Journaliste phare de la chaine d’information I24 news, Valérie Perez possède une solide expérience dans le journalisme sportif, surtout concernant le football: présentatrice de ”Foot 3”, puis chroniqueuse pour ”Stade 2”, elle a animé les avants matchs de l’Euro de Football et a travaillé aussi pour OL Télé avant de présenter le Journal des Sports sur I Télé. Elle a grandi dans les stades et ce sport garde une place privilégiée dans son cœur jusqu’à aujourd’hui.
Elle décrypte pour nous l’enthousiasme que suscite la Coupe du Monde de football et nous donne son pronostic.
Le P’tit Hebdo: Pourquoi la Coupe du Monde de football intéresse autant de monde, bien plus que d’autres championnats du monde dans d’autres sports?
Valérie Perez: C’est un événement qui revient tous les quatre ans et qui se déroule à chaque fois dans un pays différent. Il y a déjà toute l’effervescence du choix du pays hôte et les préparatifs sont importants. Mais surtout, je pense que le foot est beaucoup plus populaire que d’autres sports, tout simplement. Les règles sont simples et le jeu est très fédérateur. Le foot a ceci d’exceptionnel, que l’on peut très bien voir une petite équipe l’emporter face à une grande équipe.
Et puis, le foot traverse les frontières et les générations. Derrière ce sport, on trouve le patriotisme, l’identification aux joueurs porteurs d’espoir et modèles pour les plus jeunes. Il n’y a qu’à voir tous ces enfants qui portent fièrement les maillots de Messi ou de Ronaldo. Quel autre sport alimente les conversations des enfants entre eux et avec leurs parents, depuis tout petit ? Le foot réunit les populations au sens large, mais les familles aussi: beaucoup d’échanges naissent d’un match à commenter ou d’un pronostic à donner.
Voilà pourquoi, la Coupe du Monde est un événement planétaire et sur lequel tout le monde a, au minimum, quelque chose à dire. Dans la plupart des cas, c’est une période au cours de laquelle, on vibre avec les stades où que l’on se trouve.
Lph: En effet, même en Israël, la Coupe du Monde est un événement, alors que l’équipe nationale n’y participe pas!
V.P.: Israël est un pays de foot. Le climat, l’esprit, tout est au rendez-vous. On sent bien la ferveur pendant la Coupe du Monde, avec les écrans géants, les diffusions des matchs un peu partout. Je pense que les Israéliens, peut-être encore plus que les autres, ont besoin de ces moments d’évasion, de ce spectacle que prodigue un match de foot, pour se libérer, sortir de leur quotidien. Le temps d’un match de foot tout s’arrête.
Lph: Pourtant, le monde du foot a parfois mauvaise presse, notamment parce qu’il est associé à l’argent. Les sommes colossales qui sont dépensées, les salaires mirobolants, la starification des joueurs, …, tout cela nuit-il à ce tableau que vous venez de nous décrire?
V.P.: Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’argent gâche le sport. Aujourd’hui un joueur de foot peut être comparé à une œuvre d’art. Certaines personnes sont prêtes à débourser des millions pour un tableau, dans ce cas c’est pour un joueur. C’est l’époque que nous vivons. Les clubs de foot sont de plus en plus riches et pour autant certains sont en grande détresse financière. Le sport a un prix, il faut avoir les moyens de survivre. Par ailleurs, on oublie de dire que souvent ces clubs très riches ont aussi des fondations caritatives.
Le salaire des footballeurs est peut-être élevé mais c’est mérité. Une carrière de sportif est très courte, elle dure au maximum 10 ans et il y en a peu qui se recycle en entraineur ou consultant. Les autres doivent vivre ensuite sur leurs acquis financiers pendant leur carrière. Il est vrai que cet argent peut monter à la tête des plus jeunes et des moins préparés. Mais les clubs font un véritable travail sur ce plan et aide leurs joueurs à gérer leur patrimoine, en pensant au lendemain de la carrière de joueur.
Personnellement, je refuse de me gâcher ma passion et mes émotions sous prétexte que le foot est un monde d’argent.
Lph: Il semblerait aussi que le football ne puisse échapper à la politique. L’exemple de l’annulation du match à Jérusalem par l’équipe argentine en est une preuve. Est-ce utopique de vouloir que le sport et la politique ne soient pas mêlés?
