L’affaire des enfants yéménites est une tache dans l’histoire de la création du pays. Au début de l’Etat, des bébés yéménites ont été enlevés à leurs parents, à la naissance ou peu de temps après pour les faire adopter en Israël ou à l’étranger. Aux parents, fraichement immigrés du Yémen, on disait que leur bébé était mort. Des immigrés d’Afrique du Nord, des Balkans et d’autres pays du Moyen-Orient ont subi le même sort.
Des années plus tard, les parents n’arrivent toujours pas à croire à la version officielle donnée par les autorités à l’époque. Toutes les archives ne sont pas encore autorisées à la publication, mais on sait qu’un nuage épais entoure ces histoires.
Au mois de mai dernier, la famille Houri a été autorisée à procéder à l’exhumation du corps de son bébé afin de vérifier que c’est bien lui qui a été enterré là et qu’il n’a pas continué sa vie ailleurs, après avoir été adopté. Au moment de l’exhumation, une deuxième tombe a été trouvée sous la pierre. L’opération a donc été suspendue en attendant d’avoir l’autorisation d’ouvrir les deux, puisque l’on ne sait pas qu’elle est la tombe présumée du petit Ouziel Houri.
Aujourd’hui, une deuxième famille yéménite s’apprête à exhumer le corps de son bébé officiellement décédé en 1948. La famille Melamed est arrivé du Yémen en 1943. Le père s’engage dans les forces armées juives et il est tué en 1948. Six mois après sa disparition, son épouse, Shoulamit, met au monde un petit garçon, Yossef. Alors qu’il est âgé de 2 semaines, sa mère l’emmène à l’hôpital parce qu’il est malade. On la renvoie chez elle pour la nuit et le petit est hospitalisé. Le lendemain matin, lorsqu’elle vient voir son bébé, on lui annonce qu’il est décédé dans la nuit.
L’enterrement a lieu très rapidement et sans véritablement informer la mère que l’on veut officiellement ménager puisqu’elle vient aussi de perdre son mari.
En 1963, Shoulamit reçoit un ordre d’incorporation de Tsahal pour son fils Yossef, qui aurait dû avoir 18 ans à cette date. Elle en est profondément troublée, pour elle ce document montre ce qu’elle a toujours ressenti: son fils Yossef n’est pas mort.
La famille espère aujourd’hui obtenir des réponses avec l’opération d’exhumation. Shoulamit, qui a aujourd’hui 91 ans, n’est pas au courant des démarches entamées par ses filles. Elles préfèrent ne pas lui donner d’émotions inutiles pour le moment.
Dans un premier temps, un professionnel sondera la tombe à travers la terre pour être sûr qu’il s’y trouve bien un corps. Puis, s’il convient d’ouvrir la tombe, forts de l’expérience de la famille Houri, la famille Melamed a déjà obtenu l’autorisation des familles des bébés enterrés à proximité pour pouvoir ouvrir les autres tombes éventuellement trouvées sous la pierre.
”S’il n’y a pas de corps, nous aurons immédiatement la réponse que nous attendons depuis si longtemps et nous pourrons commencer à le chercher”, déclare une des soeurs de Yossef. La petite-fille de Shoulamit témoigne qu’elle n’a jamais parlé avec sa grand-mère sans que celle-ci n’évoque Yossef – ”et je lui parle beaucoup”, dit-elle.
L’exhumation a commencé il y a quelques minutes et des ossements ont bien été trouvés. Il s’agit maintenant d’établir le profil génétique pour vérifier que c’est bien Yossef Melamed qui a été enterré ici.