Par Dr Ephraïm Herrera
Le printemps arabe a fait pousser beaucoup de vert, couleur de l’Islam, de la Tunisie à l’ouest jusqu’en Irak à l’est. De ce vert est sorti beaucoup de rouge, le sang qui coule à flots dans les guerres intestines du monde arabe. En particulier, la guerre en Syrie a causé la mort de centaines de milliers de personnes et a expulsé de chez eux plus de dix millions d’habitants, sans espoir de retour ; la destruction de leurs maisons s’en porte garante.
On a beaucoup parlé de la ligne optimale qu’Israël se doit de suivre. De fait, la ligne « ne pas intervenir, sauf en cas d’attaque directe » fait l’unanimité, et le gouvernement israélien, à juste titre, la suit. Mais on parle moins des leçons à tirer des guerres qui se déroulent si près de nos frontières.
La principale caractéristique de ces guerres fratricides est leur cruauté sans bornes : les bombardements de quartiers civils, d’hôpitaux, de lieux de prières et d’écoles sont quotidiens. L’utilisation d’armes chimiques, tant du côté de ceux qu’on qualifie de « rebelles » que de celui du pouvoir, est devenue banale. Si les Musulmans sont prêts à de telles violences entre eux, on devine facilement ce qu’ils feraient s’ils pouvaient attaquer Israël. Ce n’est pas par amour pour le peuple hébreu que toutes les factions impliquées dans ces guerres ne nous attaquent pas : Israël a su se doter d’une armée populaire, très forte et très sophistiquée, qui dissuade toute menace sérieuse contre le pays des Juifs. Au Moyen-Orient, c’est la force qu’on respecte.
Phénomène inquiétant, la communauté internationale ne réagit pas concrètement à ces crimes de guerre. Ici et là, des pays occidentaux condamnent les bombardements russes et syriens mais ne vont pas plus loin. Quant aux attentats suicides et aux voitures piégées qui causent chaque semaine des dizaines de morts en Irak, ils ne font même pas la une des journaux occidentaux. On peut imaginer ce qui se passerait si l’État d’Israël était moins fort : les islamistes, qui déclarent haut et fort que leur guerre vise les Croisés et les Juifs, commettraient des crimes de guerre similaires, sinon pires, contre nous, et il est probable que le monde éclairé ne réagirait pas plus. La force paie.
Une autre caractéristique apparaît : les pays musulmans qui ont rejeté le printemps arabe sanguinaire, et à leur tête l’Égypte et la Jordanie, font appel à Israël qui au grand jour et qui de manière plus discrète. L’Égypte a demandé, et obtenu, l’aide des services de renseignements israéliens dans sa lutte contre la branche de l’État islamique au Sinaï. Elle a aussi demandé et reçu l’aide d’Israël dans ses négociations avec les pays africains, en particulier l’Éthiopie, au sujet des eaux du Nil. Le roi de Jordanie est menacé tant de l’intérieur par les Frères musulmans, que de l’extérieur par la branche syrienne d’al Qaïda, par l’État islamique et par l’Iran qui vise à établir un « croissant fertile chiite ». Israël est intéressé à maintenir le calme à sa frontière orientale et il est probable qu’il soutienne le roi Abdallah. Le fabuleux contrat de gaz, contrat de plusieurs milliards de dollars, signé début octobre, témoigne clairement de la nature des relations avec l’État jordanien. La force paie.
Quand la question d’un armistice formel avec le Hamas s’était soulevée, le cheikh al-Qaradhawi, le chef spirituel des Frères musulmans, l’avait interdit, précisant que si l’État hébreu était prêt à un armistice, c’était le signe de sa faiblesse, et donc qu’un tel armistice était interdit selon le droit islamique, qui n’autorise des trêves que si l’ennemi est plus fort que les Musulmans.
Au Moyen-Orient, le plus fort s’épargne le besoin d’utiliser sa force : cette force constitue, à défaut d’une paix, la meilleure garantie d’une vie sans guerre.
Ephraïm Herrera est docteur en histoire des religions, diplômé de la Sorbonne et vient de publier « Les maîtres soufis et les peuples du livre » aux Éditions de Paris, ainsi que « Le Jihad, de la théorie aux actes » et « Étincelles de Manitou » aux éditions Elkana.