Ofer Berkovich est un exemple de la jeunesse qui s’investit pour son pays. Il est né et a grandi à Jérusalem avant de s’engager pour six ans dans l’armée et devenir officier. Après le service, Ofer s’implique pour l’avenir de sa ville, Jérusalem, à laquelle il demeure très attaché. Il comprend vite que pour agir le plus efficacement possible, il doit se lancer en politique. Il fonde alors, il y a huit ans, le mouvement Itorerout. À 25 ans, il est le plus jeune conseiller municipal et gère les dossiers relatifs au système éducationnel parascolaire ainsi que de la commission culturelle municipale. Il effectue aujourd’hui un deuxième mandat au sein de la municipalité de Jérusalem. Nous avons rencontré ce jeune homme dynamique, travailleur et qui n’est jamais à court d’idées pour sa ville !
Le P’tit Hebdo : Quels sont les caractéristiques et les objectifs de votre mouvement ?
Ofer Berkovich : Le mouvement a été créé dans le souci d’améliorer la situation de Jérusalem et pour lutter contre le phénomène de fuite des jeunes, pour garantir un avenir sioniste, pluraliste et créatif à la ville. « Itorerout » est un mouvement social, politique, démocratique et transparent. Ce qui le distingue des autres formations politiques, ce sont les centaines de volontaires (de tous les horizons, de tous les âges) y agissant et pas seulement en période électorale. Notre diversité nous permet d’obtenir des résultats en faisant le lien entre les différentes parties de la population.
LPH : Comment percevez-vous votre rôle d’adjoint au maire en tant que chef d’un mouvement qui est identifié « jeune » ?
O.B. : Nous ne sommes plus uniquement un mouvement de jeunes. Nous avons mûri, nous avons augmenté notre nombre de mandats et notre liste est variée. Nous nous occupons de nombreux domaines, quel que soit l’âge des administrés : emploi, logement, culture, entreprenariat, transports. Nous avons commencé il y a huit ans comme un mouvement de jeunes, mais nous avons évolué.
LPH : Quelles sont vos principales réalisations ?
O.B. : J’ai en charge le développement industriel, le portefeuille de la culture et celui du renouveau du centre-ville. Dans chacun de ces domaines, j’ai un programme clair et précis avec des étapes de réalisation définies. Par exemple, dans le domaine du développement industriel, nous encourageons beaucoup l’installation de start-up et de nouveaux entrepreneurs à Jérusalem. Nous y avons doublé le nombre de sociétés hi-tech ! Nous impliquons dans ces projets les étudiants qui sortent des universités de la ville mais aussi un grand nombre d’olim grâce à des incubateurs, à des réseaux de networking et à la mise à disposition de tuteurs pour les projets. Nous savons mieux que quiconque, parce que nous sommes proches des jeunes, combien un entrepreneur qui se lance a besoin d’accompagnement.
LPH : Le centre-ville de Jérusalem pâtit beaucoup de la vague de terrorisme. Comment gérez-vous cela ?
O.B. : Nous avons demandé un budget de 100 millions de shekels pour aider à pousser le centre-ville de Jérusalem en cette période difficile. Le ministre Elkin nous l’a accordé. Cela va donner une bouffée d’air aux professionnels de la zone, qui souffrent. Nous avons développé aussi sur place des évènements culturels, pour encourager les gens de l’extérieur à venir à Jérusalem, même si la période est difficile. Dans l’absolu nous essayons de renforcer tous les petits commerces du centre-ville. L’immobilier dans le centre-ville connaît aussi un essor unique depuis plus de vingt ans avec des logements pour les étudiants, des appartements, des bureaux, des hôtels en construction. Nous nous attachons aussi à rendre les rues plus esthétiques, plus attirantes.
LPH : On constate malgré tout que beaucoup de jeunes quittent la capitale. Pensez-vous que ces projets les en dissuaderont ?
O.B. : L’urbanisme, l’emploi, le développement culturel de la ville sont évidemment des éléments qui favorisent l’installation des jeunes à Jérusalem. L’immobilier est également un élément déterminant. Au centre-ville, nous faisons en sorte que les appartements soient petits, pour que les jeunes puissent en bénéficier. Nous n’avons pas d’autorité en matière de prix, mais nous pouvons orienter la taille des logements pour favoriser le marché de la location. Je participe, par ailleurs, à l’élaboration d’une loi à la Knesset pour lutter contre le phénomène des appartements fantômes afin de libérer le marché immobilier.
