Cette chronique est dédiée aux centaines de participants du Bac Bleu Blanc venus découvrir le vrai visage d’Israël et aux organisateurs infatigables de ce formidable séjour.
Quand Yehonatan Cohen accueillit Yaël sous la H’oupa, ceux des invités qui étaient suffisamment proches purent constater quelque chose d’insolite : les papas des mariés pleuraient à chaudes larmes, tandis que les mamans parvenaient (difficilement, il est vrai) à faire preuve de retenue. Aya, la maman de Yehonatan, a tenté d’expliquer que son mari Yossi, devait probablement être plus émotif qu’elle-même, « contrairement à ce que j’avais pensé de lui jusque-là ».
Il faut dire que ce mariage n’était pas tout à fait comme les autres. Yaël est atteinte depuis sa naissance de « Spina Bifida », c’est-à-dire que sa colonne vertébrale est fissurée et qu’en conséquence, elle est paralysée depuis le dos jusqu’aux pieds. C’est la raison pour laquelle ses parents biologiques l’ont abandonnée à sa naissance. À l’âge de 3 ans, elle fut adoptée une première fois, mais sa famille d’adoption ne put la garder plus de quatre ans. Ensuite, ils demandèrent à l’association « Aline » (celle à qui vous faites don de votre petite monnaie lorsque vous voyagez El-Al) de bien vouloir la reprendre. Ce n’est qu’à son neuvième anniversaire qu’on lui trouva une nouvelle et formidable famille. « J’eus beaucoup de mal à m’attacher à eux. J’avais tellement peur qu’un jour eux aussi m’abandonnent ! », racontera-t-elle plus tard. Et puis un jour, elle reçut un appel de Yehonatan.
Yehonatan est le deuxième fils de Yossi et Aya. Il souffre d’une paralysie cérébrale, et ne se déplace qu’en chaise roulante. Mais il eut deux grandes chances dans sa vie. La première est que sa maladie ne l’a atteint que physiquement. Ses capacités intellectuelles sont intactes. La seconde, c’est que ses parents sont des gens courageux, débordants d’affection pour leurs enfants et qui n’ont jamais baissé les bras devant les difficultés de l’existence. Encouragé par les siens, Yehonatan fut un brillant élève. Il parle aujourd’hui 6 langues : l’hébreu, le français, l’anglais, l’allemand, le hongrois et… le philippin ! À l’âge de son service militaire, il n’hésita pas une seconde : « J’ai reçu une éducation sioniste et religieuse. Il était hors de question que je ne m’engage pas » ! Il terminera avec le grade de capitaine (« seren »).
Ce sont des copains qui lui ont parlé de Yaël. Le courant est passé dès le premier coup de téléphone. « J’ai tout de suite voulu le rencontrer, raconte Yaël. Cette conversation m’a redonné confiance en moi. On a parlé de tout ». « On s’est trouvé tellement de points communs !, renchérit Yehonatan, c’est une formidable histoire d’amour ». Trois mois plus tard, il fit à Yaël sa proposition de mariage. Parmi les centaines d’invités à la houpa se trouvaient tous les grands dignitaires de l’État. C’est que Yossi, le père de Yehonatan n’est pas n’importe qui : c’est le chef du Conseil de la Sécurité Nationale, très proche de Binyamin Netanyahou. Ancien élève de la Yéchiva de Or Etsion, Yossi, surnommé « l’élégant » parce qu’il est toujours tiré à quatre épingles, a rejoint les rangs du Mossad en 1983. Il y occupa de très hautes fonctions puisqu’il fut responsable du recrutement des agents avant de devenir le chef de la fameuse section « tsomet », chargée des missions les plus secrètes. Son père, lui-même un ancien de l’Irgoun de Menahem Begin est issu d’une famille qui réside en Israël depuis huit générations.
Le moment le plus émouvant du mariage fut sans doute celui où Yossi souleva son fils de la chaise roulante afin de l’aider à casser le verre en chantant « si je t’oublie Jérusalem » (vous pouvez le voir sur http://bcove.me/wcxxc5ap). « J’ai éclaté en sanglots et je n’ai pas pu m’arrêter de pleurer, a-t-il raconté. Je suis tellement fier de mon fils » !
Il y a quelques jours, Yossi était chez lui pour allumer la première bougie de Hanouka en famille. Le téléphone sonne. C’est le Premier ministre. Il le nomme chef du Mossad. Chabbat dernier, dans la ville de Modiin où il réside et d’où les Makabim ont organisé la révolte de Hanouka contre les Grecs, Yossi est invité à faire une ‘dracha’ à la synagogue. Emboitant le pas à ses ancêtres, les célèbres cohanim de Modiin, il a tenu à rappeler sa profonde conviction que sans l’aide du Ciel, l’État juif n’aurait pu renaître de ses cendres, ni à l’époque, ni aujourd’hui et que c’est cette emouna qui lui donne la force d’assumer son nouveau rôle de chef des espions du peuple juif.
Et je me dis qu’Israël a bien de la chance d’avoir à sa tête des hommes de cette envergure ! Arrêtez-moi si je dis des bêtises…
Rav Elie Kling
Photo by Yonathan Sindel / Flash90