Esther (nom d’emprunt) a vécu pendant 5 ans avec un mari violent. C’est avec trois enfants en bas-âge qu’elle est arrivée à Bat Melech. Depuis, elle a pu se reconstruire, et prépare son mariage, dans quelques mois.
Elle témoigne pour nous de son calvaire afin d’alerter les consciences.
“J’ai rencontré mon mari lorsque nous étions étudiants en master. Nous étions tous les deux intéressés par la Torah et les sciences, ce sujet nous a beaucoup rapprochés. Il parlait bien, était très gentil, très doux, nous nous sommes trouvés beaucoup de points communs. Nous nous sommes fiancés, il a montré alors des signes, qui ne m’ont pas paru alarmants: il devenait plus têtu, avait tendance à vouloir tout décider. Nous nous sommes mariés, c’était un mariage très beau et très émouvant.
Dès les premiers jours, il m’a fait comprendre que c’était lui qui décidait. Dès que j’émettais un avis contraire, il ne me parlait plus ou ne rentrait même pas dormir à la maison. J’ai vite compris qu’il valait mieux que je l’écoute.
Je suis tombée enceinte rapidement. Il était très attentionné pendant la grossesse. Il venait me voir sur mon lieu de travail pour m’apporter à manger, il m’appelait plusieurs fois par jour. Mes collègues me faisaient remarquer que c’était peut-être beaucoup…
Après la naissance, il m’a réduite au rôle de nourricière. Je n’étais là que pour allaiter, il décidait quand j’avais le droit de prendre le bébé. Si je le faisais sans son accord, il me poussait et me retournais le bras. Il me regardait dans les yeux avec un regard qui me faisait peur et m’insultait violemment. ”Tu es une mauvaise mère, une mauvaise femme” sont les mots que je peux répéter, les autres étaient trop violents.
A l’extérieur, il était un autre homme. Il m’appelait ”ma femme chérie”, il me disait ”je t’aime”. Ce décalage m’a beaucoup perturbée.
Les violences physiques ont commencé lorsque j’étais enceinte de mon 2e enfant. Je prenais des coups de poings et des coups de pieds. Il me gérait à la minute près, il me disait comment je devais vivre, surveillait mon téléphone, ce que je dépensais, goûtait mon lait… J’étais formatée. S’il m’avait dit que la nuit était le jour, je l’aurais cru. Quand je me pliais à ce qu’il voulait, la maison était calme.
Il m’a totalement isolée, j’avais honte de parler. A l’extérieur, il était tellement gentil que j’étais persuadée que personne ne me croirait. Mes parents et mon frère tentaient de me poser des questions, mais je leur disais que tout se passait à merveille. Je leur racontais que l’allaitement me fatiguait. Si je boitais à cause des coups, j’inventais que je m’étais coincée un muscle pendant la nuit. Quand il m’interdisait de sortir ou de répondre au téléphone, je feignais de m’être endormie pour justifier mes absences de réponse. Je ne pouvais plus penser par moi-même, il avait fait de moi un robot, j’étais persuadée qu’il avait raison, que j’étais minable.
Je lui ai bien proposé le divorce au bout de ma deuxième grossesse. Il m’a répondu que j’étais la plus grosse erreur de sa vie mais qu’il ne voulait pas que l’on se sépare. Je suis devenue de plus en plus soumise pour éviter le maximum de coups.
Lorsque j’ai eu mon 3e enfant, j’ai répondu à un questionnaire à la tipat halav, que l’on donne à toutes les femmes, pour détecter les violences conjugales. J’ai répondu en atténuant la vérité. A la question, est-ce que votre conjoint a déjà levé la main sur vous, je n’ai pas répondu. L’infirmière m’a demandé pourquoi. Je lui ai montré une cicatrice et je lui ai dit : ”de temps en temps”. Elle m’a donné un carnet avec des numéros d’urgence à contacter. Je n’ai pas voulu m’en servir tout de suite. Mais deux jours après, la violence de mon mari a touché mes enfants. Je suis devenue une lionne : moi je méritais sûrement ce traitement, mais pas mes enfants. J’ai pris contact avec les services sociaux qui ont contacté Bat Melech.
J’ai appelé mes parents, qui m’ont dit : ”on est avec toi”. Une amie est venue me voir parce qu’elle s’inquiétait pour moi. Sa présence, ce soir-là, m’a donné aussi la force de partir. Par miracle j’ai pu sortir avec mes enfants pour prendre un taxi vers le refuge. Il ne me laissait jamais sortir avec les enfants.
Arrivée à Bat Melech, j’ai recommencé à vivre. J’ai retrouvé les petits plaisirs de la vie. Mon mari me privait de nourriture, alors de voir des tomates et de l’eau était pour moi une renaissance ! Vivre avec d’autres femmes qui avaient traversé des épreuves similaires était aussi une source de régénération. Je m’étonnais que l’on me croit et j’ai enfin compris que je n’étais pas la folle dans cette histoire. L’équipe de Bat Melech m’a protégée et m’a aidée à remonter la pente. Pendant longtemps, je ne sortais pas seule, par peur de croiser mon mari. Je sentais qu’il pouvait me tuer. L’association m’a permis de me reconstruire.
Avant le mariage, il est indispensable de parler avec vos filles et vos garçons. Le respect est la base de toute relation saine. Aux femmes qui vivent dans la souffrance, je dis de ne pas avoir peur de parler, à n’importe qui, ne vous laissez pas enfermer.
Mais, en réalité, ces femmes sont prisonnières, elles ne peuvent pas agir. C’est l’entourage qui doit faire les démarches. Il faut toujours remonter l’estime de soi chez les jeunes filles, leur faire beaucoup de compliments. Une femme qui sait ce qu’elle vaut ne tombe pas dans ces pièges.
*Esther est un nom d’emprunt afin de préserver l’anonymat de la personne qui témoigne
Photo: Illustration
Ceci est l’article le plus important et le plus utile que LPH a publié.
Tellement difficile ce témoignage mais j’espère qu’il sera utile à des femmes qui ne savent pas comment quitter leur mari violent et qui en ont peur. A un moment donné, il faut trouver le courage en soi et ne pas hésiter à demander de l’aide quand on ne peut pas se sortir seule d’une telle situation.
Comme dit le proverbe, “il vaut mieux être seule que mal accompagnée” et je rajouterai que “la liberté n’a pas de prix” !