En cette période de Pessah où la transmission et l’apprentissage sont à l’honneur encore plus que pendant le reste de l’année, nous vous proposons une rencontre avec un des Rabbanim qui incarne le mieux ces valeurs: le Rav Adin Even-Israël Steinsaltz. L’œuvre du Rav Steinsaltz est considérable: tant par ses ouvrages que par ses cours, il a su mettre à la portée de tous le savoir juif et rapprocher un nombre considérable de personnes de la tradition et surtout de nos sources.
Nous avons pu l’interroger à l’occasion de la sortie en français de son dernier ouvrage, ”Laisse mon peuple apprendre”, paru aux Editions du Cerf.
Comme on le sait, il y a un peu plus d’un an, le Rav Adin Éven-Israël Steinsaltz a été l’objet d’une attaque cérébrale. Grâce à D-ieu, il s’en est progressivement remis et a conservé toutes ses capacités intellectuelles. Bien que l’usage complet de la parole lui soit encore difficile, il se rend à son bureau chaque jour, relisant en particulier les épreuves de son commentaire magistral de la Bible qui vient d’être achevé et il continue de rencontrer ses élèves, notamment à la yéchiva de Tékoa. Cet entretien a pu être réalisé grâce à l’aide de Michel Allouche à Jérusalem, son fidèle traducteur, notamment de ce dernier livre.
Le P’tit Hebdo: Le titre de l’ouvrage fait écho à la phrase prononcée par Moshé à l’attention de Pharaon. A qui cette injonction du titre s’adresse-t-elle?
Rav Adin Even Israël Steinsaltz: Le livre s’adresse à chaque Juif, lointain ou proche, quel qu’il soit et quel que soit son degré d’attachement au Judaïsme. Comme je le rappelle dans l’un de chapitres du livre, ce trésor que constitue la Torah n’est pas moins que l’héritage de tout Israël. Personne n’a le droit de garder ce trésor pour lui tout seul. C’est pourquoi ce patrimoine doit être transmis et partagé, même avec ceux qui n’ont pas la moindre notion de son existence.
Lph: Cet ouvrage est un recueil de textes et de discours du Rav. Comment ont-ils été choisis, suivant quel fil conducteur et pour quels objectifs?
Rav A.S.: En effet, cet ouvrage est un recueil de différents textes divisé en trois parties, tous choisis d’un commun accord avec mon ami Michel Allouche qui les a traduits et adaptés.
La première partie s’appuie sur un ensemble de discours et de textes, parfois plus personnels, où je présente le but de mon enseignement, voire mes prises de position sur un certain nombre de sujets d’actualité. Sur l’un d’entre eux, je raconte mon expérience autour de l’écriture de mon dernier ouvrage, Mon maître, le Rabbi, et de l’histoire de mes relations personnelles avec le Rabbi de Loubavitch, qui fut mon guide spirituel.
La deuxième partie propose une brève réflexion sur le Chabbat et les fêtes juives qui jalonnent l’année, en vue d’une meilleure préparation spirituelle.
La troisième partie, osé-je espérer, se veut un encouragement, notamment au travers d’une transcription de cours que j’ai pu donner, à étudier la Torah dans tous ses domaines, la Bible elle-même, le Talmud ou la ‘hassidout.
Lph: Le Rav évoque les textes sacrés, mais aussi son point de vue sur le monde rabbinique ou encore sur des questions de politique. ”Apprendre” de la bouche d’un Rav recouvrerait donc tous les domaines et non uniquement ceux en rapport direct avec la religion?
Rav A.S.: Comme j’ai pu le souligner dans un autre ouvrage (Introduction à l’esprit des fêtes juives paru chez Albin Michel), ceux qui veulent à tout prix faire entrer la Torah dans le cadre d’une « religion » – qu’ils la renient ou qu’ils la respectent – en détruisent l’essence pour la transformer en quelque chose de complètement différent. Ils en font une religion parmi tant d’autres. Une telle conception « emprisonne » la Torah au sein d’un domaine bien délimité; pis encore, c’est comme si on la dévitalisait complètement. Être juif, c’est construire sa vie selon un mode tout particulier, dans lequel tout est Torah. Le rôle d’un Rav, au vrai sens du terme, est donc d’aider chaque Juif dans une telle direction et c’est pourquoi il doit pouvoir s’exprimer dans tous les domaines de la vie.
Lph: Ce livre est-il une sorte de synthèse de la mission de transmission et de mise à la portée de tous de nos textes du Rav, ou plutôt un plan de route pour la suite?
Rav A.S.: Peut-être tout cela à la fois. En vérité, au fond, ce que je recherche avant tout, c’est que ce livre, comme tous les autres, puisse avoir un impact sur le lecteur : lorsque cela se produit, c’est là, en fait, le meilleur compliment dont je puisse être gratifié. Mon rêve est de toucher un nombre de plus en plus grand d’individus afin de les contaminer de ma soif, non seulement à partager les trésors de connaissance du Judaïsme mais aussi à ranimer la flamme qui se trouve enfouie au tréfonds de chaque Juif.
Refoua Shlema au Rav Adin ben Rivka Léa
Le livre Laisse mon peuple apprendre, qualifié par ailleurs d’« autobiographie intellectuelle du Rav » au travers d’une excellente critique du site Akadem, peut être commandé sur Internet et se trouve dans les librairies francophones d’Israël en particulier Vice-Versa à Jérusalem.