Interview pour Europe Israël du maire adjoint de Neuilly Philippe Karsenty à son retour des Etats Unis.
Philippe Karsenty, bonjour, vous revenez tout juste d’un voyage à New York. Pouvez-vous nous dire quelle est l’atmosphère après l’élection de Donald Trump ?
Philippe Karsenty : La société américaine apparait encore divisée mais, en dehors de l’extrême-gauche marxiste, des mauvais perdants inconditionnels d’Hillary Clinton, la plaie va vite se refermer. Par exemple, les chauffeurs de taxi – de toute confessions – parlent librement et ils sont un bon thermomètre de l’Amérique. Ils se font à l’idée de cette nouvelle présidence et semblent s’en accommoder… bien mieux que nos journalistes français qui n’ont toujours pas compris ce qui leur est tombé sur la tête.
En effet, vous, qui avez publié « Après Obama, Trump ? » de Guy Millière dès le mois de mai 2016, alors que Donald Trump n’avait même pas encore gagné les primaires, avez dû vous sentir un peu seul dans l’environnement intellectuel parisien ?
PK : Seul et incompris. J’ai plusieurs fois tenté de briser le mur du silence. Nous avons envoyé des centaines d’exemplaires du livre de Guy Millière aux rédactions des principaux médias français. Tous ont refusé de nous entendre. Hillary devait gagner, Hillary allait gagner, nul besoin d’écouter ceux qui anticipaient un autre résultat.
Il faut dire que vous avez récidivé le matin même du 8 novembre, alors que les bureaux de vote américains n’étaient pas encore ouverts, vous avez écrit sur votre page Facebook : « Contrairement à l’opinion générale, en France et aux USA, je pense que Donald Trump sera élu président des Etats-Unis. »
Qu’est-ce qui vous a conduit à publier ce message avec tant de certitude ?
PK : Je n’avais aucune certitude, simplement un sentiment que les médias, les politologues et les sondeurs s’étaient auto- intoxiqués en se lisant entre eux, en s’échangeant les mêmes points de vue sans même se donner la peine d’aller sur le terrain. Je suis retourné plusieurs fois aux Etats-Unis cette année, je me suis rendu compte du rejet d’Hillary Clinton tout en observant l’adhésion progressive à la candidature de Donald Trump. La plupart des gens que je rencontrais n’étaient pas des Trumpistes de la première heure mais ils se sont rangés derrière lui quand ils ont compris que lui seul était en mesure de faire barrage à Hillary Clinton et à la continuation des politiques néfastes d’Obama.
Vous revenez de New York où vous avez assisté au dîner de la Zionist Organization of America, l’organisation juive la plus pro-israélienne du paysage américain qui vous avait d’ailleurs honoré en 2008 . Qui avez-vous rencontré de la future administration Trump ?
PK : En effet, je reviens de ce dîner qui était l’un des plus beaux auxquels il m’a été donné d’assister. 1200 personnes réunis pour se réjouir de la nouvelle ère qui s’ouvre… et surtout de voir se refermer les 8 années désastreuses de la présidence Obama.
Alors, qui avez-vous rencontré ?
PK : Certaines rencontres se sont déroulées lors de ce dîner, mais aussi et surtout, dans les rendez-vous qui ont suivi, le lendemain et le surlendemain. J’en reviens conforté dans mes choix et analyses.
Vous êtes néanmoins bien conscient que l’élection de Trump inquiète beaucoup de monde. Etes-vous si certain qu’il sera un bon président ?
PK : Nous ne sommes jamais sûrs de rien mais il y a un indicateur qui ne trompe pas : quand tous les médias français et la plupart des politiques français sont unis dans leur détestation d’un état démocratique ou d’une personne élue, c’est que cet état ou cette personne contrarie leurs plans et leur vision pervertie du monde. Et ça, ça me rassure ! Maintenant, naturellement, comme tout homme, comme tout politique, Trump peut se révéler être une déception mais il part avec un a priori favorable.
Steve Bannon a été nommé conseiller stratégique de Donald Trump. Cela ne vous pose-t-il aucun problème ?
PK : Aucun problème, bien au contraire. J’ai l’habitude de ces attaques personnelles. J’en ai moi-même été victime pendant plus de 15 ans. L’associé de Steve Bannon dans Breitbart.com, Joel Pollak, est un ami de longue date.
Lorsque Joel Pollak étudiait à Harvard, il m’avait invité à y effectuer une conférence devant sa classe et son professeur, le très respecté et démocrate, Alan Dershowitz.
Lorsque Joel Pollak s’est présenté au Congrès américain en 2010, il m’avait demandé de venir le soutenir afin de lever des fonds pour sa campagne électorale.
