Ils jouissent de notre confiance et veulent signifier la vérité, ils sont nos guides et nos pères spirituels. Malheureusement, en perdant notre innocence, nous découvrons avec tristesse ceux que nous évoquions comme des parangons de vertu et de grandeur, être en fait des impies fallacieux. Ce sentiment de trahison entraine trop de personnes à la dérive de la foi. À bien des égards, ce phénomène sociétal et cultuel brosse, sans faux semblant, un tableau bien sombre pour la communauté religieuse.
Ces soi-disant bergers portaient tous nos espoirs et ils nous ont trahis.
Néanmoins, disons-le, l’écrasante majorité des rabbins, des enseignants et des mentors spirituels effectuent leurs devoirs avec intégrité et abnégation.
Évitons les amalgames afin de ne pas tomber dans l’excès! Nous ne devons jamais faire cette erreur fatale qui consiste à condamner l’ensemble pour les fautes de quelques-uns.
Beaucoup de gens ont perdu la foi en ces pâtres censés inspirer nos convictions et il existe un nombre de raisons suffisamment objectives pour cela: nous les voyons trop souvent sombrer dans des scandales sexuels, la maltraitance d’enfants, les intrigues politiques, la corruption, la fraude et la dissimulation. Tout cela n’a certes guère servi la cause du Projet divin proposé dans le texte biblique, beaucoup sont devenus mécréants et ont liquéfié leur fidélité, non seulement envers ceux censés transmettre les Principes toraniques, mais, dans une certaine mesure aussi, à la bonté et à la morale de nos textes eux-mêmes. Une telle conduite, de tels comportements profanent littéralement le Nom divin et Sa gloire, ils souillent le devenir essentiel de la Création en le vidant de tout sens et de toute profondeur, une définition à la lettre de l’Hébreu: « h’iloul Hashem ». Une résonnance toute creuse pour le Projet de Dieu. Ils l’ont assassinée en tuant dans l’œuf l’idée même du devenir de l’Homme, d’Israël et de l’Humanité.
À certains égards, cette impudence, comme l’abandon de la foi, peut être le signe obvie d’un drame plus intense que la très réelle souffrance éprouvée par les victimes innocentes de conduites et comportements scélérats (douleur que je ne veux en aucune façon minorer). La tragédie de corruption présume que tout soit souillé, rien n’est vraiment totalement bon, personne n’est réellement sincère, tous et chaque-un sont avides de profits, d’intérêts que ce soit pour le corps, pour l’esprit ou à l’égard de tout autre. Tout est mythifié, magnifié, la religion ressemble à un marché de camelots, nul ne sait ni ne peut savoir, au milieu des nouveaux hâbleurs et frimeurs de la confession juive, quel est le message, le Projet du Dieu créateur d’un tout ‘un’.
Pourquoi vouloir à tout prix prétendre à un au-delà, une espèce d’ailleurs où tout serait magiquement parfait et harmonieux?
Pourquoi vouloir faire de ce monde, de notre présent, une chose insignifiante pour laquelle même Dieu n’aurait réellement que peu d’attention?
Pourquoi vouloir réduire le Livre des Livres à un simple et banal codex de lois concernant l’individu et seulement lui, vouloir oublier la Déclaration divine à Avraham l’Hébreu et concernant, certes, Israël mais, à travers lui, l’ensemble de l’Humanité ?
Pourquoi avoir corrompu l’Idéal toranique du tout et de tous et l’avoir confiné au seul culte religieux de l’individu, cellule éparse, isolée et inutile au devenir de l’ensemble si elle reste sans conscience de ce tout?
Il y a là complot et refus catégorique de mêler Dieu à l’Histoire et au Monde, ils condamnent toutes aspirations spirituelles aux connaissances plurielles et détruisent l’espérance d’un devenir. Ils génèrent la passivité et le ressentiment, finalement leur tout devient une prophétie auto-réalisatrice de défaitisme et de désespoir quant à leur présent soi-disant absent.
A ce moment de notre réquisitoire nous devons faire le point et formuler quelques principes de base.
Premièrement, ne condamnons pas la Torah, c’est une énorme erreur que de juger le Judaïsme sur le comportement des Juifs. La Torah transcende toute personne ou toute institution: le fait de ne pas toujours vivre au diapason de ses idéaux ne peut venir remettre en cause l’essence même de ces idéaux.
Deuxièmement, nous vivons dans un monde imparfait, les individus ne sont pas tous justes et droits, ils ne sont pas tous des gredins et des salauds, les masses reflètent un éventail infini de gris. Si, à tout instant, chacun de nous peut échouer, fauter, se tromper, rien ne nous permet d’exclure la possibilité et le principe de nos capacités à faire le bien à part entière. En effet, le bien que nous faisons ne peut en aucun cas être confisqué par le mal que nous entretenons.
En conséquence, nous devons éviter l’arrogance de tous ceux qui, assujettis au conformisme de leur pauvre existence, prononcent continuellement d’un air béat des sentences critiques sur les déficiences et les revers d’autrui. Et qu’à Dieu ne plaise, ils s’épanchent joyeusement et se réjouissent de l’échec comme du faux pas de chaque-un, un genre d’attitude et de comportement frénétiques découverts et retrouvés sur la toile des réseaux sociaux.
Diaboliser, accuser, salir, est devenu le sport favori d’un grand nombre de nos sapiens qui, à défaut d’altérité, se défonce à coup de boutoirs verbaux sur tout ce qui bouge virtuellement et physiquement. L’autre devient le plus souvent l’exutoire de cet ‘un’ effrayé par sa propre remise en question, sa nécessaire remise en cause, un argument choc pour un individu faible, mais tous ont une responsabilité collective.
L’implication morale de tout homme face à une injonction abjecte et scélérate sera de s’interdire de céder à l’immonde génocidaire, même aux dépens de sa propre vie. Certes, affirmer cela exige de toute personne humaine énormément d’abnégation et un courage sacré car les conséquences seront de toutes les manières dramatiques, soit être abattu, soit assassiné.
Que nous le voulions ou non, nous revenons fatalement vers l’homme individu et son rapport à l’Histoire, nous l’avions compris, nul ne peut véritablement être affranchi de toute responsabilité collective.
Nous ne sommes point séparés de l’Humanité, nous sommes cette Humanité.
Nous contribuons à l’Œuvre de l’Histoire et nous ne pouvons guère nous défiler devant nos responsabilités, sinon cela voudrait dire que nous renonçons à nous-mêmes, à nos droits comme à nos devoirs.
L’ordre moral est donc fondamental si l’on veut rendre nos collectivités plus sûres, et, définitivement plus saines.
Rony Akrich