Lors d’interviews de personnalités diverses, ce ne souvent pas ces dernières qui sont responsables de la qualité de l’interview mais c’est le professionnalisme des journalistes qui leur posent des questions. Il y a aujourd’hui une nouvelle génération de journalistes qui ne font pas de cadeaux à ceux qui appartiennent à un camp politique bien précis jusqu’ici entouré de la bienveillance médiatique. Et lorsqu’ils son mis au pied du mur, les réponses sont souvent éloquentes.
C’est le cas par exemple de l’ancien juge à la Cour suprême Eliyahou Matza qui était interviewé sur Reshet Bet et qui a passé sous les fourches caudines de Kalman Liebeskind et Assaf Lieberman.
Cette interview a confirmé ce qu’une majorité d’Israéliens savent ou ressentent, à savoir que l’organe suprême du système judiciaire n’est pas du tout le dernier rempart de la démocratie mais une institution arrogante et condescendante qui s’est arrogée un pouvoir illégitime et statue généralement en fonction de positions idéologiques bien précises. Lorsqu’on lit les réponses fournies par l’ancien magistrat, on ne peut que soutenir encore davantage l’action de la ministre de la Justice de réformer cette institution.
En voici un résumé:
Question d’Assaf Lieberman: « La population du pays conteste de plus en plus le droit que s’est arrogé de la Cour suprême d’invalider des lois votées par la Knesset…
Eliyahou Matza: « Tout cela vient du fait que la population ne comprend pas ce qui se passe ».
Assaf Lieberman: « Si je comprends bien, la population ne comprend rien du tout…
(La réponse du juge est de même nature que la réflexion souvent entendue qui consiste à dire que le peuple est bête et qu’il se trompe parce qu’il vote systématiquement à droite depuis des années).
(…)
Kalman Liebeskind: « Pourquoi lorsque la Knesset, qui représente le peuple, veut voter une loi qui déplait à l’opposition, on crie à l’assassinat de la démocratie, mais lorsque la Cour suprême, composée de juges non-élus par le peuple, invalide une loi, parfois par deux juges contre un, on dit que c’est la démocratie dans toute sa grandeur?
Eliyahou Matza: « Vous ne comprenez donc pas qu’il y a des minorités dans la population? Vous ne comprenez pas que la Knesset peut parfois voter des lois brutales? Qu’une loi peut porter atteinte aux droits de l’homme? »
Kalman Liebeskind: « L’une des lois qui a le plus porté atteinte aux droits de l’homme fut celle adoptée par la Knesset qui permit à un Premier ministre (Ariel Sharon) d’ordonner que les bulldozers viennent détruire 21 villages et que l’armée vienne expulser près de dix-mille Juifs qui n’avaient commis aucune infraction. Et à l’époque, la Cour suprême, protectrice des droits de l’homme et des minorités, s’est assise avec le Premier ministre dans un bulldozer. Quelle défense ont eu ces dix-mille Juifs de la part de la Cour suprême?? Ce fut un piétinement magistral des droits de l’homme! »
Eliyahou Matza: « Ecoutez, dans le cas cité, il s’agissait d’un acte politique, et une majorité de la population soutenait la décision d’Ariel Sharon de se désengager du Goush Katif. »
Assaf Lieberman (visiblement surpris): « J’avoue que je suis stupéfait d’entendre de votre bouche cet argument selon lequel la Cour suprême aurait soutenu la décision du gouvernement parce qu’une majorité de la population aurait soutenu cette démarche (…) Alors selon cette logique, sur la question des clandestins d’Afrique, la Cour suprême aurait dû soutenir les décisions du gouvernement, car une majorité de la population est en faveur de l’expulsion de ceux qui ne sont pas des réfugiés…
Eliyahou Matza: « Non, car dans le cas des travailleurs clandestins, il s’agit du respect des droits humains. Nous prenons en compte les droits individuels et les préjudices de chacun d’eux…
Kalman Liebeskind: « Et les droits individuels de chacun des dix-mille Juifs expulsés et dont la maison a été détruite alors qu’ils n’avaient rien commis d’illégal? Il est difficile de parler de la Cour suprême comme protectrice des droits de l’homme dans ce cas…
Eliyahou Matza: « Je reconnais qu’à l’époque nous n’avions pas pris en compte la situation individuelle de chacun…
Les conclusions de cette interview sont les suivantes:
- Les juges de la Cour suprême ont parfois une opinion très méprisante de la population, considérée comme une masse qui ne comprend rien et qu’il faut éduquer.
- Les décisions de la Cour suprême ne sont pas uniquement basées sur le droit et la jurisprudence mais en fonction de qui la saisit et parfois sur des considérations idéologiques. Autrement dit: « Dis-moi qui tu es et je te dirai ce que va décider la Cour suprême ».
- La Cour suprême tient compte de l’opinion majoritaire uniquement lorsque cela lui convient.
Vive la contre-révolution menée par Ayelet Shaked!
Photo Abir Sultan / Flash 90