A l’approche du coup d’envoi tant attendu de ce mondial de la démesure, la presse arabe ne trouve pas assez de superlatifs pour l’exploit du Qatar qui a remporté en 2010 le droit d’organiser cette grande manifestation en 2022, une première au Moyen Orient.
Une victoire que les mauvaises langues attribuent aux munificences dispensées aux « influenceurs » par ce petit Etat – un tiers de la superficie de la Belgique – qui est le cinquième pays producteur de gaz et dispose aussi de réserves importantes de pétrole. D’autant que pour la première fois la compétition n’aura pas lieu en été, où il aurait fait beaucoup trop chaud. Les travaux pharaoniques nécessaires pour faire sortir des sables les installations olympiques – stades, logements des délégations mais aussi routes et infrastructures hôtelières pour accueillir les centaines de milliers de visiteurs attendus – ont été accomplis à temps pour le coup d’envoi de la coupe du monde de football le 20 novembre.
Bien sûr, un tel exploit s’est accompagné de dommages collatéraux largement passés sous silence. Ainsi lors de la « COP27 » – la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, qui s’achève le 18 novembre, il n’a pas encore été question des émissions de CO2 de l’Emirat qui étaient de l’ordre de 45,4 tonnes métriques par habitant en 2014, quand la moyenne mondiale s’élevait à 5,0 tonnes métriques . Ceci est dû à la fois à un niveau de consommation par habitant très élevé, et à une forte extraction d’hydrocarbures, très énergivore. D’ailleurs en 2019 le Qatar avait la pire empreinte écologique des pays figurant au classement du Global Footprint Network et l’intense activité aérienne prévue pour acheminer équipes et visiteurs devrait aggraver davantage encore cette situation.
Il y a aussi, et on en a davantage parlé ces jours-ci, l’effroyable coût humain qui a permis « l’exploit » du Qatar. On estime que 6500 ouvriers ont perdu la vie sur les chantiers. Combien d’autres ont été blessés ou sont devenus infirmes ? Il est vrai qu’il ne s’agit pas de citoyens qataris mais de travailleurs immigrés sans statut ni droits. En effet seul un peu plus de 10% des trois millions d’habitants de l’émirat des sables en sont citoyens, les autres constituant une main d’œuvre bon marché souvent exploitée, parquée dans des conditions indignes et soumis au bon vouloir de ses employeurs. Bref, la spectaculaire réussite des autorités de Qatar et l’image du paradis présenté au monde repose sur une violation systématique des droits de l’homme dans une société fondée sur l’apartheid le plus strict. Ce ne sont pas là des faits que le monde en général et l’occident en particulier n’a découvert qu’après l’attribution de l’organisation de la coupe mondiale de football au Qatar. Ils étaient déjà largement connus. La FIFA, l’instance qui supervise ce sport, est parfaitement au courant. Elle vient pourtant d’interdire aux joueurs de l’équipe du Danemark de porter des maillots où figurerait le slogan « Human rights for all » – droits de l’homme pour tous.
Michèle Mazel