats du 13 novembre sont le fruit de la frustration créée par le conflit israélo-palestinien (et donc par Israël puisque, selon eux, seul Israël est à blâmer pour ce conflit). François Hollande et David Cameron, en revanche, ont tenu des propos très clairs et très fermes sur le fait que rien ne saurait justifier une telle barbarie et que celle-ci doit être combattue et vaincue. Certains Occidentaux commencent à comprendre que la source de la barbarie djihadiste est une version de l’Islam pour laquelle le meurtre des « infidèles » constitue un commandement religieux. Ils comprennent qu’Israël est également la cible de ce djihad. Mais ne nous faisons pas d’illusions : même si ces mêmes Occidentaux ne font pas l’amalgame entre la barbarie djihadiste et le conflit israélo-palestinien, ils considèrent cependant que le terrorisme palestinien est compréhensible (en particulier contre ce que les Occidentaux appellent « les colons ») tant que le conflit israélo-palestinien n’aura pas été résolu.
Richard Darmon
Conférencier et journaliste géopolitique
Après les carnages de Daësh, je pense qu’on risque d’assister au contraire – sous peu – à une aggravation de la demonisation et de la délégitimation d’Israël, ainsi qu’à une accentuation des mesures et pressions anti-israéliennes, exactement dans le sens des déclarations de Margot Wallström, la ministre suédoise des Affaires étrangères, qui a fait un lien odieux entre l’impasse de la question palestinienne – dont elle n’a pas du tout voulu interroger les causes – et les actes barbares de Daësh. Et ce, tout simplement parce que voilà bien longtemps que ce ne sont pas les données du réel ou une analyse historique et géopolitique équilibrée qui guident les prises de positions européennes sur Israël, mais bien cette haine structurelle de l’État hébreu et du nom même d’Israël, que le socio-psychanalyste français Jean-Claude Milner a si bien décrit dans son livre incontournable intitulé “Les Penchants criminels de l’Europe démocratique”. Un ouvrage que je conseille fortement à ceux qui veulent décoder ce qui se passe sur la scène politique européenne, dont tous les non-dits sur l’islam radical et la culpabilisation permanente de l’État hébreu, non pas pour ce qu’il ferait ou ne ferait pas, mais pour ce qu’il EST, à savoir le ‘’Juif parmi les États”.
“Pour l’Europe, écrit entre autres Milner, les Juifs ne font pas partie des ‘hommes de bonne volonté’. C’est qu’ils portent en eux la marque ineffaçable de la guerre. L’Europe, héroïne de la paix en tous lieux, ne peut que se défier d’eux, où qu’ils soient. Elle ne peut qu’être profondément anti-juive. (…) Si l’Europe a basculé dans un antijudaïsme de structure, alors tout doit être repris depuis le début. (…) Pourquoi la haine ? Parce qu’en dernière instance, le nom juif, dans ses continuités, rassemble les quatre termes que ‘l’humanité de l’avenir’ souhaite vider de tout sens : homme/femme/parents/enfant”.
Avi Zana
Président de AMI. Conseiller francophone de Nir Barkat
J’entends, à juste titre, une certaine impatience dans ce questionnement. Je pense, tout d’abord, que les attaques terroristes qui touchent violemment les États-Unis et l’Europe ces dernières années sont, avant tout, un des éléments de la lutte de civilisations et de la guerre de valeurs qui opposent l’islam et l’occident. Jusqu’à présent, les dirigeants politiques de ces pays ont évidemment nié, voire refoulé cette réalité refusant de sacrifier « leur qualité de vie et leur liberté » sur l’autel d’une nouvelle guerre de quelque nature qu’elle soit contre un ennemi qu’on a refusé de nommer par son nom. Dans ce sens leur politique de culpabilisation permanente de l’État d’Israël n’est en fait qu’un des arguments leur permettant de mieux légitimer leur attitude complètement déséquilibrée envers nous et de masquer une réalité qui les gangrénait de l’intérieur depuis fort longtemps.
S’il vrai que nous commençons à entendre, ces derniers temps, quelques nouvelles nuances, inconnues jusque-là, dans le langage des responsables européens, il est encore trop tôt pour savoir si il y a là un vrai changement de cap et une nouvelle façon d’appréhender la violence qui les touche maintenant directement dans leur chair. Gageons que les puissances occidentales ouvrent enfin les yeux et prennent leur responsabilité car il y va avant tout de leur avenir.