Rien n’est étranger à la Thora, même la guerre. L’homme a en effet l’obligation de se défendre. Dieu ne protège que celui qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour se débarrasser de ses ennemis. Dès l’aube de l’histoire juive, les grands d’Israël sont des soldats et des combattants courageux. Le premier d’entre eux est Abraham qui n’hésite pas à s’attaquer à des armées puissantes pour délivrer Loth, son neveu. Le troisième des patriarches, Jacob, se prépare lui aussi aux combats. C’est grâce à sa détermination que son frère Ésaü se laisse amadouer. Josué, le disciple de Moïse – celui qui ne quittait pas la maison d’études – dirige les combats contre Amaleq, puis, à la tête des armées d’Israël, conquiert Eretz Israël. Moïse notre Maître, dans sa jeunesse, s’illustre en tuant un Égyptien qui frappait un de ses frères et, dans sa vieillesse, mène les combats contre Si’hon et Og.
C’est qu’une guerre juste n’est pas sale. Mener une guerre juste, c’est accomplir la volonté de Dieu. Mais il ne suffit pas qu’il s’agisse d’un combat justifié, il faut aussi qu’il soit mené en respectant certaines règles. Dans les parachiot de Choftim et Ki Tetzé, on peut lire de nombreuses lois qui concernent la guerre : L’attitude envers les ennemis, le respect de la morale même en temps de guerre et la sainteté du campement. Nous allons étudier trois discours qui doivent être prononcés devant les soldats avant les combats. Nous y apprendrons les obligations de courage du soldat, mais aussi la prise en considération des cas particuliers.
Premier discours – courage[1] :
« À l’approche des combats, le cohen s’avancera et parlera au peuple. Il leur dira : Écoute Israël, vous allez partir en guerre contre vos ennemis. Ne faiblissez point, n’ayez point peur, ne tremblez point et ne soyez point impressionnés. Car Hachem votre Dieu vous accompagne pour vous soutenir dans votre combat contre vos ennemis et pour vous sauver. »
Deuxième discours – trois cas particuliers[2] :
« Les préposés parleront au peuple et leur diront : quel est l’homme qui a construit une maison et qui ne l’a pas encore inaugurée, qu’il s’en aille et retourne chez lui… et quel est l’homme qui a planté une vigne et qui n’en a pas encore mangé les fruits, qu’il s’en aille et retourne chez lui … et quel est l’homme qui s’est fiancé et ne s’est pas encore marié, qu’il s’en aille et retourne chez lui. »
Troisième discours[3] :
« Les préposés parleront encore et diront : quel est l’homme qui a peur et qui a le cœur tendre, qu’il s’en aille et qu’il retourne chez lui et qu’il ne démoralise pas ses frères. »
Il s’agit bien de trois discours et non d’un long discours, et c’est pourquoi la Thora nous dit trois fois : « Le cohen parlera », « les préposés diront », « les préposés diront encore ».
La Guémara explique que chacun des discours a été annoncé au peuple de manière différente[4] : le premier discours est prononcé par le Cohen gadol directement aux soldats. Le deuxième discours est dit par le Cohen gadol, mais ce sont les préposés qui sont le porte-parole du Cohen gadol pour diffuser ses paroles chez tous les soldats. Le dernier discours, lui, n’est pas prononcé par le Cohen gadol, ce sont les préposés seuls qui délivrent ce message.
On se serait attendu à l’inverse : que ce soit le Cohen gadol qui prenne l’initiative de libérer certains soldats et les préposés – le chef d’état-major pourrait-on dire – qui mettent les soldats en garde de ne pas se laisser emporter par la panique. Non. L’exhortation au courage est une obligation de premier plan et c’est ainsi que Maïmonide s’exprime à ce propos[5] :
« Dès que débutent les combats, le soldat placera sa confiance en Celui qui sauve Israël dans ses temps de malheur, il doit savoir qu’il combat pour la sanctification de Dieu, qu’il soit prêt à tous les risques, qu’il ne pense ni à son épouse ni à ses enfants et celui qui prend peur et doute de l’issue des combats et se laisse aller à la panique transgresse un interdit de la Thora… »
Mettre ces fortes paroles dans la bouche du Cohen gadol, c’est leur donner la priorité. Le message essentiel, c’est l’obligation de participer avec détermination et courage à la défense du peuple juif.
Certes, il y a des cas particuliers. La Thora enseigne que l’intérêt général ne doit pas faire oublier que tous les hommes ne sont pas coulés dans le même moule et qu’il y a des circonstances particulières et des hommes plus faibles qu’il faut prendre en considération même en temps de guerre. Aussi, celui qui n’est pas capable de combattre est exempté de la mitzva. Cette réserve n’est pas annoncée par le Cohen gadol, mais par les responsables militaires.
Les préposés risquent de se livrer à des généralisations dangereuses. Ce sont eux qui doivent prendre conscience qu’il faut prendre en considération les faiblesses de l’un ou de l’autre. Le chef spirituel qui aurait tendance à privilégier les cas particuliers doit enseigner que l’intérêt général doit primer sur les soucis des individus.
[1] Deutéronome xx, 2-4.
[2] Ibid., 5-7.
[3] Ibid., 8.
[4] Sota 43a.
[5] Lois des Rois 7, 16.
Extrait de l’ouvrage A la Table de Shabbat du Rav Shaoul David Botschko