La notion de téchouva occupe une place de tout premier plan dans cette paracha. Elle conclut à ce sujet par les versets suivants :
« Parce que cette mitzva que je te prescris aujourd’hui n’est pas hors de ta portée et elle n’est pas éloignée de toi. Elle n’est pas au ciel de sorte que tu dises : “qui donc monterait pour nous au ciel, la prendrait pour nous et nous la ferait entendre que nous la réalisions ?” […] car la chose est très proche de toi, en ta bouche et en ton cœur pour la réaliser » (Deutéronome 30, 11-14).
Maïmonide et Nahmanide sont en controverse au sujet de ces versets. Nahmanide, dans son commentaire direct de ce passage, explique qu’il se rapporte à ce dont il a été question précédemment dans le texte, c’est-à-dire la téchouva et donc les mots « cette mitzva que je te prescris aujourd’hui » nous enseignent que la téchouva – l’obligation de se repentir au cas où il y a eu faute – est un commandement positif de la Thora. Maïmonide explique quant à lui que tous les versets précédents concernant la téchouva constituent une promesse, en fin de compte, tous feront téchouva :
« La Thora a déjà donné l’assurance qu’Israël est destiné à faire téchouva à la fin de son exil et sera immédiatement délivré, ainsi qu’il est dit : “tu les méditeras en ton cœur… et tu reviendras à Hachem ton Dieu…” » (Règles de la Téchouva, V, 5).
Donc, selon Maïmonide, « cette mitzva » est un terme générique se rapportant à la pratique de toutes les mitzvoth et à l’étude de la Thora, qui toutes deux sont à notre portée, pas au ciel mais sur terre, profondément enfouies en nous, et nous sommes invités à les exprimer par des actes. À la différence de Nahmanide, Maïmonide ne compte pas la téchouva au nombre des commandements positifs de la Thora. Il a certes décrit en détail les étapes du processus du repentir : abandon de la faute, engagement pour l’avenir, regret et aveu formel et explicite, mais c’est précisément l’aveu qu’il compte au nombre des commandements (Règles de la Téchouva, I, 1) :
« Lorsqu’on se repent et que l’on rompt avec sa faute, on a obligation de faire l’aveu devant Dieu – béni soit-Il – ainsi qu’il est dit “homme ou femme qui aura commis l’une des fautes humaines… fera aveu de sa faute…” (Nombres 5, 6-7) ».
Certains ont expliqué que la raison profonde pour laquelle Maïmonide n’a pas compté la téchouva elle-même au compte des mitzvoth tient à ce que les premières étapes du processus sont de nature « abstraite », prenant place dans la pensée, l’aveu seul étant de nature concrète. Lui seul est un acte et pour la Thora, les actes seuls peuvent avoir rang d’obligation. Les intentions sont importantes, bien sûr, mais elles ne deviennent significatives que lorsqu’elles se traduisent en actes positifs, manifestes. Par exemple, il est possible d’avoir des idées sublimes concernant la pose des téfiline, mais tant qu’on ne les a pas effectivement posés, la mitzva n’a pas du tout été accomplie ! Un homme peut avoir pensé à acheter des fleurs à sa femme et en avoir réellement eu l’intention, mais en réalité, il ne l’a pas fait : il n’y aura rien à mettre dans un vase. L’intention et l’acte doivent être intimement liés. Par conséquent, s’agissant de la téchouva qui est tellement fondamentale, c’est précisément l’aveu que Maïmonide a compté. C’est l’aveu qui est l’expression concrète de l’intention de la téchouva.
Rabbi Ephraïm de Lonschitz, auteur du Kéli Yaqar, se réfère dans son commentaire à ces deux aspects de la mitzva, l’acte et l’intention :
« Toute mitzva comporte deux aspects : l’un est l’acte lui-même, l’accomplissement effectif de la mitzva, l’autre est l’intention qui l’accompagne, dont le contenu est la compréhension et l’intellection des secrets de la Thora ».
Concernant l’accomplissement de la mitzva, le Kéli Yaqar rapporte l’enseignement des Sages selon lequel la Thora n’exige pas de nous ce qui n’est pas à notre portée :
« Hachem ne nous a pas ordonné d’apporter quelque mitzva d’une contrée lointaine. Concernant les offrandes apportées au Temple, les Sages ont dit (Lévitique Rabba xxvii, 6) : le Saint béni soit-Il a dit qu’Il ne nous a pas fatigués à apporter une offrande d’une espèce animale qui n’est pas couramment en notre possession mais des animaux de la ferme que l’on possède communément. Cela peut être étendu à toutes les mitzvoth, à savoir qu’Il ne nous demande pas d’apporter de loin un objet quelconque pour une mitzva, mais seulement des choses qui se trouvent en notre possession ».
Traduit dans notre langage conceptuel, ce texte signifie que les exigences de la Thora sont humaines. Elles visent le bien de l’homme et elles sont à sa portée, dépendant essentiellement de sa volonté. Mais ce n’est pas l’acte seul qui est dans ce cas, mais, insiste le Kéli Yaqar, l’intention et la capacité d’intériorisation aussi :
« Et afin que tu ne dises pas que la réalisation concrète de la mitzva a été donnée par Hachem pour être pratiquée sur terre, mais pas la sagesse qui reste dans le ciel, le verset a souligné ; elle n’est pas au ciel ! La réalisation concrète et l’intention qui suppose la réflexion approfondie ont toutes deux été données par Hachem sur terre » (Kéli Yaqar, Dévarim 30, 11).
Chabbat Chalom
Nahum Botschko
Traduit par Rav E. Simsovic