LPH : Fait-on suffisamment pour que les olim de France choisissent de s’installer à Jérusalem ?
O.B. : Non, je pense que nous devons mettre au point des plans stratégiques. En tant qu’époux d’une Française venue de Paris et en tant que personne qui connaît de nombreux olim dans notre ville, je considère l’intégration sociale et professionnelle des Francophones comme une importance de premier ordre. L’alya de France est très profitable pour Jérusalem. Nous ne faisons pas assez pour les intégrer ici. Nous devons nous donner les moyens d’attirer les olim de France, même ceux qui ne sont pas religieux. Jérusalem symbolise le sionisme. Cela commence par l’image que nous donnons de notre ville. Nous travaillons aujourd’hui avec l’association Gvahim pour obtenir plus de budgets pour intégrer les olim dans le monde du travail. Je souhaite aussi que les Français qui font leur alya puissent transposer ici leur affaire existante en France. Je ne suis pas responsable du portefeuille de l’intégration, mais je sais que chaque avancée est un processus, un travail de longue haleine. Ce dont je peux vous assurer c’est que tous les programmes que nous faisons avancer et que j’évoquais précédemment s’adressent aussi aux olim. Je pense que la réussite de l’intégration des olim passe par un engagement plus important de leur part dans le monde public et politique.
LPH : On vous définit comme un mouvement laïc. Comment vous positionnez-vous par rapport à la religion ?
O.B. : Depuis huit ans, le mouvement se veut une coopération entre les tendances laïque, traditionnaliste et sioniste religieuse. La gestion haredite de la ville par Ouri Lopouliansky tout comme avec la coalition d’Ehoud Olmert était mauvaise. Nous ne sommes pas du tout anti religieux. Nous comprenons ce que symbolise Jérusalem. Même les laïcs d’Itorerout se sentent proches de la tradition. On commence même à intégrer dans nos rangs des haredim avec une vision plus ouverte du monde. Nous voulons que tout le monde puisse vivre à Jérusalem et s’y sentir bien. Il faut pouvoir envisager d’ouvrir certains commerces le shabbat, tout en respectant toutes les populations, l’histoire et la sensibilité de la ville.
Il me semble que les haredim ne s’aperçoivent pas de la réalité des défis auxquels Jérusalem doit faire face. Si nous voulons attirer plus de monde, plus d’entreprises, nous devons aussi donner une autre image, celle d’une ville plus ouverte. Je répète que les traditions doivent être respectées, mais en mobilisant les budgets sur certains projets qui leur sont propres, les haredim pénalisent le développement de la capitale et l’enfoncent dans un taux de pauvreté inacceptable pour la Capitale de notre pays. Depuis que Nir Barkat et Itorerout sont aux commandes, la ville a retrouvé une attractivité, un dynamisme que tout le monde peut constater. Nous ne pouvons faire l’impasse sur toute une population plus traditionnaliste, voire laïque qui a, elle aussi, beaucoup à apporter à Jérusalem.
LPH : Sur le plan sécuritaire, a-t-on des raisons de s’inquiéter dans les rues de Jérusalem ?
O.B. : La situation est difficile. Les forces de sécurité font un très bon travail et nous avons trouvé des solutions relativement efficaces depuis le début de la vague de terreur. Nous devons augmenter notre autorité sur la partie Est de la ville et y investir davantage. Les habitants de ces quartiers ne sentent pas encore assez notre souveraineté, l’application de la loi. D’autre part, nous ne nous occupons pas assez bien non plus de la qualité de vie des populations de ces quartiers. Il est intéressant de noter d’ailleurs que la moitié des habitants arabes affirment qu’ils préfèrent rester sous souveraineté israélienne et dans l’autre moitié, je pense que certains craignent le Hamas et l’Autorité Palestinienne et ne donnent pas leur véritable opinion. Pendant de trop nombreuses années, le gouvernement et la mairie n’ont pas assez fait.
LPH : Ambitionnez-vous de devenir maire de Jérusalem ?
O.B. : Il est encore tôt pour le dire. Ceci étant, vu que Nir Barkat s’est approché du Likoud et se dirige peut-être davantage vers l’échelon national, il nous faudrait une alternative sérieuse à sa place. Pour l’instant, je ne la vois pas. Si cela reste en l’état, je réfléchirai sérieusement à la possibilité de me présenter au poste de maire.
Propos recueillis par Avraham Azoulay
Crédit photo: Neta Laufer