”J’ai eu la chance de faire beaucoup de choses intéressantes et palpitantes dans ma vie”, nous lance Boaz Bismuth en guise d’introduction, ”mais le processus de conversion de mon épouse, que nous avons traversé à deux, est incontestablement l’événement qui restera”.
Un amour impossible?
Boaz Bismuth est depuis un an le rédacteur en chef du quotidien israélien Israël Hayom. Son CV est impressionnant: né à Rehovot de parents tunisiens, il effectue une partie de ses études à Paris. Il intègre ensuite de grandes rédactions israéliennes, comme Maariv et Yediot Aharonot. Son sens du journalisme et des relations publiques lui permet d’interviewer de nombreuses personnalités, y compris du monde arabe et de couvrir des événements historiques. Ainsi, il sait jouer de son passeport français pour interviewer l’ancien président iranien, Ahmadinejad, qui ne savait pas qu’il parlait à un… israélien. En 2004, il est nommé ambassadeur d’Israël en Mauritanie, pays musulman, où le nombre de Juifs se compte sur les doigts d’une main.
Quelques jours avant cette consécration professionnelle, Boaz va rencontrer la femme qui va changer le cours de sa vie. La rencontre se fait dans un vol Air France pour Bombay. Boaz est alors divorcé et père d’une fille, May. Il est accueilli à bord de l’avion par une hôtesse de l’air, Vanessa, avec qui le contact passe tout de suite très bien. Ils échangent beaucoup pendant les 7 heures de vol et à l’atterrissage, Boaz laisse son numéro à Vanessa. Les deux se retrouvent lors de leur séjour en Inde et un lien déjà fort se noue. Ils conviennent de se revoir à Paris. Le seul problème: Vanessa n’est pas juive…
Boaz avoue: ”J’ai grandi dans une famille traditionnaliste. Je ne peux pas dire que j’avais un mode de vie religieux. Nous faisions le kiddouch, ma mère respectait shabbat. Mais cela n’allait pas beaucoup plus loin. Cependant, j’avais une ligne rouge: un juif doit épouser une juive”.
Un parcours du combattant, une maison juive à l’arrivée
Vanessa manifeste, sans même que Boaz ne le lui ait demandé, sa volonté de se convertir au judaïsme. Elle lui confie avoir toujours été attirée par le peuple juif. Le couple s’installe ensemble en Mauritanie, là où Boaz est toujours en mission. ”Nous avons passé Yom Kippour ensemble, sans minyan, mais nous avons jeûné. A la fin, Vanessa m’a dit qu’elle se sentait merveilleusement bien. J’ai compris que nous étions dans la bonne direction”. Boaz commence à se documenter sur la conversion, car il nous le dit: ”c’est un processus que l’on fait à deux”. Le couple étant installé au cœur de l’Afrique, il décide d’ouvrir un dossier auprès du Consistoire de Paris, aidé par le Rav Pevzner. Mais il est confronté à une fin de non-recevoir parce qu’ils ne sont pas domiciliés en France. Qu’à cela ne tienne, Boaz et Vanessa filent dans les librairies juives du Marais et font le plein d’ouvrages pour commencer à étudier. De retour en Mauritanie, Vanessa studieuse, lit, apprend et sa volonté d’intégrer le peuple juif est toujours aussi vive.
”Les ennuis ont commencé quand nous sommes revenus en Israël”, se souvient Boaz. Ils veulent ouvrir un dossier auprès de la rabbanout, mais c’est impossible car Vanessa n’est pas israélienne. Il leur faut passer par une procédure dérogatoire, très longue. Des amis leur indiquent des cours qu’ils peuvent suivre pour ne pas stopper l’étude qu’ils avaient si bien entamée. Un soir, Vanessa craque: ”Peut-être que nous devrions renoncer? Peut-être que le judaïsme ne veut pas de moi?”. Ce fut la seule et unique fois qu’elle a manifesté un doute, pendant les 6 années qu’ont duré sa conversion.
Le couple continue à apprendre, à se rendre à la synagogue. Le premier tournant aura été la rencontre avec le Rav Dr Shaoul Prever, à la tête de l’institut Etim, qui aide les couples dans leur situation. Il leur conseille de scolariser leur fille, Tess, qui entrait au CP, dans une école publique religieuse. Il les oriente aussi vers Aviad Fridman et son épouse le Dr Hanna, fondateurs de la communauté ”Yah’ad” à Tel Aviv. Le couple Bismuth devient fidèle de ce lieu de prières, d’étude et d’entraide en novembre 2010.
