On s’approche de la ligne d’arrivée, ou de la ligne de départ…
L’acte même de ranger, de tout remettre en ordre, entraîne en nous comme un désir de renouveau personnel, dans d’autres domaines que celui des tiroirs ou des armoires.
La chasse épuisante au H’amets n’empêche pas les Juifs d’arriver heureux au soir du seder, au contraire. En fait, cette préparation au premier rendez-vous de Pessah’, symbolise les fondations même de notre stabilité morale. Cette nuit pas comme les autres, que l’on attend avec émotion et impatience, réveille tout ce qu’il y a de plus rassurant : la cellule familiale.
Cette soirée d’apothéose a la faculté prodigieuse de rendre tout le monde enchanté, et surtout de donner la place et la parole à chacun, dans le plus grand respect. Chaque enfant, même un peu déboussolé par les effets de la génération Web, réussit à s’asseoir enfin, écouter, se laisser bercer par son histoire, s’exprimer et remettre de l’ordre dans sa tête. La table peut être animée, le vin peut lui aussi couler à flot, les jeunes comme les moins jeunes reçoivent leur dose de chaleur, de “Refresh” essentiel, de potion magique pour l’année.
Et soudain, sans s’en rendre vraiment compte, nous découvrons le secret qui accompagne chaque année cette nouvelle sortie d’Egypte. La force du bonheur qui se dégage derrière le folklore de Pessah, c’est cette attache à notre identité, à notre foyer, à notre terre et à notre peuple. Elle passe parfois par un air particulier, le goût d’une soupe de fèves, un ancien plateau ou une haggadah tachetée de gouttes de vin des années précédentes…
Mais au-delà de cette épopée familiale, le peuple juif a cette tradition de tendre la main à l’autre, cela fait partie de son aspiration à la liberté, c’est une sensation exceptionnelle et miraculeuse. A l’inverse du monde occidental, où l’on pense d’abord à soi, à économiser et assurer son avenir, ici, en Israël, on se tourne vers l’autre et on lui donne le maximum, pour ne pas le laisser accueillir Pessah’ dans le besoin : la chaine de H’essed ‘’ Kimh’a De Pissh’a’’, relève du grand art, le vrai remède contre les maux du siècle : la solitude et la pauvreté. Le plus beau réside dans la transmission naturelle. Les enfants feront bien mieux encore que leurs parents, c’est la raison pour laquelle on peut dormir tranquille : la mer s’ouvrira de nouveau chaque année, le miracle aura lieu encore, comme avant. Pessah reste notre véritable rempart contre l’orgueil, l’isolement dans l’écran, la servitude du travail. Voilà pourquoi nous apprécions, plus encore au mois de Nissan, ce cadeau du ciel : la liberté.
Pessah’ Cacher ve Sameah’
Avraham Azoulay