Pâque s’appelle en hébreu Pessa’h. Un terme qui signifie “Passage” et rappelle que D-ieu épargna les premiers-nés. Cette fête évoque notamment le passage, l’intervention de D-ieu dans l’Histoire, le passage de l’esclavage à la liberté et le fait que l’homme est invité à se dépasser. En effet, D-ieu intervient dans le monde. Il ne s’agit pas du D-ieu des philosophes déistes, d’une déité abstraite, mais d’un D-ieu à qui nous disons : “Je” et qui nous répond “Tu”. Cette relation s’établit à travers la Torah et les Mitsvot, à travers la prière, l’étude et l’instauration d’une société juste basée sur les valeurs bibliques. L’homme doit donc passer, “marcher avec D-ieu” et ensemble faire l’Histoire.
Pessa’h est surtout l’anniversaire de la sortie d’Égypte. Le souvenir de l’affranchissement des opprimés. La fin d’un règne d’exploitation de l’homme par l’homme, l’émancipation, la décolonisation. À différentes reprises la Torah déclare : “vous n’opprimerez pas l’étranger… vous l’aimerez, car vous-mêmes vous avez été étrangers en Égypte”. Le peuple juif ne connaît que trop l’état d’âme des esclaves, de l’Égypte antique à l’Allemagne nazie. Malheureusement existent toujours de nombreux pharaons. Des millions d’êtres humains meurent de faim et d’ignorance. Ils sont enchaînés, exploités, opprimés.
RESSEMBLER À MOÏSE OU À PHARAON
Il nous appartient aujourd’hui encore de faire tomber les idoles, de rejeter toutes formes de tyrannie. Pour ce faire, nous avons le choix : ressembler à Pharaon le persécuteur ou à Moïse le prophète, Moïse le libérateur. Le Talmud précise que l’on doit chaque jour se considérer comme venant de sortir d’Égypte. L’homme est libre. Lui aussi peut “faire Pessa’h”, c’est-à-dire passer, se dépasser et transcender toutes formes d’aliénation. Chacun de nous doit sortir de ses propres limites, s’améliorer religieusement et moralement. Il y a dans l’existence humaine des “périodes hivernales” d’apparente improductivité. Mais il ne faut jamais sombrer dans le pessimisme.
Pessa’h est aussi appelé la fête du Printemps, qui fait suite à l’hiver. À l’instar des Hébreux qui sortirent soudainement d’Égypte et passèrent de l’idolâtrie au monothéisme éthique, chacun de nous peut aussi réaliser ce “passage”, ce cheminement, ce changement dans sa propre vie. Le Seder de Pessa’h, le repas pascal, est riche en symboles destinés à piquer la curiosité des enfants et à leur faire revivre la sortie d’Égypte. Quatre enfants sont assis à la table familiale. Un sage, un méchant, un naïf, un enfant qui ignore comment poser des questions. Le méchant demande : “qu’est-ce que tout ceci signifie pour vous”. “Pour vous” – il ne se sent pas concerné. Il s’exclut de la communauté et refuse d’être un maillon de la chaîne. Cette attitude vient du fait qu’il n’a pas reçu une éducation juive appropriée. Pour que l’enseignement porte ses fruits, il doit être adapté au caractère et à l’intelligence de chaque enfant. Cette vérité pédagogique se reflète dans la Torah qui cite quatre entretiens entre un père et son fils au sujet de la sortie d’Égypte.
QUE LE MÉCHANT DEVIENNE SAGE
Soulignons que le Sage est assis à côté du méchant. Le sage ne doit pas rester dans sa tour d’ivoire mais expliquer autour de lui ce qu’est vraiment le judaïsme. Il doit engager le dialogue avec le “méchant”. Et le Talmud de préciser : “bien qu’il a fauté, il reste juif”. Mais alors que les quatre enfants se distinguent par leur réaction lors du Séder, ils ont néanmoins une chose en commun : ils sont tous présents. Même celui que l’on appelle “méchant” prend une part active, quoique rebelle, au déroulement de la soirée. Et ceci justifie tout au moins l’espoir qu’un jour le “méchant” deviendra “sage”. Aujourd’hui, il existe un problème bien plus grave… une cinquième catégorie d’enfants – ceux qui sont absents. Tous ces absents constituent un grave danger pour la pérennité du peuple juif. André Malraux a déclaré : “le XXIe siècle sera religieux ou nous cesserons d’exister”. Mais fort heureusement les mentalités sont en train de changer. De nombreuses personnes, et notamment des savants ou des intellectuels de renom, retournent aux sources du judaïsme et se remettent à la pratique religieuse. Il n’y a jamais de place pour le désespoir dans le judaïsme. En utilisant un langage adéquat et en nous imprégnant de l’amour du prochain, même le Juif de la génération dite perdue ‘’fera Techouva‘’ et retournera aux valeurs éternelles de la Torah.
RAV YAACOV SPITEZKI
054 23 99 791
SHORASHIM
Le centre pour les étudiants francophones
Université Hébraïque de Jérusalem