A quelques jours de l’ouverture de J.O. de Rio de Janeiro, LPH vous dresse les portraits de championnes, des femmes d’exception qui concourent sous le drapeau israélien et qui évoluent dans un milieu souvent considéré comme exclusivement masculin: Pascale Bercovitch, championne handisport; Bat El Gatterer, championne de taekwondo et de Reaya Ben-David, joueuse dans l’équipe d’Israël de football américain.
Pascale Bercovitch
”C’est quand on se dépasse qu’on se découvre”
Photo: Ido Lavie
Pascale est née en France. Elle a toujours eu la fibre sportive, fait de la gymnastique et remporte des prix régionaux. A l’âge de 17 ans, en 1984, sa vie prend un tournant inattendu: suite à une chute sur le quai de la gare au moment du passage du train, elle perd ses deux jambes.
Cet accident tragique aurait pu chambouler tous ses projets de vie, mais la force de caractère de Pascale et son entourage ont joué en sa faveur. Elle se souvient:
”J’ai toujours su que j’avais une identité juive, même si dans ma jeunesse, cela pouvait être un peu confus. J’ai, adolescente, nourri le rêve de venir vivre en Israël. Pour moi la France était un pays vieillissant, j’avais soif de construire. J’ai donc commencé à organiser mon alya. A l’été 1984, j’ai fait un volontariat et il était prévu que j’intègre les rangs de l’armée”.
En décembre 1984, soit quelques mois plus tard, Pascale est victime de l’accident qui lui coûtera ses deux jambes. ”Mon rêve ne s’est pas brisé pour autant. Des responsables de l’armée israélienne sont venus me voir à l’hôpital en France. Ils m’ont assurée que le fait que je n’avais plus de jambes ne changeait rien et qu’il me voulait dans leurs rangs”.
En juillet 1985, Pascale arrive en Israël et devient la première volontaire de l’armée israélienne en fauteuil roulant. Dans un premier temps, elle occupe un poste bureaucratique assez fastidieux dans les tanks puis après avoir appris l’hébreu, elle devient instructrice à Sar-El.
”J’ai été prise sous l’aile protectrice et encourageante du General Aaron Davidi, z”l. Il a été comme un père, il m’a encouragée à faire du sport, malgré mon handicap. Deux fois par semaine, il m’avait organisée un transport pour que j’aille faire de la natation”.
Ainsi Pascale intègre l’équipe israélienne de natation handisport et déjà elle rêve de Jeux Olympiques. ”Mais étant seule en Israël, je n’avais pas de gros moyens, j’ai dû travailler après l’armée et il m’était impossible de m’entrainer suffisamment pour atteindre les compétitions de haut niveau”.
Pascale met donc entre parenthèses ses rêves olympiques. A 40 ans, elle renoue avec ses ambitions. ”J’étais devenue conférencière, un métier qui me laissait plus de temps pour mes entrainements”. Elle décroche alors plusieurs titres: championne d’Israël et vice-championne du monde et d’Europe en vélocimane.
En 2008, elle représente Israël aux Jeux paralympiques de Pékin en aviron puis aux Jeux de Londres en 2012, en vélocimane. En 2014, elle sera sélectionnée pour allumer une des torches de la cérémonie de Yom Haatsmaout au Mont Herzl.
Aujourd’hui, elle se prépare à défendre nos couleurs aux JO de Rio, cette fois en kayak.
Elle nous explique que le handisport présente les mêmes contraintes que le sport régulier mais qu’en plus il faut apprendre à gérer son handicap: ”Pour ma part, je ne me sers que de mes bras et de mes épaules, il faut donc que je prenne en compte que seule cette partie du corps travaille. En kayak, normalement, on travaille beaucoup avec les jambes. Cela m’impose d’être plus vigilante, plus inventive aussi”.
A 47 ans, elle ne perd rien de sa passion et de son talent: ”Mon corps réagit bien, la vie m’a poussée à changer, à me dépasser”. C’est d’ailleurs le message principal qu’elle transmet dans ses conférences à travers le monde: ”Ce qu’il faut mettre en valeur, c’est la volonté de donner le maximum de soi, de se surpasser, tout est possible. C’est quand on se dépasse qu’on se découvre”. Et Pascale sait de quoi elle parle, elle qui réussit à mener une carrière olympique mais aussi celle d’épouse et de maman de deux enfants, et ce avec un moral et un sourire olympiques aussi!
Bonne chance Pascale pour ces JO!
