Le premier verset de la paracha ’Hayé Sara nous rapporte que la femme d’Avraham vécut 127 ans. Plus exactement, le texte nous dit que « la vie de Sara fut de 127 ans… ». Or, ces mots diffèrent de la formule traditionnelle que l’on retrouve pour Avraham ou Yshmaël qui parle plutôt « des jours» ou « des années ». Pourquoi, pour Sara, les mots « jours » ou « années » ont-ils été omis, en ne gardant que le mot « vie » ?
Pour répondre à cette question, Rachi nous explique que « les années de la vie de Sara étaient toutes égales en Bien ». Mais a priori, il est difficile de comprendre le rapport entre les années de la vie de Sara et le fait qu’elles étaient toutes bonnes. Qu’est-ce que Rachi veut donc nous apprendre avec sa remarque ?
Allons plus loin : comment est-il possible d’affirmer que les années de Sara étaient toutes égales « en bien » quand on sait qu’elle connut des moments difficiles et des moments de joie : quelle fut enlevée par les hommes de Pharaon et qu’elle mit au monde son unique enfant (Its’hak) ?
UNE DIFFERENCE NOTABLE
Pour comprendre cette problématique, il faut, au préalable, distinguer Avraham de Sara. Nos Maîtres expliquent que la filiation du judaïsme passe plus par Sara que par Avraham. Bien évidemment, ces deux personnages sont à la base de notre histoire. Pourtant, il faut noter que Sara engendre Its’hak, et personne d’autre. Quant à Avraham, il donne naissance à Its’hak, à Yshmaël et à d’autres enfants. Sara est donc plus liée au judaïsme que ne l’est Avraham en ce qui concerne la filiation. De ce fait, la vie de Sara et son identité ont une valeur symbolique essentielle.
MALGRE L’EXIL…
Quand on évoque des jours ou des années, puisque les mots sont au pluriel, on peut facilement comprendre que des différences existent entre certains jours ou certaines années. Mais quand on parle de la vie (au singulier), on parle d’un ensemble, d’une totalité. C’était le cas pour Sara et nous avons vu que Rachi précise « pour le Bien ».
En effet, pour un Tsaddik, la vie ne se conçoit pas dans sa dimension matérielle. Quand il mange ou boit, quand il dort ou tout simplement quand il vit dans le monde, il ne tire aucun plaisir ou même aucun infime profit de ce monde.
Le Tsadik n’est que spiritualité. Pour lui, D.ieu est la seule raison d’exister. De ce fait, la vie et ses difficultés n’ont aucun impact sur lui.
Il en était de même chez Sara pour qui la seule référence était la spiritualité. Certes, le monde matériel existait, mais toutes ses turbulences ne l’affectaient pas. Pour elle, la vie n’avait qu’une valeur spirituelle. C’était un concept spirituel unique et donc indivisible.
A présent, on peut donc esquisser une réponse à notre question. Il est vrai que durant des siècles, le peuple juif a connu des périodes difficiles, mais l’attachement à D.ieu et à Sa Thora était si ancré en lui, que le poids de l’exil et de la persécution en fut atténué.
Et en effet, cet attachement intrinsèque à D.ieu fait entrevoir en chacun d’entre nous un souffle divin qui nous porte bien au-dessus de la condition humaine.
RAV YAACOV SPITEZKI
SHORASHIM – Le centre pour les étudiants francophones
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