Rav de la communauté Shimshoni, Modiin
Les tribunaux rabbiniques sont passés sous l’autorité de Shass, la réforme de la loi sur les conversions a été annulée. Ces deux événements ne sont pas une catastrophe à mes yeux. Cela me désole que Shass dirige les tribunaux rabbiniques, parce que je crois davantage en l’approche sioniste religieuse. Néanmoins, Shass n’est pas le diable ! Je ne suis pas convaincu que les juges rabbiniques, disciples du Rav Ovadia Yossef, zatsal, soient automatiquement obscurs et rigides. Le Rav Ovadia n’est certainement pas un juge de ce genre. La réforme sur les conversions a été annulée et c’est dommage, parce qu’elle aurait pu apporter des convertis supplémentaires au sein de notre peuple. Mais à vrai dire, je n’ai jamais cru qu’elle apporterait un nombre important de convertis. La masse des non-Juifs en Israël ne se convertit pas, non pas à cause des contraintes, mais tout simplement parce qu’elle ne le veut pas, même dans un cadre plutôt agréable et ouvert comme celui des conversions de l’armée.
Avocate
Il faut prendre conscience que le débat autour de la conversion concerne des personnes qui vivent ici, sont dans les mêmes écoles que nos enfants, servent dans l’armée et auxquelles on dit un jour : « mais vous n’êtes pas Juif » ! La loi sur la conversion qui a été annulée transférait les pouvoirs en la matière aux Rabbins des villes, pouvoir détenu jusqu’alors exclusivement dans les mains du Grand Rabbinat d’Israël. Ce n’était peut-être pas la solution miracle, mais au moins, cela permettait de décoincer certaines situations. Aujourd’hui, il est clair que nous devons nous appuyer sur nos textes les plus souples sur ce sujet, et ils existent. Une personne n’est pas obligée d’être religieuse pour pouvoir se convertir ! Nous devons faciliter au maximum le processus si l’on veut justement protéger la hala’ha et prévenir l’assimilation. Tout est question de volonté, les bases hala’hiques existent. Si nous continuons à ne rien faire, cela sera une tragédie au niveau individuel et collectif pour la vie juive en Israël. Celui qui campe sur des positions rigides refuse de voir la réalité du pays. La loi du Retour permet à toute personne ayant au moins un grand-père juif de devenir citoyen israélien. Peut-être faudrait-il aussi réfléchir à la cohérence avec les conversions… Il ne s’agit pas d’un combat entre Haredim et religieux sionistes, mais entre ceux qui acceptent la réalité d’aujourd’hui et ceux qui la refusent et mettent par là même la vie juive et la hala’ha en péril.
Responsable du programme Shvout
Il est impossible d’aborder la problématique de la conversion, en termes de Halah’a, sans prendre en considération son contexte historique. La réalité historique du Peuple d’Israël vivant parmi les non-juifs suscita une attitude particulière envers la conversion. L’environnement, en terre d’assimilation séduisante, impliqua une rigidité, un rempart face au danger d’hémorragie du Peuple Juif. Aujourd’hui, nous vivons le Retour, le Rassemblement des Exilés, ce qui change les données historiques. La chute de l’Union Soviétique amena plus d’un million de Olim, mais également des centaines de milliers qui ne sont pas Juifs selon la Halah’a, mais se sentent intimement reliés au Peuple Juif et à l’État d’Israël ; ils sont actifs et intégrés à la société israélienne, suivent son système éducatif, font le service militaire, participent à la vie académique et commerciale, etc. Les données démographiques actuelles du Peuple Juif indiquent que toute vague future d’Alyah, quelles que soient ses origines, nous confrontera aux conséquences de la Galout, à savoir les mariages mixtes et les enfants qui en sont issus. La loi juive est et restera le seul critère en matière de conversion. Cependant, la réalité historique nécessite l’adoption de positions halah’iques plus ouvertes envers les non-Juifs d’origine juive, Zera Israël, à condition qu’eux-mêmes cherchent à revenir vers leur identité, et acceptent l’axiome « Ameh’ Ami, Elokayih’ Elokay – ton Peuple sera mon Peuple, ton D. sera mon D. ». Cette approche n’est pas un « soulagement » de la conversion, ni même des facilités à accorder en termes de Halah’a (kouloth), mais des mesures préventives (h’oumeroth) face aux dangers de l’assimilation.
Spécialiste en politiques publiques
Il me paraît clair qu’en Israël, où les Juifs sont une majorité et où la culture est juive, la conversion devrait être facilitée pour tous ceux qui sont sincèrement motivés à rejoindre le peuple juif, et dans les faits le processus est plus rapide qu’en diaspora pour les conversions orthodoxes. Il faut cependant relativiser l’importance de cette question. On s’inquiète en Israël de la présence de quelques 300000 olim non-Juifs selon la Halakha (certains d’origine juive, d’autres pas du tout) arrivés depuis 1989 de l’ex-URSS essentiellement. Certains y voient un danger « d’assimilation » et pressent le gouvernement de faciliter les conversions pour régler la question. Or c’est un faux problème. D’abord parce qu’on n’a jamais vu la majorité s’assimiler à la minorité. Ces gens se judaïsent sociologiquement si ce n’est religieusement. Ensuite parce que l’immense majorité n’a ni l’envie ni le besoin de se convertir. Ils ne le souhaitent pas et malgré le contrôle ultra-orthodoxe du processus rien n’indique qu’une masse de convertis potentiels soient empêchés de sauter le pas. Ils n’en ressentent pas le besoin parce qu’au final, les seules qu’il faudrait convertir sont les jeunes femmes avant leur mariage. Et c’est, dans les faits, ce qui se produit dans la pratique : l’immense majorité des convertis au Judaïsme en Israël sont des femmes de 20 à 30 ans. Aussi, même s’il serait sûrement préférable de faciliter le processus de conversion, la situation actuelle ne pose aucune menace pour l’avenir des Juifs en Israël. En diaspora, évidemment, la situation est très différente.