Le titre quasi mythique de Rishon Lezion est apparu, il y a bien longtemps, au milieu du XVIIe siècle, à l’ère de l’Empire Ottoman, pour désigner le dirigeant spirituel de la ville de Jérusalem. À la création de l’État d’Israël, il deviendra le titre officiel du Grand Rabbin séfarade d’Israël.
Bien plus que dirigeant de la Rabbanout ou décisionnaire hilhatique faisant autorité dans le pays, il représente avant tout la voix de la Torah et le lien à la Tradition d’Israël pour l’ensemble du Peuple, sous toutes ses formes et ses catégories sociales. C’est cette grande mission qu’ont brillamment rempli les tenants de ce titre depuis la création de l’État, comme le Rav Uziel, le Rav Mordehai Elyahou, le Rav Ovadia Yossef (le père du Rishon Lezion actuel), le Rav Chlomo Amar etc, des personnages au charisme puissant, à la bonté rayonnante, au titre mythique et à l’habit imposant, réussissant à toucher toutes les couches de la population, du plus religieux au plus laïc, portant un message de paix et de spiritualité partout où ils allaient, défendant certes bec et ongles et sans concessions le caractère Juif et de l’État d’Israël, mais sans pour autant exclure ceux d’une sensibilité différente ou pensant différemment.
Malheureusement, à force de politisation et de communautarisme, ce titre a perdu de plus en plus sa dimension sacrée, qui donnait à celui qui remplissait cette fonction ce statut si spécial, presque magique, car il représentait quelque chose de beaucoup plus grand que lui-même, lui permettant ainsi de s’élever au-delà de tout conflit politique pour toucher le cœur des populations.
C’est ainsi donc que le Rishon Lezion actuel, le Rav Itshak Yossef Chlita, dévie de cette tradition et se met à multiplier les sorties, jour après jour, contre ceux qui ne s’alignent pas sur sa ligne de pensée ou sur celle de son éminent père le Rav Ovadia Yossef zal, usant du pouvoir de son titre pour régler des conflits politiques personnels, jetant l’opprobre sur d’éminents Rabbanim ou hommes politiques, faisant fi du fait que tout ce qu’il prononce dépasse sa seule sphère d’influence personnelle d’éminent Rav et décisionnaire, car perçu chez une grande partie du public comme faisant force de loi véridique et indiscutable.
Plus que cela, alors que les précédents Rishon Letsion amenaient au peuple un message de Torah vibrant et touchant le cœur de toutes les sensibilités et même des plus ignorants, le Rav Itshak Yossef Chlita se contente la plupart du temps de discours gymnastico-talmudique ou hilhatique sans considération pour le style de public en face de lui, laissant les non-initiés pantois, complètement de côté et ne rassemblant finalement autour de lui que les disciples d’un même groupe social, redevenant le guide de sa communauté et non plus de l’ensemble du peuple.
Certains, bien que ronchonnant de ses sorties excessives, se consolent en disant qu’au moins grâce à son caractère bien trempé et incisif, le Rav Itshak Yossef Chalita peut défendre avec force et courage les institutions de la Rabbanout des dangers du progressisme ambiant contre le caractère juif du pays.
Il serait néanmoins habile de se poser la question à l’envers, à savoir est-ce que l’opposition que rencontre actuellement cette institution dans la société israélienne ne vient pas justement de la mauvaise publicité qu’elle se fait à elle-même, à savoir d’une institution anti-pédagogique, incompréhensive envers les différentes sensibilités de la population, au service de ses intérêts ou d’un parti politique plutôt que de ceux du public.
Est-ce que la Rabbanout rencontrerait autant d’opposants dans le Peuple, pour sa majorité respectueuse de la Tradition, si elle inspirait davantage la proximité avec le Peuple, le dévouement à son service et la transmission de la Tradition à toutes ses catégories ? Ne doit-elle pas voir ce mécontentement grandissant actuel comme un doigt accusateur d’avoir failli à sa mission de rassembler le Peuple ?
Pour nous, Juifs originaires d’Afrique du Nord, cette image du dirigeant spirituel proche du Peuple, de ses besoins et de ses réalités nous paraît si innée et naturelle, car des siècles de tradition rabbinique nous ont fait don de tant de grands Rabbanim fidèles à ces principes, qui ont su guider l’ensemble de leurs communautés de la manière la plus pédagogique et dévouée qui soit.
Que l’on puisse Beezrat Hachem mériter à nouveau, des Rabbanim à notre tête qui seront des guides spirituels, des bergers rassembleurs, pour tout le Peuple d’Israël.
Malahie Tebol
NB: Les articles publiés dans la rubrique OPINION n’engagent que leurs auteurs