Pour mémoire, voici l’article que Joel Pollak avait écrit à la fin de mon procès contre France 2 et Charles Enderlin : Karsenty: Al-Dura Video Remains ‘An Antisemitic Blood Libel. Ces attaques contre Steve Bannon viennent toujours du même côté, de ceux qui n’acceptent pas la défaite et qui savent que les 4 années à venir (et peut-être 8) seront des années où leurs idées seront confrontées à la réalité de ce que vivent les « vrais » gens. Leurs idéologies seront pulvérisées par la réalité qui éclate au grand jour.
Tous les médias affirment que Donald Trump revient sur toutes ses promesses de campagne, ou presque. Est-ce aussi votre analyse ?
PK : Encore une fois, les médias prennent leurs désirs pour des réalités. En anglais, ça s’appelle du « wishfull thinking ». Mais leurs pires cauchemars, qui sont nos rêves, vont eux probablement se réaliser. Pour le moment, Barack Obama est encore président et c’est lui qui dirige le pays. Attendez que Donald Trump prenne le pouvoir le 20 janvier 2017 et alors, on devrait voir Donald Trump et son équipe dérouler certains des points les plus marquants de leur programme. Attachez vos ceintures, Trump sera aux commandes et tout le monde va s’en apercevoir.
Quelle a été l’attitude des organisations juives américaines lors de l’élection de Donald Trump ?
PK : A l’exception de celle de la Zionist Organization of America, les prises de positions des organisations juives américaines, essentiellement dirigées par des idéologues, ont été très partiales, à l’opposé des préoccupations de beaucoup de juifs américains. L’Anti Defamation League (ADL) s’est vautrée dans la diffamation la plus grossière à l’encontre de Donald Trump et de Steve Bannon, à tel point que, face à l’évidence, l’ADL a été contrainte de retirer ses accusations d’antisémitisme contre Steve Bannon. Comme à son habitude, l’American Jewish Committee s’est encore plus mal comportée. A la suite de l’élection de Donald Trump, l’AJC se radicalise encore plus et a annoncé le lancement d’une union avec l’ISNA (Islamic Society of North America), une organisation liée aux Frères Musulmans. C’est pitoyable et cela devrait ouvrir les yeux des juifs Américains et Européens, qui ont vu cette organisation juive prospérer à leurs dépens.
Lors d’une précédente interview, vous n’avez pas mâché vos mots contre le CRIF. Pensez-vous que le CRIF suive la même pente que ces organisations juives américaines ?
PK : Même si la pente du CRIF est inquiétante en raison de l’influence néfaste de certains de ses membres, on ne peut pas être aussi catégorique car le président du CRIF, Francis Kalifat, est un homme respectable. En revanche, son organisation n’a plus aucun impact sur la vie politique française, ni même sur les Juifs de France. Après l’abstention de la France à l’UNESCO face à une résolution négationniste niant toute relation du peuple juif à Jérusalem, la faiblesse de la réaction du CRIF est très préoccupante. Je profite de votre question pour inviter vos lecteurs à découvrir l’excellent livre de Pierre Lurçat que j’ai publié en octobre 2016 : « La trahison des clercs d’Israël ».
En France, après une interview remarquée sur BFM TV, vous avez aussi donné votre sentiment sur la primaire de la droite et du centre au travers d’une interview sur RMC le 9 novembre, 11 jours avant le premier tour de la primaire de la droite et du centre. Interrogé à la suite de l’élection de Donald Trump, vous y aviez annoncé la probable victoire de François Fillon. Pourquoi ?
PK : De la même façon qu’au sujet de l’élection américaine, j’ai eu l’impression que le combat de second tour imposé par les médias ne se déroulerait pas comme prévu. A un moment, il y a près de 6 mois, j’avais rencontré Bruno Le Maire et j’avais imaginé qu’il pourrait bousculer l’ordre établi. J’ai suivi sa campagne, ses prises de position et j’ai compris qu’il n’y parviendrait pas. J’ai alors eu le sentiment qu’en raison de ses qualités personnelles et de sa stature, François Fillon allait émerger. J’ai aussi compris avec le suffrage censitaire lié aux primaires, c’est-à-dire le fait de devoir payer 2 € pour voter (en plus de l’attente parfois très longue pour voter), les électeurs voteraient utiles dès le premier tour. D’ailleurs, il apparait maintenant clairement que si les électeurs de gauche n’étaient pas venus perturber ce processus électoral de façon malhonnête, François Fillon aurait été élu dès le premier tour. C’est dire l’importance de la vague populaire qui le porte à droite.
Pour votre part, vous qui êtes maire-adjoint de Neuilly, que comptez-vous faire l’an prochain ? Serez-vous candidat aux élections législatives ?
PK : Oui, je pense que je serai candidat car les idées que je porte – notamment un vrai libéralisme, un atlantisme affirmé, et encore plus réaffirmé avec l’élection de Donald Trump, une volonté de lutter contre la propagande des médias – ne sont véhiculées par aucune personnalité politique française. J’annoncerai ma décision prochainement.
© Interview réalisée par Jean-Marc Moskowicz pour Europe Israël