Existe-t-il un rapport entre les explorateurs, les 24000 élèves de Rabbi Akiva et les deux astres principaux que sont le soleil et la lune? Comment se fait-il que les deux explorateurs qui ne mourront pas comme les autres feront entrer le peuple sur la terre?
Chacun des douze explorateurs est le chef de sa tribu, prince d’Israël. Leurs préoccupations? Contradictoires. Dix d’entre eux ont peur de perdre leurs “postes” et de devoir commencer une nouvelle vie faite de guerres, de travaux de la terre, de difficultés qu’ils ne connaissent pas dans le désert. Seuls Yeoshoua et Calev marquent leur volonté de réaliser le projet divin, à savoir établir Israël sur sa terre, véritables précurseurs de Mashia’h ben Yossef (Ephraïm) et Mashia’h Ben David (Yehouda).
A sa naissance Yossef ajoute un autre fils! וַתִּקְרָא אֶת-שְׁמוֹ יוֹסֵף, לֵאמֹר: יֹסֵף יְ”הוָ”ה לִי, בֵּן אַחֵר, “et elle appela son fils Yossef, en disant que L’Eternel me donne un autre fils”
Un fils différent, qui en annonce un autre. Il est tsadik et rêve de son devenir comme roi, à l’image des premiers rois qui apparurent sur la terre, le soleil et la lune. Il rêve, pour imager son rôle, que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternent devant lui, il s’agit là non pas d’un rêve de puissance mais de l’aspiration à réaliser quelque chose qui est hors de l’organisation du monde, à savoir le devenir d’Israël pour qui le monde fut créé.
Ainsi lors de l’entrée du peuple sur sa terre après 40 ans d’errance dans le désert, les deux libérateurs sont Yeoshoua et Calev. Parlant de Calev, D-ieu dit (14, 24) “Pour Mon serviteur Calev, attendu qu’il a été animé d’un esprit différent (autre) et M’est resté pleinement fidèle, Je le ferai entrer dans le pays où il a pénétré, et sa postérité le possédera”.
Quelques versets plus loin, D-ieu s’adresse au peuple, soulignant qu’ils ont murmuré contre lui, et le Créateur déclarera:
(14, 30) “Jamais vous n’entrerez, vous, dans ce pays où j’avais solennellement promis de vous établir! II n’y aura d’exception que pour Calev, fils de Yefounné, et Yeoshoua, fils de Noun”.
Comme s’il y avait eu de nouveau inversion, échange, celui qui est représentant de la valeur “différente” est de la tribu de Yehouda et non de celle de Yossef, là encore l’inversion est échange, union, laquelle est salvatrice, ils feront entrer le peuple en Israël. En effet, l’inversion est le propre des fils de Yossef. Ainsi lorsque Yaakov les bénit, il place Ephraïm en premier, avant Menaché. Plus tard Moshé et Aaron, seront les premiers libérateurs, là encore au nombre de deux, le principal est Moshé Rabbénou, frère cadet d’Aaron, de plus lorsque D-ieu se dévoile à Moshé pour lui demander de sauver le peuple, Moshé, par son insistance, par humilité, va perdre son titre de Cohen et deviendra Lévy, Aaron bien entendu, sera désigné, lui, comme Cohen.
Quant aux explorateurs, se liant contre le projet Divin, en dénigrant la terre d’Israël, ils seront punis, selon Rachi: “Par la mort qui leur était appropriée, mesure pour mesure: Comme c’est par la langue qu’ils avaient péché, celle-ci s’est allongée jusqu’au nombril. Des vers sont sortis de leurs langues et ont pénétré dans leur nombril (Sota 35 a) […]”
Dans cette même Masse’het, Rav Na’hman pense, lui, qu’ils moururent par une mort violente nommée “Askara” : אסכרה, soit, selon de nombreux avis, la diphtérie! Elle aussi frappe la langue, et entraine une mort par étouffement.
Pour revenir à notre problématique, et tenter de répondre aux questions posées, voilà que lors de l’établissement des grands luminaires, il y avait entre eux un équilibre absolu, sans prépondérance de l’un ou de l’autre, de jour comme de nuit. La lune va s’interroger sur la possibilité de partager en deux, les heures du jour qui sont au nombre de douze, comme celles de la nuit. Anticipant sur son rôle futur, lié à la période de la délivrance, elle ne saisit pas qu’il y ait un autre, différent.
Depuis cette “punition” de la lune qui s’amenuisera, il planera, nous disent nos Sages, le quatrième jour, un risque de diphtérie: Askara, et les Sages de nous apprendre que les hommes jeûnaient ce jour-là pour que les nourrissons ne soit pas touchés par cette épidémie et n’en meurent.
De même en s’amenuisant, elle va attendre la gueoula pour revenir à son essence, être un grand luminaire, comme il est écrit “la nuit brillera comme le jour”, lors de la venue de Machia’h Ben david, lui-même comparé à la lune, comme on le voit lors de la bénédiction de celle-ci à la sortie du chabbat, période de David Hamelekh lui-même et du Machia’h.
Étonnement, le mois de Yossef (Yeoshoua) est celui d’Adar, et celui de Yehouda (Calev) est celui de Av, le jour où les explorateurs firent leur faux rapport était le neuf av, le mois où la joie s’amenuise, à l’inverse, le mois d’Adar où l’on rajoute dans la joie est celui de la délivrance dans l’exil, celui d’av est celui de la délivrance future, où la lune, le Mashia’h sortiront grandis.
Ainsi, à propos du chiffre douze, les Sages dans le talmud nous disent que Rabbi Akiva avait douze mille couples d’élèves, pourquoi 12000 couples et non pas tout simplement 24000 élèves? Car le chiffre de douze est le symbole de la gvoura, et parce que leur mort sera par “Askara” cette même mort que connurent les explorateurs, du fait d’un mauvais comportement au niveau du langage, exprimant ainsi le mépris de l’autre, son rejet.
La grandeur du peuple Juif est dans ses prières (Calev, sur le tombeau des patriarches) et son étude de la Torah (Yeoshoua, l’élève fidèle de Moshé Rabbénou), à l’inverse du lachon hara, du manque de respect envers l’autre. De fait la punition de la Askara, apparaît particulièrement lorsque l’on est en présence du chiffre douze, symbole de la gvoura, qui n’est autre qu’un rappel à l’ordre du Créateur.
Rav Itshak Peretz