Une fête – deux commémorations
Bientôt l’hiver. Dernière festivité avant le froid. Fête aux multiples noms. La Torah parle de Souccot (Vayikra 23:32; Devarim 16:13 et 16; 31:10) ainsi que de fête de la récolte (h’ag ha’assif – Shemot 23:16; 34:22) ; ces deux noms étant représentatifs des aspects commémorés : la sortie d’Egypte et l’arrêt à Souccot (Vayikra 23:43) d’une part, et l’aspect agricultural – l’engrangement de la récolte – d’autre part.
C’est la fête !
Toutefois, dans le NaH’, on retrouve douze fois le terme de “la fête” (haH’ag), comme si Souccot était la fête par excellence ! Ainsi, la Mishna (Soucca 5,1) nous dit : “toute personne n’ayant pas vu la joie de Beit HaShoèva (=au Temple, à Souccot), n’a jamais vu ce qu’est la joie, de toute sa vie” !
Alors on danse !
Le terme h’ag définissant Souccot n’est pas anodin. En effet, h’ag signifie étymologiquement, “ronde”, “cercle” (cf. T.B. H’aguiga 10b et Toss. ad loc). Ainsi, dans le Temple, on entourait l’Autel (Mishna Soucca 4,5 ; T.B. 43b) et de nos jours, nous tournons autour du Sefer Torah, à la synagogue, surtout à Hosha’na Rabba, en souvenir du Temple (cf. Sh. Ar. O.H’. 660,1).
Le Rav Yom-Tov Heller (1579-1654 ; TYT Rosh HaShana 1,4) note que Souccot s’appelle h’ag car on doit y danser, en rondes. Le Natziv (1816-1893 ; HaAmek Davar, Devarim 16) ajoute qu’à Souccot il y a une mitzva de danser. Selon les kabbalistes, la soucca dévoilerait la lumière Divine nous entourant (or hamakif). A Simh’at Torah, encore un cycle, nous recommençons la Torah.
Ces cycles marquent la prise de conscience qu’une année s’est écoulée ; fin de l’été et hiver arrivant. On doit être joyeux à cette occasion, car la sensation du temps passant et passé ne doit pas être source de tristesse, mais plutôt source de bonheur (pour cela qu’on lit Kohélet). On comprend ainsi pourquoi, selon certains, un endeuillé ne participe pas à ces rondes (cf. Rema O.H’. 660,2).
Du cycle au recyclage
Rabbi Yoh’anan (T.B. Souka 12a) apprend du verset (Devarim 16:13) “Tu célébreras la fête des tentes… quand tu rentreras les produits de ton aire et de ton pressoir” que le seh’ah’ soit fait justement des déchets de l’aire et de la cuve, incomestibles.
Par ailleurs, les quatre espèces après la fête sont souvent recyclées. Certains brûlent le loulav dans le four à Matzot (resp. Mahari Weil, §191), d’autres utilisent les aravot d’Hosha’ana Rabba (Rema O.H’. 664,9). D’aucuns récupèrent les hadassim en encens d’havdala (Elef LaMaguen sur Mateh Efraïm O.H’. 660). D’autres encore mettent les aravot frappées au sol près de leur lit (Sefer Tania Rabbati, §86) alors que d’aucuns les jettent sur l’Aron Kodech (cf. Moadim OuZmanim (Sternbuch), §131, n. 4). Le plus courant reste l’utilisation des aravot et loulav pour brûler le h’amets à Pessah’ (resp. Maharshal §87 ; H’ok Yaakov O.H’.445, s.k. 3 ; Sh. Ar. HaRav id. 445,12).
Fétichisme et renouveau
A l’opposé de l’idolâtrie fétichisant l’objet comme symbole transcendant, procurant pouvoir ou jouissance par ce qu’il évoquerait ; l’objet recyclé reste un objet. Par le recyclage, le passé est vécu comme quelque chose d’irrémédiablement perdu, on l’a transformé. En effet, on ne peut récupérer que des débris et c’est en dévoyant les objets de leurs utilisations passées que l’on crée un renouveau, rapport nouveau au temps. L’idolâtre chercherait à revivre le passé et à nier la mort, à la fuir. Alors que le recyclage, admet le temps passant, le cycle et cherche à construire le futur sur les restes du passé. Intégration de la mort à la vie, acceptation, renouveau, voilà le cycle juif, liant Dieu au monde, l’Infini à la matière.
H’ag sameah’ !