V.P.: De mon point de vue, la politique ne devrait pas rentrer sur un terrain de foot. La décision des Argentins ne m’a vraiment surprise compte-tenu de la désinformation autour de ce qui se passe ici. C’est vraiment dommage. Jérusalem est la capitale d’Israël, que l’on veuille le reconnaitre ou non!
Je me souviens de la dernière visite de Messi au Mur des Lamentations, il y a deux ans. Il avait glissé un mot entre les pierres du Kotel et lorsqu’il est parti, des enfants religieux s’était précipité et avait commencé à enlever tous les papiers du mur: ils voulaient trouver celui de Messi pour lire ce qu’il avait écrit!
Lorsqu’un joueur comme l’Egyptien Mohamed Salah a refusé, il y a quelques années, de serrer la main à des joueurs israéliens, il aurait du tout simplement ne pas avoir le droit de jouer. On ne mélange pas la politique et le sport. J’invite à revenir aux paroles du Baron de Coubertin: le sport ne fait pas de différence entre les races et n’entre pas dans des considérations politiques.
Bien entendu, les joueurs représentent la fierté nationale, mais cela ne suppose pas d’y associer des idéologies politiques.
Lph: D’après vous les Israéliens ont-ils raison de se rendre dans des compétitions où on les empêche de porter leur drapeau et où l’Hatikva n’est pas jouée?
V.P.: Ces situations sont inadmissibles. Malheureusement, elles durent depuis longtemps. Si Israël a autant de mal à se qualifier pour les grandes compétitions c’est parce qu’il joue dans le groupe Europe avec les grandes équipes, puisqu’il est rejeté des groupes avec les pays arabes. Cela ne devrait pas exister. Maintenant, dans ce contexte, oui, je pense que les Israéliens ont raison de participer quand même à ces compétitions. De cette façon, on en parle et un jour on verra le drapeau israélien et on entendra notre hymne même dans ces endroits.
Lph: Comment trouvez-vous cette Coupe du Monde? On a déjà eu quelques surprises!
V.P.: Le foot réserve beaucoup d’émotions et de surprises! Les sensations sont incroyables. Cela peut paraitre étrange mais quand on a vécu un match dans un stade, on comprend que les gens soient accrocs. Il y règne une joie communicative, il n’y a qu’à voir l’engouement que suscitent les victoires, dans les rues.
Pour ma part, j’ai grandi dans les stades, mon père m’y emmenait tout le temps. J’avais plutôt envie de faire autre chose, au départ. Puis j’ai compris toute l’énergie, toute l’émotion que le foot véhicule et j’en ai fait mon métier. On a tendance à dire que c’est un sport de ”beauf” mais pas du tout. Le foot est une culture, un art: il rassemble et crée des émotions que l’on aime partager. C’est ce que l’on voit pendant tout le mois que dure le Mondial.
Lph: Pourrait-on voir une équipe inattendue remporter la Coupe?
V.P.: C’est vrai que l’on a des surprises, mais globalement, la Coupe du Monde reste une compétition très professionnelle. On peut assister à des sursauts, à un match particulièrement inattendu. Mais c’est sur la durée que se gagne une Coupe du Monde. La Reine des compétitions ne laisse leur chance qu’aux grosses équipes.
Lph: La France a-t-elle une chance de l’emporter?
V.P.: Je l’espère. L’équipe est composée de belles personnes, il y règne un esprit collectif et Didier Deschamps fait un très bon travail. Il a dû ramasser les morceaux et reconstituer une équipe, il a relevé le défi. Je dirais qu’il manque le côté artistique des Bleus de 98 mais les ingrédients sont là: regardez la victoire contre l’Argentine! Elle a fait taire les critiques qu’on entendait pendant les matchs de poule. A quoi bon critiquer une équipe que l’on supporte? En 98, personne ne pariait sur eux non plus. Nous sommes là pour supporter, rêver, pas pour critiquer.
Lph: C’est votre pronostic: la France, championne du monde?
V.P.: C’est celui que je souhaite. Ceci dit, je pense que le Brésil a de très bonnes chances aussi de le devenir…
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay