Deux affaires font actuellement polémiques en Israël. Celle du soldat de Hévron qui reste d’actualité et celle de la soi disant « ségrégation » dans les maternités israéliennes. Toutes deux ont été répercutées à l’étranger par les médias.
Je réagirai sous peu au débat autour des maternités. Mais pour ce qui est de l’affaire du soldat de Hévron, je voudrais vous faire partager l’intégralité d’une lettre que j’ai envoyé, il y a deux jours à Alain Finkelkraut et Elisabeth Lévy à la suite de la chronique commune qu’ils ont consacré à ce débat lors de leur dernière émission « L’esprit de l’escalier » diffusée le 3 avril dernier sur RCJ https://www.youtube.com/watch?
Chère Elisabeth Lévy, Cher Alain Finkelkraut
C’est parce que j’ai le plus grand respect professionnel pour vous Elisabeth(et pour Causeur) et la plus grande admiration pour le combat que vous menez, Alain Finkelkraut, aujourd’hui en France, que je me permets de réagir à votre dernière chronique commune sur RCJ consacrée, en partie, à l’affaire du soldat à Hébron qui suscite tant de débats au sein de la population israélienne.
Tout en étant globalement assez en accord avec votre échange, et sans être un inconditionnel du leadership de Byniamine Netanyaou, je me permets, tout de même, de vous faire partager à la fois ma propre réflexion journalistique et ma situation de père d’un jeune officier appartenant à la brigade de combattants Kfir dans laquelle sert le soldat incriminé. Dans l’espoir de compléter vos commentaires et d’apporter à vos remarques, un autre éclairage.
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Dans un effort de synthèse de l’actuel débat qui fait polémique au sein de la société (et de la classe politique) israélienne, je dirais qu’Israël est toujours un Etat de Droit dont l’armée , Tsahal, est toujours l’armée du peuple. Et cet Etat doit relever le redoutable défi de trouver le juste milieu et l’équilibre entre ce Droit qu’il s’efforce de respecter dans une constellation géopolitique complexe, et cette armée, dont les soldats sont les enfants de toute une nation.
Dans cette affaire, les « politiques »(Netanyaou, Yaalon) et même le chef d’état major Azincot ont eu, je le pense, tort de monter si vite au créneau en accusant ce soldat d’avoir agi à l’encontre des valeurs morales et éthiques de l’armée.
Dans cette affaire, les Israéliens venus acclamer le soldat devant la prison où il était détenu ont également eu tort de manifester ainsi.
Car dans cet Etat de Droit qu’est Israël, tant les premiers que les seconds auraient dû réagir d’une seule et même manière en disant: « L’affaire est entre les mains de la Justice militaire. Laissons-lui le soin d’enquêter sur les circonstances exactes dans laquelle elle s’est produite et nous réagirons après que la Justice ait parlé ».
Seulement voilà, les politiciens ont leurs intérêts propres : (ex : Yaalon et Benett se querellent sur la manière de lutter contre l’Intifada des couteaux). Le chef d’état-major(Azincot) fait actuellement campagne pour réduire l’influence de l’aumônerie militaire trop « spirituellement » présente dans une armée dont l’état major s’inquiète de voir de plus en plus d’officiers supérieurs portant la kippa.
Quant au peuple, ou plus exactement à ces dizaines de milliers de maman de soldats, elles envoient souvent leur enfant-soldat, le dimanche matin après un chabbat de retrouvailles et avant une semaine de nuits blanches avec un seul espoir : le revoir en bonne santé le vendredi suivant. Beaucoup d’entre elles, n’hésitent pas avant de le voir partir vers sa base à leur confier un « ordre » qui , qu’on le veuille ou non, reste gravé dans sa mémoire : « Mon fils, si tu te sens menacé même une fraction de seconde, tire. Je préfère que tu sois en vie, même en prison… qu’ailleurs ». Des mères qui paradoxalement ont eu froid dans le dos en découvrant sur leur écran de télé, le soldat menotté et soupçonné de meurtre(accusation entretemps modifiée en homicide)
Voilà pour une réalité complexe qu’il n’est peut-être pas si évident de percevoir même dans un Paris qui comprend mieux aujourd’hui le danger de la menace terroriste….
