Moshe Feiglin a commencé sa carrière politique il y a plus de 20 ans lorsqu’il a créé un mouvement d’opposition vigoureuse aux accords d’Oslo. Depuis, il est devenu un acteur central de la vie politique israélienne. Affilié au Likoud jusqu’à l’année dernière, il n’aura réussi à entrer à la Knesset que pour un mandat. Après avoir été classé aux dernières primaires du parti à une position qui ne lui laissait que très peu de chances de renouveler son mandat, Moshe Feiglin quitte le Likoud. Il fonde alors son propre parti, « Zeout » (Identité), qu’il définit comme n’étant ni de droite ni de gauche. LPH l’a rencontré. Nous avons évoqué avec lui l’alya, son actualité, ses projets et son regard sur certains débats du moment.
Le P’tit Hebdo : Pensez-vous que l’État d’Israël en fait assez concernant l’alya en général et l’alya des Français en particulier ?
Moshe Feiglin : Notre but est d’avoir un pays le plus grand possible dans une petite surface… Je ne pense pas que l’État doit aider l’alya mais plutôt qu’il doit arrêter de la déranger. J’appelle « déranger » le fait d’empêcher un médecin français d’exercer son métier alors que dans le même temps des médecins arabes dont le niveau est largement inférieur à celui des Français exercent librement. Ce principe est vrai pour l’intégration des olim mais aussi dans d’autres domaines. Le logement, par exemple. Dans les grandes lignes, tout le monde, y compris l’État a intérêt à voir les prix du logement baisser. Mais l’implication trop forte de l’État bloque cette évolution. L’État est propriétaire de 90% des terres, et pour obtenir un permis de construire il faut au moins une année ! On peut aussi le voir dans l’Éducation et même dans la Défense. Pour revenir à l’Intégration, celle-ci ne pourra être optimale que si nous ouvrons le marché. Nous devons lever les obstacles, c’est encore plus important que d’encourager l’alya.
LPH : L’économie est-elle la clé de l’intégration ?
M.F. : L’éducation aussi est fondamentale. Lorsqu’un enfant arrive en Israël, c’est l’État qui devient responsable de son éducation. Celui-ci investit par année 4500 shekels par enfant. Ce qui en fait un budget quasi-équivalent à celui de la Défense. Avec un tel budget, on peut aussi proposer plus de liberté dans le choix des cours, des programmes. La clé de l’intégration, c’est d’offrir toutes les options, de ne pas bloquer les volontés et les compétences.
LPH : Comment ressentez-vous le fait de vivre tout cela de l’extérieur de la Knesset ? Ne regrettez-vous pas de ne pas être à l’intérieur pour influencer ?
M.F. : Je suis dehors pour influencer. J’ai créé « Zeout » pour enfin sortir du schéma droite/gauche qui, au final, ne propose rien de très différent. Nous voulons enclencher une révolution identitaire, de liberté, qui donne du sens à l’État d’Israël. Nous voulons agir dans tous les domaines : économique, éducatif, sécuritaire,…
LPH : Sur le plan sécuritaire justement, que préconisez-vous ?
M.F. : Notre sécurité ne sera garantie que si nous affirmons notre souveraineté. Notre slogan aujourd’hui est : « Stop à l’occupation » ! Si nous décidons une fois pour toutes que nous ne sommes pas des occupants, mais des souverains, il est clair que les attaques terroristes cesseront.
LPH : Comment cela se concrétiserait-il ?
M.F. : Les données démographiques sont totalement en faveur d’Israël. Nous avons, par ailleurs, des solutions très précises à proposer aux Arabes de Judée-Samarie. Nous devons mettre en œuvre notre souveraineté, encourager les migrations des Arabes de Judée-Samarie, ce que beaucoup d’entre eux souhaitent d’ailleurs. Pour ceux qui désirent rester, il faudra leur donner le statut de résident, comme aujourd’hui, à la condition qu’ils s’engagent à être fidèles à l’État d’Israël. Nous leur proposerons aussi la possibilité de devenir citoyen au terme d’un long processus d’au moins 10 ans. Nous devons absolument cesser « l’occupation » !
LPH : En quoi cela fera-t-il disparaître les velléités terroristes ?
M.F. : À partir du moment où nous sommes souverains, notre réaction face aux jeunes qui se lèvent avec des couteaux ou toute autre forme de terreur sera beaucoup plus simple à gérer. Nous ne serons plus en guerre, mais dans l’application de l’État de droit.
LPH : Un autre sujet a défrayé la chronique ces derniers jours, l’ouverture d’un casino à Eilat. Quel est votre point de vue ?
M.F. : La question que pose ce débat n’est pas de savoir de quel droit nous pouvons permettre l’ouverture d’un casino mais de quel droit l’État peut interdire une telle chose. En réalité, l’État est là pour traduire les valeurs de la société qui le compose. Ainsi, la vie étant une valeur de notre société, l’État a le droit d’obliger une personne à mettre un casque pour faire du vélo. De la même façon, je ne ferai pas de commentaire sur la gay Pride à Tel-Aviv mais je m’opposerai à celle de Jérusalem. Les lois ne doivent pas créer la culture, mais la représenter. La culture est fixée par les citoyens de l’État. L’État ne doit pas intervenir dans les décisions morales des individus, sauf dans certains cas où il existe un consensus. De mon point de vue, les jeux d’argent sont immoraux. Mais là n’est pas la question. Elle est de savoir si les jeux d’argent s’opposent à la morale individuelle ou collective. Si 80 à 85% des habitants sur place sont contre l’idée d’un casino, alors je pense que l’on a atteint un seuil qui s’apparente à la morale collective. Dans le cas contraire, l’État n’a pas à autoriser la création d’un casino, elle n’a juste pas le droit de l’interdire.
LPH : Quels sont vos projets concernant les prochaines élections ?
M.F. : J’estime que les prochaines élections seront dans un an et demi. Je pense que nous pouvons obtenir 15 mandats. Et ce ne sera que le début.
LPH : Comptez-vous sur les voix des Francophones ?
M.F. : Je crois dans l’énergie des olim de France. Ma liste comportera au moins un Francophone d’ailleurs.
LPH : Qu’avez-vous appris de votre éviction de la Knesset ?
M.F. : J’ai fait des erreurs. J’ai surtout appris que les idées que l’on jette et que l’on défend portent leurs fruits petit à petit. Le peuple d’Israël est en attente de personnes qui ont des idées.
Propos recueillis par Avraham Azoulay
Photo by Orel Cohen/Flash90