”Un troisième ange est alors apparu sur notre chemin”, se souvient Boaz, ”il s’agit du Rav David Ben Nissan de l’oulpan guiour Ami”. Il les aide dans la préparation à la conversion, en proposant des cours non seulement à Vanessa mais aussi à Boaz. ”J’ai, grâce au Rav David, pu prononcer des Divré Torah à la synagogue alors même que cette idée m’effrayait”. Pour May, sa fille de son premier mariage, son père est en train de devenir religieux, mais elle soutient aussi le processus, ainsi que les parents de Boaz qui accueille leur belle-fille, les bras ouverts.
Enfin, en 2013, le moment tant attendu est arrivé: ils sont convoqués par la commission dérogatoire et vont pouvoir officiellement entamer le processus de conversion. Impressionnés par le savoir déjà acquis par Vanessa, par sa foi, les responsables du parcours ne trainent pas. Vanessa et leur fille Tess (devenue Mih’al) prononcent le Shema Israël. ”Mes larmes ont alors coulé comme une fontaine”, nous confie Boaz. Le lendemain, il passe sous la houpa, avec l’élue de son cœur, devenue Ruth. Dans le ventre de la mariée, un petit garçon se prépare à voir le jour, en tant que juif. ”La brit mila de David a été un autre des moments forts de ma vie: pouvoir faire entrer mon fils dans l’Alliance, c’était un privilège énorme. En accompagnant mon épouse dans ce processus, j’ai compris qu’il fallait voir l’application des mitsvot comme un mérite et non comme une obligation”.

Vivre avec les grands de ce monde n’est que passager
Boaz côtoie les plus grandes personnalités de la planète. Parmi elles, Donald Trump. Nous profitons de cet entretien pour l’interroger sur sa politique au Moyen-Orient depuis son élection. ”Avec Trump, c’est facile. Il dit ce qu’il va faire et il le fait. Le problème, c’est que beaucoup ne le comprennent pas. Contre toute attente, il a remporté les élections, puis il a annoncé le transfert de l’ambassade, qui a bien eu lieu, faisant mentir tous ceux qui disaient que ce n’était qu’une annonce qui mettrait du temps à se concrétiser. Enfin, il a déchiré l’accord nucléaire avec l’Iran”. Pour Boaz, qui a déjà interviewé le Président Trump une dizaine de fois, ce dernier ne fait que remettre de l’ordre dans le désordre laissé par son prédécesseur Obama. ”Ils redonnent le statut d’allié aux alliés de l’Amérique. En 2017, il a commencé à installer un monde plus sûr. Il n’y a qu’à voir ses acquis en Corée”.
Le rédacteur en chef d’Israël Hayom tient aussi à accorder un crédit à Binyamin Netanyahou: ”Il répète inlassablement le danger que représente l’Iran. On se souvient de son discours devant le Congrès ou plus récemment son exposé après la mission du Mossad. La déclaration de Trump est aussi une énorme réussite pour notre premier ministre. Lors de son premier mandat, en 1997, il travaillait avec Clinton, puis avec Obama ces dernières années, c’est la première fois qu’il a un ami d’Israël à la Maison Blanche. Moi qui entend Donald Trump en off, je peux le confirmer: il est un véritable ami”.

Ce qu’en pense le monde? ”C’est quoi le monde”, nous rétorque Boaz Bismuth, ”chaque Etat défend ses intérêts, ce qui m’intéresse c’est ce que fait Israël. Certains pays qui nous font la leçon feraient mieux de balayer devant leur porte. Nous sommes les alliés sincères de la première puissance mondiale, nous avons des relations très rationnelles et importantes avec des pays comme l’Inde ou la Chine, alors c’est quoi le monde?”.
Cet ancien ambassadeur, proche de Donald Trump et journaliste réputé, tient à conclure notre entretien en parlant de son épouse. ”Un ambassadeur en remplace un autre, un rédacteur en chef aussi. Dans trois générations, mes descendants se souviendront de ce qu’a fait Ruth, pas de moi. Elle a sacrifié sa carrière pour rejoindre le peuple juif pour que notre descendance soit juive. Elle élève nos enfants, a appris ma langue, qui est devenue aussi la sienne. Ma femme est une plus grande ambassadrice du judaïsme et d’Israël que moi. Quand je la vois allumer les bougies de Shabbat ou quand nous avons des débats, je suis comblé de vivre dans une maison juive qui transmet l’amour du peuple d’Israël, le sionisme et le respect de l’autre”.
Guitel Ben-Ishay
Tres emouvant