Comme le disait Golda Meir il y a plus de 40 ans, « nous pourrons tout pardonner aux Arabes sauf d’avoir fait de nos enfants des tueurs »
Quant à la responsabilité du soldat, qui semble si évidente lorsque l’on voit le film de Betzelem, il me parait important de souligner qu’elle peut être partagée. La discussion que j’ai eu avec de jeunes officiers de cette brigade Kfir, dont mon fils et ses camarades, est éloquente à ce propos . Un exemple ? L’un d’eux, un jeune lieutenant qui était à Hébron au moment de l’attaque mais qui n’a rien à voir avec l’affaire, m’a confié, que dès qu’il avait pris le commandement de son unité(25 soldats), il y a quelques semaines, il avait tout de suite remarqué qu’un de ses soldats semblait être un « rapide de la gâchette » : « J’ai tout de suite signalé son comportement problématique à mon supérieur. Celui-ci m’a répondu en deux mots : « Débrouille-toi ». Depuis, m’a dit cet officier, je fais tout pour éviter de placer ce soldat en première ligne…
Complexe, vous avez dit complexe ?
C’est Ariel Sharon qui après être devenu Premier ministre en 2001 disait: « Ce que l’on voit d’ici, on ne le voit pas de là-bas ».
D’ailleurs, il semble que la Justice soit plus prudente que les « politiques » et que le peuple, puisque selon les derniers développements, le juge militaire a estimé plausible la version du soldat selon laquelle il a tiré parce qu’il se sentait menacé et qu’il pensait que le terroriste possédait une ceinture explosive et il l’a donc autorisé à demeurer en détention ouverte dans sa base alors que le Parquet réclamait son arrestation immédiate….
-Toutefois, je me permets quelques petites rectifications, autour de votre chronique :
-A propos de la démarche effectivement très populiste de Nétanyaou de dialoguer avec le père du soldat, une précision s’impose : Netanayou(qui a téléphoné à la demande de la famille) a, avant tout, demandé au père de faire confiance à la Justice militaire israélienne. Il ne lui a pas du tout promis qu’elle tiendrait compte des circonstances mais s’est déclaré « certain » que l’enquête tiendra compte des circonstances (l’Intifada des couteaux). Ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
-D’ailleurs, je m’étonne tout de même que les propos de Netanyaou au père soient perçus, par vous, comme une ingérence du pouvoir exécutif sur le Juridique alors que la promesse de Yaalon(ministre de la Défense) que l’enquête sera menée avec sévérité ne vous parait pas le même type d’ingérence.
– Je voudrais également contester une petite phrase lancée par Elisabeth après qu’Alain Finkelkraut ait, avec justesse, souligné que la société israélienne n’était pas raciste: « Tout de même, il n’y a plus beaucoup d’arabes au coin de la rue. » Cette phrase prouve, Elisabeth, que vous n’êtes pas venue récemment à Jérusalem. Je me fais d’ailleurs un plaisir de vous y inviter. Vous pourrez alors découvrir le nombre surprenant d’Arabes que je croise quotidiennement faisant mes courses dans les supermarchés, en me promenant dans le Centre Commercial de Malha, ou en flânant sur l’allée centrale de Mamilla. Je ne parle pas de ceux qui en pleine Intifada sont médecins ou infirmiers dans les hôpitaux de la capitale, . Et je ne parle pas, non plus, de mes confrères et amis journalistes arabes de la rédaction d’i24 dont je partage régulièrement les conversations…
Bref, encore une fois, tout cela est bien complexe…
Enfin sur le fond du « Problème » , celui de l’absence de processus de paix qui crève le cœur d’Alain Finkelkraut, et sur votre réflexion Elisabeth sur la droite kahaniste qui s’est installée au… cœur du consensus(qu’il convient de rectifier, dirons-nous poliment) . La seule et unique question à poser, me semble-t-il, est : Pourquoi ? Pourquoi la société israélienne qui, après Oslo, était prête à signer la paix, ne cesse de glisser à Droite ? Pourquoi, aujourd’hui, seuls 20 à 25% (sondages Haaretz) des Israéliens croient encore en une paix possible dans cette génération ? Pourquoi même Hertzog désespère du principe de deux Etats pour deux peuples ?
