Le récit de la rencontre entre Yitz’hak et Rivka débute par une coïncidence étonnante : « Yitz’hak venait de se rendre au puits de La’haï Roï »( 24,62), là précisément où le messager divin avait annoncé à Hagar la naissance d’Ishmaël (16, 7-14). Yitz’hak, nous dit le Midrash (1), était parti réconcilier Avraham et Hagar. Ainsi Avraham, qui vivait seul, avait repris Hagar, lui accordant une place de choix. En effet, elle est identifiée à Qetoura, dont les actions étaient aussi agréables que l’odeur de l’encens (Qetoret).
Ce contexte est indispensable pour comprendre une tradition rabbinique dont les implications sont étonnantes. Avraham, bien que contraint de renvoyer Hagar et Ishmaël, n’a jamais cessé d’aimer ce dernier, ni de s’occuper de lui. Selon un autre Midrash (2), il lui a rendu visite, et, découvrant qu’Ishmaël avait épousé une femme mauvaise, lui a laissé un message codé: « Le seuil de ta maison est pourri ». Ce qui allusivement signifiait: « Tu n’aurais pas dû épouser une telle femme ». Quand Avraham revient trois ans plus tard, et qu’il voit qu’Ishmaël s’est marié avec une autre femme qui, elle, se montre hospitalière envers les étrangers, il bénit leur maison.
Ishmaël n’a perdu ni l’amour de son père, ni sa bénédiction. Ce qui rend l’enseignement de ce Midrash unique et fort, ce sont les noms qu’il attribue aux femmes d’Ishmaël. Les deux font référence au Coran et à l’islam. La première, Aïsha, est l’une des épouses principales de Mahomet; la seconde, Fatima, est la fille de celui-ci. Ni l’une ni l’autre n’ont de prénom hébraïque, ce qui permet de dater la rédaction de ce Midrash au début de l’ère islamique. Faut-il rappeler, qu’avant la naissance de l’islam, des Maîtres du Talmud s’appelaient Ishmaël, à l’instar du célèbre Rabbi Ishmaël, ce qui, aujourd’hui, serait inimaginable.
Que peut-on entendre de ces Midrashim? Les cultures comme les individus sont jugés sur leurs actes, et en particulier sur leurs capacités à s’ouvrir aux autres, à prendre soin d’eux, la vertu d’hospitalité étant première. Par ailleurs, si D. choisit un homme, une lignée, un peuple pour incarner son message, le fait d’en écarter un autre ne constitue pas un rejet définitif. D. peut requalifier une lignée si son comportement se modifie pour le bien (3).
Notes
- Midrash Hagadol sur Ber. 24,62
- Pirqé de-Rabbi Eliézer , ch. 30 et 29
- Cette réflexion s’inspire d’un enseignement entendu à Londres du G.R. Jonathan Sacks
Grand Rabbin Gilles Bernheim
Photo: A. Flament
Nos sages disent qu’un rabin ne vaut que par ses élèves.pouvez vous me dire où sont les vôtresLes juifs ont été conciliants mais ne sont pas dupes.bien à vous
Si vous aviez su le sort réservé à celui qui médit d’un Sage, vous vous seriez peut-être abstenu. Maintenant que vous êtes prévenu, corrigez vos propos. Ce Sage saura pardonner de toute façon. Mais il n’y a pas que lui.
Il y a quelqu’Un d’autre.
Et puis se prenommer soi-même tsadiq prouve justement qu’on ne l’est pas.
Itzak Hatsadik, pourriez-vous donner la référence de ce que vous écrivez ici ? (Nos sages disent qu’un rabbin ne vaut que par ses élèves).
Cela apportera beaucoup de crédit à ce que vous affirmez.
Shabbat Shalom.