Rabbi Yaakov Baal hatourim dans la section Orah’ ‘Haïm, écrit en introduction aux Halakhot de Souccot (alinéa 625) : « Dans les Souccot vos résiderez durant sept jours etc. afin que vos descendants sachent J’ai installé les enfants d’Israël dans des Souccot lorsque Je les ai sortis d’Egypte … Bien que D. nous ait sortis d’Egypte au mois de Nissan, Il ne nous a pas donné la Mitsva de la Soucca pour le même mois car c’est une période de jours chauds durant laquelle chacun se construit une cabane pour se faire de l’ombre. Si effectivement D. nous avait donné l’injonction de construire la Soucca à ce moment-là elles se seraient fondues dans la masse et la Mitsva aurait été méconnaissable. Ainsi D. nous a donné cette Mitsva au septième mois, période de pluies durant laquelle il est d’usage de ne plus demeurer à l’extérieur mais de rentrer à l’intérieur de la maison, à l’abri des intempéries du temps. Et c’est à ce moment précisément que nous quittons notre demeure pour s’installer dans la Soucca, et ainsi nous montrons à tous que c’est une Mitsva que D. nous a donnée et que nous la respectons. »
La Mitsva de la Soucca doit se réaliser précisément au moment où naturellement nous ne sortirions pas de notre maison mais au contraire quand on « se rassemble » sous son toit (en hébreu rassembler se traduit par ossef, la fête de Souccot est appelée dans la Torah ‘Hag haAssif) à cause de la saison des pluies qui approche.
Dans le Midrach nos Sages donnent une raison supplémentaire, et ainsi est rapporté dans la Psikta déRav Kahana (29, a’harita déSouccot) : « Rabbi El’azar bar Mariom pose la question pourquoi construire la Soucca dès la fin de Yom Kippour ? Réponse : afin de nous enseigner que le jour de Roch Hachana, D. juge toute la Création et à Yom Kippour Il signe les décrets et clôt le jugement. Ainsi, de peur que D. ne nous condamne à l’exil, nous construisons la Soucca, nous nous ‘exilons’ nous-mêmes de nos propres maisons et intégrons la Soucca de D. Aux yeux de D. ce sera considéré comme si nous avions effectivement été exilés en Babylonie, ainsi qu’il est écrit : Tords-toi et gémis, fille de Tsion, comme une femme qui enfante, car l’heure est venue pour toi d’abandonner la cité, de camper en plein champ et d’aller jusqu’à Babylone. Là t’attend le salut, là D. te libérera de la main de tes ennemis (Mikha 4-10). »
Il faut bien comprendre pourquoi cette crainte de la punition de l’exil. Et comment peut-on dire que résider dans la Soucca et être joyeux durant la fête, ainsi que la Torah le stipule, sera considéré comme l’exil ?
Durant la fête de Souccot nous venons en fait arracher les racines des fautes et ainsi achever le processus de Téchouva que nous avons entamé au mois d’Eloul. Afin d’atteindre le niveau de « vous vous réjouirez en présence de l’Éternel votre D. pendant sept jours » (Vayikra 23-40) il ne suffit pas de corriger nos actes mais principalement de corriger nos vertus. A ce sujet Rabbénou Yona écrit dans son ouvrage Cha’arei Téchouva (cha’ar richone 23) : « Le septième principe – la capitulation du cœur et l’humilité. Car lorsque l’on connait son Créateur on saura combien celui qui transgresse Sa volonté se rabaisse, est faible et porte atteinte à sa propre valeur. Le Roi David, lorsqu’il se repentit sur son erreur lorsque vint à lui le Prophète Nathan, exprima dans le livre de Téhilim (51-19) : ‘Les sacrifices [agréables] à D., c’est un esprit contrit; un cœur brisé et abattu, ô D., tu ne le dédaignes point.’ Un esprit contrit – un esprit humble. Nous apprenons de cela que la soumission [à la volonté divine] est un des principes de la Téchouva … Et l’orgueil entraine avec lui de nombreuses fautes et attise le Yétser haRa’ dans le cœur de l’être humain. »
Nous apprenons de là que la Téchouva ne peut être complète avant que l’on ait courbé l’échine devant D. et mis à bas l’orgueil qui nous empêche de servir D. avec joie et de bon cœur. Pour corriger et anéantir cet orgueil, nos Sages enseignent que l’homme doit s’exiler du lieu où il réside (en hébreu liglot). C’est à ce moment-là qu’il ressentira cette sensation d’humilité, une fois sa maison quittée et son statut social perdu. Ainsi écrit Rambam (Maïmonide, Michné Torah, Hilkhot Téchouva 2-4) : « Parmi les chemins de la Téchouva : que celui qui fasse Téchouva ne cesse d’implorer D. dans les pleurs et les supplications (…) et il s’exile de son endroit, car l’exil fait expiation des fautes, en l’éveillant à la soumission, la modestie et l’humilité. »
Nous pouvons également comprendre à partir de cet enseignement pourquoi la Mitsva de la joie, de la Sim’ha, a été donnée spécialement pour la fête de Souccot. Le fait de s’effacer devant D. est source de Sim’ha. Quand l’homme prend conscience que sa vie est entre les mains de D., n’attend rien de Lui et ne désire que Lui donner, que se rapprocher de Lui, il se sentira automatiquement empli d’un sentiment de confiance, de joie et de sérénité. David Hamélèkh nous enseigne le lien entre l’humilité et la Sim’ha.
Le Talmud de Jérusalem rapporte (Traité de Sanhédrin 2-10) : « Il est écrit (Téhilim 33) ‘Chir hama’alot léDavid. D., mon cœur n’est pas gonflé d’orgueil’ – lorsque le Prophète Chémouel m’a oint ; ‘mes yeux ne sont pas altiers’ – lorsque j’ai tué Goliath ; ‘je ne recherche point de choses trop élevées pour moi’ – lorsque j’ai fait monté l’Arche Sainte à Jérusalem ; ‘ni de choses au-dessus de ma portée’ – lorsque j’ai été réinstauré en tant que roi ; mais ‘au contraire, j’ai apaisé et fait taire mon âme; tel un enfant sevré, reposant sur le sein de sa mère, tel un enfant sevré, mon âme est calme en moi’ – mon âme est comme celle d’un enfant qui vient de naitre. »
David Hamélèkh est le dernier des sept Ouchpizines (Hôtes). C’est lui qui nous enseigne qu’est-ce que la joie, la Sim’ha, la sérénité, la tranquillité d’esprit et la quiétude. C’est justement grâce au fait qu’il ne se repose jamais uniquement sur ses propres capacités qu’il est toujours confiant et quiet, comme le bébé qui se repose entièrement sur sa mère et lui fait entièrement confiance qu’elle fasse toujours pour le mieux dans son intérêt.
Que nous ayons le mérite tous de faire Téchouva entière et complète, et de se réjouir d’une vraie Sim’ha, la Sim’ha divine, la Sim’ha de la Torah et des Mitsvot Amen.
Le Rav Avner Hazout est enseignant à la Yeshiva Or Vishoua de Haïfa