Ma réponse :
Parce qu’à toutes les mains tendues, les Palestiniens ont répondu par les armes (la seconde intifada consécutive au sommet de Camp David, la capture de Shalit et les tirs de missiles après le retrait de Gaza). Parce que toutes les propositions de retrait des Territoires(95% pour Barak en 2000, 100% pour Olmert en nov 2008) ont été rejetées par les Palestiniens. Et parce que la Confiance n’existe plus(si toutefois elle a pu exister).
Et parce que le rejet farouche des Palestiniens de reconnaitre Israel comme état nation du peuple juif, a fini de persuader les plus incrédules, au centre et à gauche, que ces Palestiniens ne voulaient pas d’Etat aux cotés d’Israël mais à sa place.
Je pose, à chaque fois, la même question à mes amis israéliens de gauche : « Imaginez qu’Israël se retire demain de tous les territoires, y compris l’est de Jérusalem, y compris la vieille ville et le Mont du Temple, est-ce que ce sera la Paix ? Ils sont de plus en plus nombreux à me répondre honnêtement par la négative…
Et enfin parce que c’est l’adversité des Palestiniens qui fait ressurgir le nationalisme, qui pousse de plus en plus d’israéliens en particulier dans le monde laic et libéral, à tenter de comprendre, en ouvrant des textes millénaires , des livres d’histoire et de spiritualité, le véritable sens de cette identité juive qu’ils avaient cru bon de mettre entre parenthèses avant que les terroristes ne viennent la leur cracher à la figure en clamant « Itba’h El Yahoud »
Et quelque part, si vous voulez comprendre ce qui se passe ici en Israël en matière de renouveau du nationalisme, il vous suffit de voir ce qui se dessine chez vous en France. Il vous suffit de lire l’article de Causeur de ce 6 avril sur le rejet de l’espace de Shenguen par les Français.
Là encore, chers amis, l’adversité du terrorisme a pour conséquence le retour au galop du nationalisme.
Ainsi la France qui avait banni le mot »guerre » de son vocabulaire depuis 45, ou depuis la fin de la guerre d’Algérie est désormais installée dans l’état d’urgence avec ce que cela implique pour les droits de l’homme.
La France qui voulait ouvrir ses frontières à tous est obligée désormais de les fermer pour se protéger.
Et la France socialiste qui rechignait à chanter la Marseillaise, met aujourd’hui son drapeau bleu blanc rouge aux fenêtres et entonne l’hymne national toutes les 3 heures !
Voilà pourquoi finalement nous sommes tous dans un seul et même combat : celui des soldats à Hébron, celui des Israéliens contre le terrorisme palestinien et celui des Français contre le terrorisme islamique.
Un combat, est certes propice à des bavures, apparemment comme celle du soldat. Il faut les condamner mais il ne faut pas avoir peur de nommer l’ennemi. Et d’être conscient du danger qui menace.
Merci de votre attention.
Daniel Haïk
Hazan !
Hazak !
Kol hakavod Daniel…..mais..oui mais…et apres ???
Nous , nous savons…mais eux attendent la version mediatique francaise pour prendre …leur position…la leur…Nous ne pouvons rien faire d’ autre, non pas l’ elimination du terrorisme islamique…mais celle des medias…car c’ est eux, le danger..depuis hier..encore aujourd’ hui et helas peut etre demain….
Il faut se rendre compte du comment les medias informent pour se rendre compte….qu’ ils ne sont pas encore …sortis de l’ auberge.