On pressentait déjà les choses venir lorsque le président Trump a nommé Mike Pompeo au Département d’Etat en remplacement de Rex Tillerson, et John Bolton comme conseiller à la Sécurité nationale à la place de Herbert McMaster. Deux farouches adversaires de l’Iran après deux partisans de la manière douce. La deuxième phase qui en découlait fut la déclaration du 8 mai sur le retrait américain de l’accord tel que signé avec l’Iran en 2015.
Lundi est arrivée la troisième étape, plus concrète encore. Lors d’une conférence de presse, le nouveau secrétaire d’Etat a prononcé un discours-fondateur qui fixe la nouvelle politique américaine vis-à-vis de l’Iran. Inutile de dire qu’elle est aux antipodes de celle – catastrophique – appliquée par l’ancien président Barack Obama et qu’elle est totalement en phase avec les positions du gouvernement israélien. Encore une excellente nouvelle.
Mike Pompeo a dévoilé un plan en douze points auquel l’Iran devrait se soumettre sous peine de « se voir imposer des sanctions économiques les plus lourdes jamais décrétées dans l’Histoire et qui obligeront l’économie iranienne à lutter pour sa survie », selon les propres termes du secrétaire d’Etat. Autrement dit, un ultimatum, enfin, contre de régime fourbe et belliqueux.
Juste avant d’énoncer les douze conditions émises par Washington, Mike Pompeo a résumé la situation : « L’accord signé en 2015 et la levée des sanctions devaient permettre à l’Iran de débloquer des fonds pour le bien-être de sa population. Barack Obama a fait un pari risqué sur une modération du régime après la levée des sanctions. Il s’est lourdement trompé. A la place, l’Iran a financé des organisations terroristes ».
Mike Pompeo a précisé que ce n’est que lorsque ces douze points seront appliqués que les Etats-Unis accepteront de négocier avec l’Iran sur un nouvel accord.
Les douze conditions sont les suivantes :
- L’Iran devra fournir des rapports détaillés et complets sur tous les aspects militaires de son programme nucléaire et abandonner définitivement toute activité dans ce domaine.
- L’Iran devra cesser d’enrichir de l’uranium, fermer son centre d’eau lourde et ne plus jamais travailler avec du plutonium.
- L’Iran devra fournir à l’Agence internationale de l’Energie atomique un accès libre, entier et inconditionnel à tous les sites concernés sur le territoire iranien.
- L’Iran devra cesser le développement de son programme balistique et cesser tous les tirs d’essai et recherches liés aux missiles à capacité nucléaire.
- L’Iran doit libérer tous les citoyens américains détenus suite à des accusations fantaisistes ainsi que les citoyens des pays alliés des Etats-Unis.
- L’Iran devra cesser de soutenir les organisations terroristes au Moyen-Orient, y compris le Hezbollah, le Hamas et le Jihad Islamique.
- L’Iran devra respecter la souveraineté de l’Irak et permettre le démantèlement des milices chiites qui y sévissent.
- L’Iran devra cesser de soutenir les rebelles houthis au Yémen et devra au contraire aider à trouver une solution politique dans ce pays.
- L’Iran devra retirer de Syrie toutes les forces qui sont sous son contrôle.
- L’Iran devra cesser de soutenir les Talibans et les autres organisations terroristes qui agissent en Afghanistan et dans sa région, et cesser de prêter asile à Al-Qaïda.
- L’Iran devra mettre fin aux activités de la Force Al-Quds, qui agit en-dehors de ses frontières, et qui soutient des organisations terroristes et subversives.
- Enfin, l’Iran devra mettre fin à sa politique de menaces permanentes envers des pays voisins, et par-dessus tout, de menacer l’existence de l’Etat d’Israël.
A la fin de sa conférence de presse, Mike Pompeo a également promis que les Etats-Unis « détruiront les antennes de l’Iran dans la région » et que ce pays « n’aura plus jamais carte blanche pour dominer le Moyen-Orient ».
Ce discours magistral qui indique un revirement total de la politique américaine vis-à-vis de la République islamique a entraîné deux réactions négatives : celle de l’Iran…et celle de l’Union européenne !
Un membre de la commission de la Sécurité nationale a déclaré : « L’Iran n’a besoin de l’accord de personne pour remplir son rôle dans la région ». Rôle que lui avait généreusement dévolu Barack Obama. Il a rajouté : « Notre système de missiles est exclusivement défensif et leur portée arrive à n’importe quel endroit qui représente une menace pour nous ».
Un autre haut responsable du régime a déclaré : « Ce discours prouve que les Etats-Unis ont décidé de déstabiliser notre pays et de faire tomber le régime. Les Etats-Unis veulent faire plier l’Iran et lui faire accepter ces conditions illégales ».
Quant au président Hassan Rohani, il a repoussé ce discours d’un revers de la main et dit : « Qui êtes-vous pour prétendre décider pour l’Iran et le reste du monde ? Ce monde d’aujourd’hui n’accepte plus que les Etats-Unis soient la puissance qui décide pour les autres. Cette ère est terminée. Aujourd’hui, chaque pays décide librement de la politique qu’il entend suivre. Nous continuerons à avancer dans la voie que nous sommes choisie et qui jouit du soutient du peuple iranien ».
De son côté, la déléguée aux Affaires étrangères de l’Union européenne Federica Mogherini, s’est empressée de soutenir Téhéran contre Washington : « Le discours du secrétaire d’Etat Pompeo n’a démontré en rien comment le fait de se retirer de l’accord JCPOA avait rendu ou rendrait la région plus sûre de la menace de prolifération nucléaire ou comment il nous placerait dans une meilleure position pour influencer la conduite de l’Iran dans des domaines en dehors de la portée du JCPOA. Il n’y a pas de solution alternative à cet accord ».
A Jérusalem, c’est un tout autre son de cloche. Le Premier ministre Binyamin Netanyahou a déclaré : « La politique décidée par les Américains va dans la bonne direction. L’Iran se trouve dans une trajectoire d’expansion et d’agressivité dans tout le Moyen-Orient. Il aspire à se doter de l’arme nucléaire par divers moyens que nous avons dévoilés. La politique de Donald Trump est juste : zéro enrichissement d’uranium et sortie des forces iraniennes de Syrie. Nous croyons que c’est la politique qu’il faut adopter face à ce régime et nous appelons la communauté internationale à se ranger derrière les Etats-Unis sur cette question. Quiconque veut mettre fin à l’agressivité iranienne, quiconque souhaite la sécurité et la paix doit s’opposer à l’Iran et soutenir l’attitude américaine. C’est ce que fait Israël ».
Le député Tsahi Hanegbi (Likoud) a qualifié l’intervention de Mike Pompeo de « saisissant » et à voulu y voir une volonté américaine à plus long terme : imposer des conditions inacceptables pour Téhéran afin de pouvoir réinstaurer des sanctions économiques tellement lourdes qu’elles provoqueraient ce qui arrangerait presque tout le monde : la chute du régime des mollahs.
Photo Matti Stern / US Embassy