Le monde francophone en Israël a beaucoup évolué ces dernières années. La fondation de Qualita par Marc Eisenberg, a donné un nouvel élan à la prise en compte de notre communauté. Puis est arrivé le mouvement Aleinou, qui a, sans ménager ses efforts pendant plusieurs mois, réussi à placer plusieurs candidats francophones sur les listes pour les municipales.
LPH a interrogé Ariel Kandel, Directeur de Qualita: il nous livre sa vision de ce phénomène francophone qui intrigue de plus en plus tous les Israéliens.
Le P’tit Hebdo: Le nombre de candidats francophones est impressionnant. Dans certaines villes, on constate une multiplication de ces candidatures. Ne risque-t-on pas ainsi de diviser les voix?
Ariel Kandel: Je ne partage pas cette analyse. En Israël, vous avez 100000 Druzes, et ils ont cinq députés: un parmi les partis arabes, un chez Israël Beitenou, un chez Koulanou, un chez les Travaillistes et un au Likoud. Il en va de même pour la communauté russe ou éthiopienne. Il n’y a aucune nécessité de présenter une liste commune. On ne peut pas, pendant des années, se plaindre de ne pas être représentés politiquement, puis se plaindre qu’il y en a trop maintenant! Chacun représente des nuances de notre communauté et il faut s’intéresser à ce que chaque candidat propose, suivant deux priorités: le bien de la ville et les besoins précis des olim. Ce faisant, on accède à une conséquence qu’il faut appeler de nos vœux: encourager les Juifs de France à faire leur alya.
Lph: En quoi cette implication politique francophone encourage-t-elle à l’alya?
A.K.: Plus nous aurons de représentants au niveau municipal et national, mieux les intérêts des olim seront pris en compte. Nous parviendrons ainsi, avec le travail des associations, à obtenir des résultats qui débloqueront certains obstacles. C’est pourquoi, nous ne devons pas rougir de voter francophone. Je dis cela y compris et peut-être surtout pour les anciens olim, qui sont intégrés et refusent d’être étiquetés. Nous avons tous encore des proches en France, nous devons penser à eux. En Israël, c’est ainsi que l’on vote: en fonction de l’intérêt collectif mais aussi en fonction de sa communauté d’appartenance.
Lph: Quels sont les réels pouvoirs des municipalités concernant les olim?
A.K.: Education, logement, emploi: beaucoup de décisions sont prises au niveau municipal. Qualita coopère beaucoup avec les mairies. C’est grâce à celles de Jérusalem et de Tel Aviv que nous avons pu ouvrir les hubs de l’emploi. Nous espérons que les Francophones qui seront élus détiendront les portefeuilles de l’alya et de l’intégration.
Lph: On soupçonne parfois les têtes de liste de se donner bonne conscience en nommant des candidats francophones. S’agit-il effectivement de calculs politiciens, d’après vous?
A.K.: Ceux qui soutiennent cette vision des choses ont gardé de la France, cette tendance à râler et à ne voir que le côté négatif des choses. En Israël, c’est ainsi que cela fonctionne. Si on ne donne pas la chance aux candidats francophones d’être élus le 30 octobre, alors comment entrerons-nous dans le système israélien? Le mouvement Aleinou l’a bien compris et c’est pourquoi nous les encourageons depuis le premier jour. Grâce à l’élan qu’ils ont impulsé, je pense que nous pouvons voir entre 5 et 10 candidats francophones entrer dans les conseils municipaux des principales villes.
Lph: En quelques mots, pourquoi est-ce important de se déplacer aux urnes le 30 octobre?
A.K.: Ce devoir de citoyen devrait être une évidence, surtout lorsque l’on a fait son alya. Il y a 80 ans, qui aurait pensé que nous voterions en Israël? C’est l’accomplissement du rêve sioniste. En plus, cette fois, le jour des élections municipales sera un jour chômé, alors aucune excuse! Pour moi, voter est toujours un moment fort et émouvant. Il faut comprendre que nous vivons dans un petit pays et que nous pouvons peser. Montrons que nous sommes présents parce que les absents ont toujours tort.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay