© FTVIASTELLA L’une des rares affiches brandit à Bastia en soutien aux Juifs, lors de la manifestation Charlie Hebdo, le 11 janvier
Les premières traces d’une présence juive dans l’île de Beauté remontent aux alentours de l’an 800. A cette époque, une importante immigration venue d’Egypte s’est installée dans le Sud de la Corse ; une grande partie de ces femmes et hommes juifs parlaient et écrivaient l’hébreu. La majorité d’entre eux s’est implantée à proximité d’un village dénommé Levie (la bien nommée), situe à l’intérieur des terres à 20 km environ de Porto-Vecchio.
Par la suite, les membres de la communauté se sont dispersés un peu partout dans l’île en devenant partie intégrante de la population autochtone et dans certains villages de montagne, des églises gardent encore la trace de documents rédigés en hébreu à côté de ceux rédigés en latin.
Bien des siècles plus tard, dans les années 1500-1530, environ 1000 Juifs de la région de Naples trouvèrent refuge en Corse, fuyant très certainement une persécution locale, et ils s’installèrent dans les régions montagneuses du centre de l’île.
En l’an 1684, la ville de Padoue, située en Italie, qui était peuplée en grande partie par des Juifs qui habitaient un ghetto édifié en 1516, fut le théâtre de violences dirigées contre ses citoyens juifs, dont une partie faillit se faire lyncher. Une rumeur malveillante selon laquelle leurs coreligionnaires de Buda, avaient commis des actes de cruauté contre les Chrétiens de la ville hongroise, déclencha cette flambée de brutalité dirigée contre la communauté juive de la ville.
C’est grâce à l’intervention d’un père franciscain nomme Père Marco qui écrivit une lettre afin de dénoncer cette mystification, que la communauté juive échappa au massacre annoncé.
Une grande partie de la communauté juive de Padoue décida à la suite de ces événements d’émigrer sous d’autres cieux plus cléments. Certains arrivèrent en Corse, et les habitants les nommèrent Padovani, ce qui signifie : venu de Padoue. Le nom de famille Padovani est un nom très répandu de nos jours en Corse.
Les Rois de France expulsent les Juifs, les Corses les invitent pour régénérer l’île
Mais la plus importante vague d’immigration juive qu’ait connue la Corse se situe entre les années 1750 et 1769.
La première république constitutionnelle et démocratique d’Europe venant de naître, le leader de l’époque Pascal Paoli fit venir en Corse entre 5000 et 10000 Juifs du nord de l’Italie, (les chiffres varient selon les sources) de Milan, de Turin ainsi que de Gènes pour revitaliser l’île suite à 400 ans d’occupation génoise.
Afin de les rassurer sur leur intégration et sur la volonté du peuple corse de les considérer comme leurs égaux, ce même Paoli fit une déclaration destinée aux nouveaux venus : « Les Juifs ont les mêmes droits que les Corses puisqu’ils partagent le même sort ».
Cela fit comprendre aux Juifs qu’ils étaient des citoyens à part entière et qu’ils bénéficiaient d’une totale liberté de culte, ce qui n’était pas le cas dans bon nombre de pays.
Ces immigrants portaient pour la plupart des noms à consonance ashkénaze, qui étaient très difficilement prononçables par la population locale. Une partie d’entre eux étant roux, ils se virent affubles du surnom de Rossu qui signifie rouge et désigne les rouquins ce qui donne au pluriel Rossi, nom extrêmement répandu en Corse.
En réalité, c’est plus de 25% de la population corse qui aurait des origines juives. En lisant les états civils, on peut facilement s’en rendre compte : les noms tels que Giacobbi, Zuccarelli, Costantini, Simeoni… très communs dans l’ile de Beauté, ne laissent planer aucun doute quant à leur origine.
Le nombre peu important des membres de la communauté juive, ajoute au fait que les Corses n’ont fait aucune différence entre les originaires de l’île et ces nouveaux venus, est très certainement à l’origine d’un grand nombre de mariages mixtes qui déclenchèrent une assimilation quasi-totale.
Malgré cela, les signes sur l’île de beauté d’une ancienne présence juive y sont très nombreux ; un exemple probant en est le nom d’un village Cazalabriva qui selon plusieurs sources concordantes viendrait de: casa di l’ebreo, littéralement la maison de l’hébreu (le mot juif n’existant pas en Corse). Ou bien encore, de nos jours dans certaines régions, il subsiste une tradition très ancienne de donner aux nouveau-nés des prénoms d’origine hébraïque tel que Mouse (Moise).
Quand la Première Guerre mondiale éclate, la Syrie et la Palestine, deviennent un enjeux entre puissances occidentales : Ottomans alliés aux Allemands contre Français, Anglais et leurs alliés arabes de l’autre. Il faut choisir entre être Turcs ou rester marocains alors sous protectorat français. A l’été 1915, 740 juifs marocains et Algériens (colonie française) sont évacués par les Américains mandatés par des juifs sionistes et philanthropes américains. A nouveau la valise.
Ils laissent tout sur place et sont parqués par les Turcs dans les ports de Beyrouth et Jaffa pour être expulsés. Des bateaux américains les embarquent à Jaffa (-voir ci dessous)
On erre en Méditerranée à la recherche d’un lieu où débarquer. L’Egypte, Chypre, refusent ces loqueteux. La Canée en Crète les accepte, un immense camp de réfugiés pour 6 mois. Le papa de Guy et Benny Sabbagh à deux ans et demi. Leur grand-père Tolédano est scandalisé… les juifs en grand habit oriental jusqu’aux pieds se baissent devant tout le monde, embrassent les mains… un Tolédano, un prince de Meknès dont la famille est partie en 1870 de la ville la plus religieuse du Maroc ne se comporte pas ainsi !
Le délégué de l’Alliance venu de Salonique fustige leurs « accoutrements ». Il demande que tout le monde s’habille à l’occidentale avec costume et chapeau. Il donne même des primes aux tailleurs pour ce faire ! On se cotise et on achète du tissu et les tailleurs du camp découpent de beaux habits comme à Paris.
Mais en septembre 1915 les autorités grecques décident de supprimer l’autorisation de résidence des citoyens ou protégés français en Crète. Adieu la Crète !
Ajaccio
Heureusement D.ieu veille et l’Alliance israélite universelle le précède ! Où caser tous ces immigrés « français »? Mais bien sûr ! Dans la Corse qui se dépeuple ! Direction Ajaccio. La marine française les débarque à Ajaccio. Il y a là aussi quelques serbes (photo)
Des réfugiés ? Des pourchassés ? La solidarité Corse s’organise comme un seul homme. Les dames du monde ajaccien (photo ci dessous) autour de Mme Henry, l’épouse du préfet rivalisent pour aider ces miséreux. Un grand élan populaire vient au secours de ces 740 démunis, des « Syriens », qui ne parlent que l’arabe et l’hébreu. Elles se dévouent, cousent des habits pour eux (photo, remarquez l’habit oriental à gauche). Fait marquant : on peut lire sur les bulletin de paie des instituteurs que ceux-ci ont versé une partie de celle-ci pour payer le tissus qui permet de réaliser des habits européens pour les « syriens » !
Enfants réfugiés juifs à Ajaccio en 1916
Une cinquantaine de familles, 180 personnes, sont transférées à Bastia en février 1916.L’île est très pauvre mais la foule accueille de manière enthousiaste les « réfugiés syriens » ! Celui qui ne connait pas la générosité corse n’a jamais rencontré un homme !
Après la première guerre mondiale, la paix retrouvée, en 1920, une partie de la communauté repart en Eretz Israël. Mais là bas c’est la misère, certains reviennent en Corse.
Certains juifs de Bastia ou de la liste d’arrivée en Corse à Ajaccio, comme les corses de la diaspora, auront bientôt des noms réputés. Ainsi Moïse Jacob Toledano (44 ans, voir 5 ème ligne sur la liste ci-dessous) qui s’occupe des études juives à Ajaccio et qui vit en Corse jusqu’en 1920. Il deviendra Ministre des Affaires Religieuses dans le gouvernement Ben-Gourion de 1958 à sa mort en 1960, pars avoir été le rabbin en chef à Tanger en 1926 puis Dayan d’Alexandrie en Egypte, voyageant en Syrie et en Irak à la recherche d’anciens manuscrits. Léon Tolédano le frère du rabbin Tolédano, lui, deviendra milliardaire en dollars ! après avoir construit le quartier Toldéano à Bastia il va devenir milliardaire au Mexique et aux Etats-Unis… il construit la moitié de la Nouvelle Orléans… puis en Israël.
Durant la Seconde guerre mondiale, alors que la Corse était occupée par les fascistes italiens, les habitants de l’île se mobilisèrent pour aider les Juifs à se cacher. Avec les moyens du bord, ils aidèrent hommes, femmes et enfants à se réfugier dans les villages de montagne.
Un haut fonctionnaire français accomplit un travail admirable et, au mépris de sa vie, sauva à lui seul, plusieurs dizaines de Juifs. Il s’agit du sous préfet de Sartène Pierre-Joseph Jean Jacques Ravail. Il travaillait avec le réseau mis en place par les partisans de Paul Giacobbi, grand père de l’actuel préfet de Haute-Corse qui refusait d’opter pour la voie de la collaboration.
La Corse a eu une attitude plus qu’honorable envers les Juifs persécutés. En effet, c’est le seul endroit en Europe ou l’on n’eut jamais à déplorer des actes antisémites. Cependant la réalité est à nuancer: La Corse île Juste ? Un excês d’honneur selon Yad Vashem
En 1947, la Corse apporta sa contribution à la création de l’Etat d’Israël. Des Corses d’alors décidèrent de secourir les combattants juifs luttant pour leur indépendance et pour former leur Etat. Leur mission: accueillir des avions qui vont être bourrés d’armes pour s’envoler vers des lieux gardés par la Haganah. Ajaccio est alors choisie comme piste d’atterrissage.
Il ne faut pas oublier de souligner qu’hormis toutes les vagues d’immigration juive qu’ait pu connaitre la Corse, des individus isolés sont venus s’y installer, provenant notamment des communautés juives d’Afrique du nord
De nos jours, la communauté juive de l’île, très peu nombreuse, se concentre essentiellement à Bastia. Son président Mr Ninio, natif de Tibériade, ouvre deux fois dans l’année la synagogue qui possède deux Rouleaux de la Torah en parfait état: pour Roch Hachana, le jour de l’an Juif et Yom Kipour.
Les jeunes, pour la plupart, quittent l’ile pour aller étudier sur le continent et bien souvent ils y rencontrent leur moitié et s’y installent définitivement. Il existe en Corse de très nombreuses personnes soutenant l’Etat d’Israël dans la période difficile qu’il traverse actuellement
. Parmi ces amis d’Israël, certains sont allés jusqu’à écrire des missives au président français Jaques Chirac, à la Haute Cour internationale de La Haye ainsi qu’aux médias français, afin de dénoncer la politique européenne et française, en particulier, toujours pro palestinienne.
Ce soutien inconditionnel s’explique en partie par le fait que beaucoup de corses ont le sentiment qu’il y a un gouffre entre ce qui se passe réellement et ce qui se dit dans les médias Français au sujet de ces deux communautés.
En Corse, la petite communauté juive, estimée à moins d’une centaine de personnes, ne ressent pas cette insécurité qui pourrait la pousser à quitter l’île.
Debora Bardini, ajaccienne de confession israélite; Daniel Bueno, bastiais de confession israélite; Nicolas Antonelli, président de l’association Corse-Israël. EQUIPE: Caroline Ferrer, Thierry Guespin, Dominique Lameta
« On vit en Corse, on est bien (…) Chacun pratique son culte personnellement, il n’y a pas besoin de l’étaler dans la rue », explique Debora Bardini, ajaccienne de confession israélite. « Si un jour je me sens en danger, (…) et j’espère que cela n’arrivera jamais, je partirais là-bas », ajoute-t-elle.
Cette émigration vers Israël est très marginale en Corse. « Les derniers qui sont partis sont des retraités », explique Daniel Bueno, bastiais de confession israélite. « Ils veulent y vivre pour retrouver leurs parents, leurs amis, mais ils n’avaient aucune raison de partir ».
« Je pense qu’en Corse, ce sont des démarches plus ou moins individuelles. Il n’y a pas pour l’instant, grâce à Dieu, de menaces qui visent la communauté juive », ajoute Nicolas Antonelli, président de l’association Corse Israël.
L’association Corse Israël, œuvre depuis une dizaine d’années pour le développement des relations entre la Corse et l’état d’Israël avec notamment la mise en place de jumelage entre les villes.
Une très bonne nouvelle, en septembre aura lieu à Bastia une exposition créée par le Centre Edmond Fleg à Marseille, et plus exactement par Martine Yana et ses équipes, sur les :
« Juifs réfugiés en Corse pendant la Première Guerre mondiale »
La Mairie de Bastia, en la personne de M. de Philippe PERETTI, adjoint au Maire, Délégué à la valorisation du Patrimoine , a donné son accord pour cette exposition, qui retrace une partie de l’histoire de l’île et de Bastia où la communauté juive est encore présente. La communauté israélite de Bastia et des juifs de la « diaspora » corse (Guy et Benny Sabbagh) participent à cette exposition. La Maison de la Corse à Marseille a donné un sérieux coup de main.
Cette exposition montre, s’il le fallait, les liens profonds entre les peuples Corse et Juif. Comment, en 1915, sont arrivée à Ajaccio 740 juifs syriens, vêtus à l’oriental, dont une partie a rejoint Bastia. Ces « syriens » juifs en fuite, chassés par les Turcs en Terre d’Israël à Tibériade, expulsés par les grecs de la Canée en Crète où ils avaient trouvé refuge au bout de 6 mois , ont été accueillis avec sollicitude par les Corse à Ajaccio puis à Bastia.
On remarque d’émouvants témoignages de la solidarité et de l’hospitalité corse qui n’ont rien de « légendaires ». Comme ces fiches de paie des instituteurs d’Ajaccio qui ont pris sur leurs salaires pour vêtir des enfants, des femmes et des hommes. Ces femmes et ces hommes ont immédiatement créé une école pour les enfants (photo), appris la langue Corse en plus du judéo-arabe et de l’hébreu !… En un an ils s’étaient tous trouvé un travail, et se sont fondus dans la population. Juifs et Corses à la fois.
Tout cela n’était que la préfiguration du fait bien connu que la Corse, pendant la seconde guerre mondiale et c’est le seul département français à avoir agi ainsi, de concert avec le peuple, le préfet de l’époque et les autorités de l’île ont désobéi aux ordres venus de Vichy… et n’ont pas « donné » les juifs promis aux camps, aux nazis. Les « syriens » en vadrouille en méditerranée… étaient alors devenus des « touristes » munis de vrais faux-papiers !
La femme du préfet et les dames de la société ajaccienne offrant des habits aux réfugiés « syriens », à gauche un rabbin en habit oriental
L’Exposition est prévue au Péristyle du Théâtre municipal. La Soirée d’inauguration aura lieu en septembre à Bastia -horaire à venir.
Saluti fraterni.
Dossier réalisé par Joël Haï GUEDJ JForum
Née en Tunisie alors sous protectorat français et devenue une parisienne de longue date je ne connaissais pas la Corse ni ses habitants. C’est chose faite actuellement puisque mon gendre est corse pour le bonheur de ma fille et le mien. Les Corses sont authentiques et ne connaissent pas l’antisémitisme, contrairement au membres des gouvernements français successifs très pro-arabes qui n’ont pas retenu les leçons du passé et à 70% de la population française, arabo-musulmans non compris.
J’aimerais connaître les sources de l’information selon laquelle 5000 à 10000 (du simple au double !) juifs auraient été accueillis en Corse à l’initiative de P. Paoli : je n’ai jamais trouvé cette information dan aucun livre sur l’histoire de la Corse …