Après un séjour à Tatooine et à Géonosis, un vaisseau me dépose sur une nouvelle Planète. Une affiche collée sur une porte m’indique que ce jour est celui de « Tou Bichvat, le Nouvel An de l’Arbre ». Dommage d’avoir coupé un arbre pour en faire une affiche, drôles de mœurs sur cette Planète. Vers 20h, un informateur me signale que le chef-monteur Paul Hirsch, une légende du 7eme art, vient d’obtenir le prix du « Meilleur Ouvrage étranger sur le cinéma 2022 » décerné par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des films de Télévision, pour son ouvrage : « Paul Hirsch – Il y a bien longtemps, dans une salle de montage lointaine, très lointaine… ». Bon d’accord. En réalité je sors d’une épicerie du quartier juif ultra-orthodoxe de Brooklyn NYC, et je reçois un sms que j’attendais.
Les Prix SFCC sont toujours très attendus. Les 300 membres, écrivains, journalistes, tous critiques de cinéma, récompensent ainsi le meilleur des ouvrages littéraires et DVDs de cinéma, ainsi que les meilleures productions télévisuelles et cinématographiques de l’année. Je prends contact avec Paul Hirsch pour avoir sa réaction à chaud. Il me demande s’il y a une deadline pour l’entretien, je lui répond que c’était pour hier. Nous la faisons tout de suite. A 23h, clap de fin. C’est ça aussi la magie de Paul Hirsch, qui rime avec excellence, efficacité, pragmatisme et talent.
Paul Hirsch, est un homme de l’ombre. Cinquante ans de montage au service des blockbusters hollywoodiens. Neuf films de Brian De Palma dont « Mission : Impossible », « Footloose » d’Herbert Ross, « La Folle journée de Ferris Bueller » et « Un ticket pour deux » de John Hughes, « Chute Libre » de Joel Schumacher, « Ray » de Taylor Hackford, et bien entendu « Star Wars » et « Star Wars, épisode V : L’Empire contre-attaque » co-écrit par George Lucas et Lawrence Kasdan, réalisé par Irvin Kershner.
Paul Hirsch c’est aussi l’Oscar du meilleur montage en 1978 pour « La Guerre des étoiles » et une nomination en 2005 pour « Ray ». Il est le seul monteur à avoir remporté deux fois le Prix Saturne du meilleur montage. En 2017, il reçoit un Prix spécial pour un « Monteur avec une Sensibilité Visuelle Unique » de la part du prestigieux Festival du Film des directeurs de la photographie Camerimage, en Pologne.
Lors de sa sortie en 9 juin 2022, je me suis jeté sur le livre « Paul Hirsch – Il y a bien longtemps, dans une salle de montage lointaine, très lointaine… », un vrai régal. Objet transfuge entre le manuel pour étudiants et le bel ouvrage du cinéphile, mi bio – mi journal intime, ce livre est un recueil unique d’anecdotes, de rencontres et de moments rares de l’histoire du Cinéma. L’action du livre se situe dans une époque fastueuse pour le 7eme art, ou officient en maîtres incontestés, George Lucas, Steven Spielberg, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese et Brian De Palma.
Paul Hirsch pense avoir tout dit dans son livre, mais j’obtiens quand même quelques réponses inédites avec une interview « Star Wars – Maguen David ». Après tout, c’est toujours une histoire d’étoiles.
Etes-vous satisfait du Prix que vous a décerné le Syndicat Français de la Critique de Cinéma ?
Très heureux. Je ne m’y attendais pas. Je ne savais même pas qu’il existait un tel prix. La plupart de mon travail professionnel a été une suite de collaborations. Alors gagner un prix pour un travail dont je suis le seul auteur (et celui du traducteur, Pierre Filmon) c’est vraiment quelque chose de très spécial.
Qu’enseigne votre livre ?
Je n’avais pas l’intention d’écrire un livre d’enseignement. Les livres pratiques sont incroyablement ennuyeux pour moi. Cependant, j’ai entendu dire que des personnes, en particulier des jeunes techniciens en herbe, en avaient tiré des leçons. Ce n’était absolument pas intentionnel. Je ne faisais que raconter des histoires que je trouvais remarquables. Je voulais divertir les gens.
Qu’est ce qui a le plus retenu l’attention du public ?
Le fait que l’on puisse faire une carrière, malgré un système assez précaire. J’ai souvent été sans travail, et sans savoir d’où viendrait mon prochain emploi.
« Paul Hirsch – Il y a bien longtemps, dans une salle de montage lointaine, très lointaine… » c’est le titre le plus court qui vous soit venu à l’esprit ?
En fait non. Je pensais que c’était beaucoup trop long, ça me faisait penser à un optotype. J’ai réfléchi à un titre caractéristique du monde de l’édition, et j’ai trouvé « CUT ». La brièveté de celui-ci m’a plu. Mais l’éditeur a protesté : « Non ! Nous adorons le titre. Ne le changez pas ! » J’ai donc accepté, puis ils y ont ajouté une deuxième ligne. Vey est mir ! Ils voulaient inclure plusieurs titres de films pour que les moteurs de recherche trouvent le livre.
Quelle est votre relation avec Israël ?
Ce sont mes racines. Ma grand-mère, Belle Schindler, a collecté des fonds pour y aller dans les années 40. Mais ma mère n’était pas d’accord. Elle s’est rebellée contre sa mère et par voie de conséquences ne nous a pas transmis les traditions religieuses à mon frère et à moi. Je ne suis jamais allé en Israël et je ne le ferai probablement jamais.
Vous avez grandi dans une communauté juive ?
La communauté dans laquelle j’ai grandi à New York était juive mais presque entièrement laïque.
Qu’est-ce que l’humour juif pour vous ?
Une façon d’aborder la vie. Le rire est le meilleur remède contre tout ce qui vous afflige.
A quel moment êtes-vous arrivé sur le tournage de Star Wars ?
J’ai été intégré au projet très tard. J’étais le quatrième monteur embauché, mais je suis fier d’avoir été le seul pendant les 5 derniers mois de post-production.
Le principe de « La force » est universel mais ne rappelle-t ’il pas le combat intérieur entre le Yétser Hatov et le Yétser Hara’, le bon et le mauvais penchant ?
La Force est une nouvelle formulation d’une philosophie qui est commune à de nombreuses religions. De nombreuses religions différentes perçoivent la ligne de démarcation entre le bien et le mal. Cela peut expliquer l’attrait universel des histoires. Je doute fort que la foi juive ait beaucoup pénétré à Modesto, en Californie, dans les années 50. Ou à aucun moment d’ailleurs.
Mon ami Moise Levy pense que R2D2 est un vrai robot. Pouvez-vous le confirmer ?
Dans certains des plans, où R2 se balance d’excitation, Kenny Baker était à l’intérieur. Dans d’autres plans, comme lorsqu’il roule d’un endroit à un autre, il est entraîné par un fil invisible pour l’objectif. Lorsqu’il se tient à un endroit et tourne la tête, il s’agit de quelqu’un accroupi derrière lui qui le manipule comme une marionnette.
Un message à transmettre aux padawan et aux Jedi en Israël et dans les galaxies lointaines ?
En vieillissant, je trouve que la bienveillance se fait rare. Chaque fois que je le peux, j’essaie d’être bienveillant. Alors, vous aussi soyez bienveillant.
Une coédition Carlotta Films et Almano Films – 13,5 cm x 19 cm | 480 pages
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Filmon – ISBN : 979–10–93798–15-8