Bat El Gatterer
”Le sport apporte discipline, confiance en soi, capacité à se mesurer”
Fédération israélienne de Taekwondo
Bat-El est née en Israël de parents français ayant fait leur alya peu avant sa naissance. À 9 ans, elle commence le taekwondo « un peu par hasard », reconnaît-elle, « c’était la seule activité extra-scolaire qui était compatible avec les horaires de travail de mes parents ». À 12 ans, son moniteur qui avait décelé son talent l’envoie en équipe nationale. « Je n’imaginais pas quand j’ai commencé que j’irai aussi loin dans ce sport ». Encouragée par ses parents, Bat-El progresse, emporte de nombreuses médailles et devient championne d’Europe en 2010. En 2015, elle obtient la médaille de bronze au tournoi G1 mondial de Kharkov en Ukraine.
Aujourd’hui elle ne cache pas sa déception, à la veille des JO de Rio: ”Je n’ai pas réussi à me qualifier. Je suis déçue mais je sais que tout n’est pas dans mes mains, cela vient d’en Haut”.
Bat El a 28 ans, dans son sport, elle est considérée comme âgée: ”beaucoup s’arrêtent à 23-24 ans. Il est plus facile de faire du sport de haut niveau quand on est jeune, surtout quand on est une femme”, nous confie-t-elle
Bat El pense à construire sa vie personnelle mais ne compte donc pas pour autant arrêter net sa carrière sportive: ”Je veux continuer à m’entrainer avec l’équipe d’Israël. Mais j’ai aussi d’autres projets comme celui de proposer aux olim hadashim des activités sportives après l’école”. Bat El, comme de nombreux sportifs israéliens, estime que proportionnellement, Israël ne produit pas assez de champions. Elle espère donc pouvoir favoriser l’émergence de ces derniers en se concentrant sur une population dont elle se sent proche, du fait de son histoire personnelle: les olim. Pour elle, ”le sport apporte beaucoup: de la discipline, de la confiance en soi, on apprend à se confronter à des difficultés, à se mesurer”. Autant de bienfaits qu’elle aimerait transmettre.
Reaya Ben David
”On peut être une femme, religieuse et championne de football americain!”
Reaya est elle aussi fille d’olim, des Etats-Unis. Elle définit sa famille comme sportive: ”mes parents nous ont initiés au sport quand nous étions jeunes”.
Ainsi, c’est presque naturellement que Reaya est sélectionnée au sein de l’équipe d’Israël junior de base-ball, en kita hé. Ce qui relève de l’originalité c’est qu’il s’agissait de l’équipe de garçons… ”Nous étions deux filles sélectionnées. La fédération avait accepté notre demande de dérogation. Et personnellement j’avais ajouté aussi l’autorisation de jouer en jupe, qui m’a également été accordée”.
Arrivée à l’âge de la bat-mitsva, Reaya décide de ne plus jouer avec les garçons et commence à faire du football américain avec quelques filles. Elle intègre à 15 ans l’équipe féminine d’Israël de football américain. Elle enchaine parallèlement à ses études de lycéenne, les entrainements et les compétitions mondiales et européennes. ”Mes parents m’ont toujours soutenue et m’ont permis de mener de front tous mes défis”.
Reaya intègre ensuite Tsahal dans la branche éducation: ”Je sentais que je n’étais pas indispensable comme combattante. En revanche, il était important pour moi de dévoiler d’autres aspects de ma personnalité et de m’intéresser à la transmission, à la préparation pédagogique des futurs soldats”.
Reaya a été libérée de l’armée en avril 2016 et a depuis rejoint son équipe de football américain. ”Notre discipline n’est pas olympique mais nous jouons dans le monde entier. Nous avons de bonnes relations avec les autres équipes, même si on peut ressentir parfois que les arbitres nous jugent défavorablement parce que nous sommes l’équipe d’Israël… Nous avons comme principe de rester toujours respectueuses et finalement nous montrons une belle image d’Israël, c’est ce qui compte”. Et cela n’empêche pas son équipe de remporter des championnats en prime!
Reaya, Pascale et Bat El sont la preuve que dans le monde sportif aussi les femmes ont leur place et peuvent réussir. D’ailleurs, Yona, l’entraineur de Reaya nous le dit fermement: ”ceux qui pensent que les femmes ne sont pas à leur place dans le sport sont ceux qui ont un problème. Les femmes restent très féminines, elles savent qui elles sont en dehors du terrain et sur le terrain”.
Etre mère et sportive? Pascale en est un exemple. Reaya et Yona ne peuvent que confirmer puisque dans leur équipe plusieurs membres sont aussi des mères épanouies.
Si tous et toutes s’accordent sur le point que l’éducation sportive en Israël n’est pas suffisante, ils nous montrent que notre pays, dans ce domaine aussi, sait donner sa place à chacun et à chacune. Gageons que cela soit de bonne augure quant à sa capacité à fournir les moyens nécessaires pour permettre aux graines de champion de pousser toujours plus haut, plus loin, plus fort!
Guitel Ben-Ishay