Le départ des Hébreux représente pour l’Égypte une perte considérable d’une main-d’œuvre gratuite. Ramsès, l’incorrigible, considère la fuite de cette horde d’esclaves comme une sortie sans issue.
Mobilisant le gros de ses troupes, il conduit en personne sa cavalerie d’élite, et se lance aux trousses des nouveaux affranchis dans le Sinaï. Dans cette contrée aride, ce ne sont que des déserteurs. La chevauchée fantastique de ces fans Pharaons crée la panique dans le camp des Hébreux. Pris en étau, entre le désert hostile et la mer houleuse, malgré la protection providentielle des colonnes de nuée et de feu, qui bloquent la progression des troupes égyptiennes, les divergences judéo juives divisent profondément les Enfants d’Israël. Certains veulent s’aventurer dans un combat suicidaire, d’autres plutôt défaitistes rejettent le projet spirituel de Moïse et prônent le retour à Thèbes parce qu’ils sont partisans de l’haïe cité. Dans ce climat anarchique, Moïse prêche dans le désert. C’est à grands cris qu’il adresse ses suppliques à D… et lance au Pharaon le fameux : « Ramsès, arrête ton char ! » Mais devant une telle situation qui requiert plutôt l’action, D… n’est pas du genre à se laisser prier. Sa main puissante utilisera le bâton prodigieux de Moïse pour ouvrir l’accès du salut par la voie maritime. Levant son bras vers la mer, Moïse s’écrit : « Eau céan, ouvre-toi et surtout pas de vague. »
– Moïse, répond la mer, tes efforts sont inutiles. Tu ne feras qu’un trou dans l’eau. Oublies-tu, oh! Mortel humain, le respect que tu dois à la plus ancienne créature de D… qui depuis l’origine des Temps a profondément respecté les lois de la nature ? Ne suis-je point la mer porteuse de tous les vivants qui vous nourrit ? C’est moi qui unifie les cinq continents grâce à mes courants marins. Je porterai sur mes flancs Exodus, Titanic et May Flower. C’est dans mon sein que je conserve les trésors ensevelis de vos vaisseaux guerriers. J’ai gonflé les voiles de l’espoir à la découverte du Nouveau Monde. Qui peut supporter comme moi ces énormes icebergs comme autant de châteaux de glace ? C’est à la sueur de mon front marin que mes vapeurs retombent en pluie bienfaisante. Je suis le miroir du ciel. Mouettes, goélands et cormorans trouvent leur pitance dans mes flots.
– Oh ! Noble mer, avec ton discours si émouvant, il n’y a pas de quoi se marée. Je suis jeune il est vrai, mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. Si tu es l’ancienneté, nous les hommes sommes la finalité. Le miracle qui se produira pour mes enfants n’est pas une atteinte aux lois naturelles qui te régissent. Le miracle c’est d’arriver au bon moment et au bon endroit au rendez-vous fixé par D… depuis la nuit des temps.
– Crois-tu chasser le naturel ? Il reviendra au galop. Sache Moïse que la nature a horreur du vide, et que dans les embouchures salivantes d’écume surgissent les dents de la mer.
– La science humaine tient pour vrai la subtile formule chimique qui veut que quand tu haches deux eaux tu n’as aucun risque de te mouiller même si tu n’y comprends goutte.
A ce moment, la mer voit rouge mais elle ne se démonte pas. Elle préfère laisser mariner les choses. Déjà le prince de Juda, déterminé, l’eau à la bouche, pour lui ce n’est pas la mer à boire.
– Na’hchon, mate l’eau !
Le vent d’est commence à souffler et le Yam Souf ressent déjà le mal de mer. Comme c’est beau de voir la mer prendre le large et l’océan devenir pacifique. La mer n’est pas une nature morte. Les larmes salées qu’elle verse devant la détresse humaine émeuvent jusqu’à ses bas-fonds. Elle ouvre grandes ses larges mains pour accueillir tous ces infortunés qui noient leur chagrin. Pour elle, water l’eau n’est pas une défaite. C’est à pieds secs que les douze tribus franchissent la rive entrouverte. La mer cantile sa propre chira, Israël chante et D… écoute. La foi limpide coule de source et jaillit spontanément. Le bébé montre de son tendre doigt ce D… qu’il voit mieux qu’Ézéchiel dans la vision du Char Céleste. Léviathan lui-même, sourit du fond de l’avenir, les poissons complètement médusés sont tout ouïe. Les enfants d’Israël voient d’un côté, l’eau d’ici, et de l’autre, l’au-delà. Les derniers juifs de l’arrière-garde chantent à la Trenet « la mer qu’on voit danser ». Ils arrivent à bout de Souf vers l’autre rive.
A peine arrivé, Moïse rencontre le premier bédouin et lui demande : « L’Arabie, c’est où dites ? ». Ce dernier lui répond par de nombreux Sales Amaleks. Moïse comprend comme Bill Clinton plus tard, rencontrant Sadam, qu’il a ri !
Rav Yaakov Guedj
Superbe
Quelle belle écriture !
A travers cette forme houleuse ,on a hâte de découvrir le fond .
Merci