Alors que nos enfants devraient grandir dans un environnement qui les aime, les protège et les aide à se développer, il arrive qu’ils soient en danger au sein même de leur foyer, de leur école ou de leur entourage. Les chiffres sont effrayants, les agressions, notamment sexuelles, sur les jeunes enfants et les adolescents sont en augmentation.
Cette situation insoutenable est prise très au sérieux par un certain nombre d’acteurs, dont l’association Tahel qui s’est fixée comme objectif de venir en aide aux victimes d’agression et de prévenir ces événements traumatisants. LPH s’est entretenu avec Debbie Gross, la directrice de Tahel.
Une réalité qu’il faut regarder en face
Les victimes de violences ou d’agressions sexuelles sont en majorité les jeunes enfants et les femmes, mais les garçons adolescents ou même les hommes, le sont aussi.
Concernant les enfants et les adolescents, la plupart du temps, l’agresseur sera une personne de leur entourage et ils auront du mal à en parler, à partager leur souffrance.
Debbie Gross nous explique que les agressions sexuelles sur les enfants sont en augmentation.
Les chiffres ne témoignent-ils pas juste que le sujet est moins tabou, qu’il y a plus de plaintes déposées, mais pas forcément une augmentation des agressions? “En effet, on observe que les victimes portent plainte plus facilement, mais parallèlement, le nombre d’agressions augmentent aussi”.
Si les jeunes enfants sont plus vulnérables face à ces agressions, Debbie pointe le fait que les adolescentes demeurent des proies idéales mais pas seulement: ”nous faisons face aussi à des actes de harcèlement ou d’agressions qui visent des garçons entre 13 et 18 ans”. Et il est vrai, que dans certains milieux, où les sujets concernant le corps sont considérés comme tabous, alors les agressions sont moins facilement mises en lumière, ce qui laisse aux agresseurs plus de champ d’action.
Ecouter, orienter, accompagner
En 1993, lorsque Tahel est créée, elle avait pour but de venir en aide aux femmes et aux enfants en détresse, dans les milieux religieux. Au fil des années, différents programmes ont été développés afin de réponse aux situations de violence, d’agressions sexuelles et même de terrorisme qui s’adressent à toutes les populations.
Debbie Gross nous décline les moyens mis en œuvre dans ce but: ”Nous devons agir sur plusieurs tableaux: écoute, orientation, accompagnement”. Ainsi, Tahel, c’est d’abord une ligne téléphonique d’urgence qui fonctionne 7 jours sur 7 et 24h sur 24. Au bout du fil, des femmes, bénévoles, qui ont suivi une formation très pointilleuse. ”Pendant une année, nous formons nos opératrices qui deviennent des expertes et savent comment écouter, répondre et apporter les solutions les plus urgentes. Lorsque cela est nécessaire, un rendez-vous sera pris entre les professionnels de Tahel et la victime”. Toutes ces démarches se font dans l’anonymat, par souci de respect des victimes et pour leur permettre de libérer au maximum leur parole.
En effet, parler, dénoncer, est un acte, qui, il y a encore peu de temps, était quasiment impensable pour ces victimes. Le facteur religieux était d’ailleurs une circonstance aggravante, comme nous le fait remarquer Debbie: ”Dans les milieux religieux, les victimes sont inquiètes de la façon dont leur témoignage sera pris”. Elle se félicite que la prise de conscience de la gravité de ces phénomènes soient plus importante et entraine donc une augmentation du nombre de plaintes.
”C’est le second volet de notre action: aider, accompagner et encourager les victimes dans le processus judiciaire”. C’est l’étape suivante et elle est fondamentale. Beaucoup de victimes craignent encore de se lancer sur ce parcours du combattant. “Chez Tahel, nos professionnels prennent le temps d’écouter les victimes, de leur expliquer le processus et surtout son importance. Puis elles sont accompagnées jusqu’au bout de la démarche et même après”.
Pourquoi est-ce si important de se lancer dans un processus judiciaire? ”C’est d’abord crucial pour la victime. En portant plainte, elle prend le contrôle de la situation. Par ailleurs, il est insupportable pour nous tous, mais surtout pour ces victimes de voir leur agresseur se promener librement et, dans de nombreux cas, s’en prendre à d’autres femmes ou d’autres enfants. Une plainte, un processus juridique permet de mettre cette personne hors d’état de nuire”.
Bien entendu, parallèlement à toutes ces démarches administratives et juridiques, les bénévoles de Tahel sont présentes pour les victimes, que ce soit pour les soins médicaux ou psychologiques.
Prévenir, former les adultes qui protègeront les enfants
Si la phase de jugement et de punition de l’agresseur est primordiale; si les soins prodigués aux victimes peuvent leur permettre, un jour, de reprendre une vie normale, l’idéal demeure la prévention de ces agressions.
Comment détecter que l’on se trouve dans une situation dangereuse? Afin de se protéger soi-même et d’aider nos enfants à ne pas être pris au piège, il convient de savoir un certain nombre d’éléments, que Tahel s’évertue à transmettre au plus grand nombre. ”Au sein de notre association, nous organisons de nombreux ateliers pour les enfants, les femmes et les adultes en charge de la jeunesse. Nous aidons les enfants et les adolescents à acquérir les outils nécessaires pour se protéger face à des situations de danger. Les parents aussi doivent recevoir une formation. Apprendre que son enfant a été victime d’une agression est très dure à encaisser. Afin de pouvoir l’aider au mieux, les parents doivent aussi prendre conseil auprès de professionnels. Pour réduire au maximum ces risques, parlez avec vos enfants, informez les des dangers qui les entourent. N’hésitez pas à faire preuve d’autorité, en leur interdisant l’accès à certains contenus sur internet. Les réseaux sociaux sont sources de risques importants pour nos enfants”.
Ne risque-t-on pas créer des angoisses chez nos enfants? “Quand vous apprenez à votre enfant à traverser la route, vous lui expliquez qu’il faut bien regarder avant. Aura-t-il pour autant peur de se promener parce que vous l’avez averti des dangers que cela peut représenter? Par ces discussions, nous n’apprenons pas à nos enfants à avoir peur, au contraire, nous leur permettons d’être plus sûrs d’eux-mêmes et de savoir se prémunir et se défendre”. Bien sûr, le risque zéro n’existe pas, mais nous avons la possibilité de s’en rapprocher.
Tahel, par ses ateliers, ses documents écrits et vidéos, offre des supports très importants pour mener à bien cette mission.
Et cela ne s’arrête pas là. Pour cette association, la formation des enseignants, mais aussi des avocats, médecins, personnel de santé, des Rabbanim, de leurs épouses et des femmes qui s’occupent des mikvés (balaniot) est une mission fondamentale. “Nous donnons des cours dans tout le pays et aussi à l’étranger. Je me rends régulièrement à Paris, à Gateshead, à Londres ou aux Etats-Unis”, nous précise Debbie, ”notre association possède du personnel francophone capable d’aider des victimes qui ne parlent pas l’hébreu et de former aussi les cadres de la société francophone”.
Tahel aide aussi les écoles et autres institutions à mettre au point des règlements intérieurs qui prennent en compte les phénomènes d’agressions et intervient au sein de ces établissements lorsque cela est nécessaire.
Comment participer à votre action? “A part les dons qui nous font vivre à 80%, nous invitons toutes celles qui le souhaitent à devenir bénévoles dans notre association, soit en suivant la formation pour être opératrice au téléphone, soit pour accompagner les victimes. Par ailleurs, nous ne demandons qu’à être sollicités par les responsables communautaires et associatifs francophones afin de leur transmettre les formations nécessaires pour traiter au mieux ces sujets”.
”L’une des meilleures façons d’aider les victimes et d’empêcher qu’il y en ait d’autres est d’augmenter la prise de conscience de ces phénomènes”, martèle Debbie. Le travail de Tahel est fondamental pour construire une société plus saine et un monde plus sûr pour tous, mais surtout pour nos enfants.
Pour aller plus loin:
Ligne d’urgence: 02-6730002 Tél bureau: 02-6726847
Guitel Ben-Ishay