Le 28 Iyar nous célèbrerons le 50e anniversaire de la réunification de notre capitale, Jérusalem.
LPH se met donc aux couleurs de la ville sainte pour vous faire vivre cet évènement. Nous sommes allés à la rencontre de personnes qui font la Jérusalem d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Pour commencer ce voyage au cœur de notre histoire et même du monde, nous vous présentons l’histoire de David Charbit, né à Jérusalem en 1945. Il nous décrit la ville et la vie de l’intérieur avant la guerre des Six Jours et à son lendemain.
David Charbit voit le jour en juillet 1945 à l’hôpital d’Har Hatsofim. A l’indépendance, le Mont Scopus est comme une île, puisque l’hôpital et l’université sont des propriétés juives gardées par des policiers, au milieu d’un territoire occupé par les Jordaniens.
Le père de David est originaire du Maroc. En 1929, il fait son alya depuis la France où il vécut quelques temps. ”Tous mes frères ont été à l’école de l’Alliance et parlent le français”, nous dit le benjamin de la famille. Quand il vient au monde, David et sa famille vivent dans le quartier d’Ohel Moshé, près du Mahané Yehouda. ”Auparavant, dans les années 1930, mes parents et mes frères ainés habitaient dans le quartier juif de la vieille ville. Au début, sa famille vit bien. ”Mon grand-père était boucher, il s’entendait bien avec les Arabes, certains même savaient parler yiddish! Mon oncle, qui a ensuite été un combattant du Le’hi et a été tué, a été allaité par une femme arabe. La cohabitation se passait bien. Puis les relations se sont détériorées, de graves évènements ont touché les Juifs dans ce lieu, ce qui les a contraints à déménager”.
Décrivez-nous Jérusalem avant la guerre des Six Jours. David conserve un souvenir nostalgique de son enfance à Jérusalem. Cette période de la vie revêt pour tous une importance cruciale et on en parle souvent avec beaucoup d’affection, mais là, David est en plus le témoin d’une période unique de notre histoire à tous.
”Jérusalem était une petite ville, avant 1967. Tout le monde se connaissait. Quand on était enfant et qu’on allait au centre-ville, cela signifiait qu’on se promenait dans le triangle Ben Yehouda, King Georges, Yaffo”.
Quelle ambiance régnait-il dans les rues de la ville?
L’enfant qu’il était, qui construisait des cerfs-volants pour jouer avec ses amis, qui ramassait du bois pour Lag Baomer, ne craignait rien. ”Les plus âgés d’entre nous, dormaient près des tas de bois que nous avions amassés. Nous n’avions pas de crainte, on pouvait rester dehors, personne ne fermait la porte de sa maison à clef”.
Ce qui demeure grave dans la mémoire de David, c’est l’ambiance d’entraide, d’union qui régnait. ”Je me souviens que ma mère se levait tôt le matin pour faire bouillir de l’eau pour la lessive. Ensuite elle tendait des cordes entre les maisons pour y étendre le linge. Si la pluie survenait au cours de la journée, il se trouvait toujours un voisin pour décrocher le linge et le mettre à l’abri. Pour ma bar-mitsva, tous les gens du quartier ont préparé des gâteaux, la solidarité était très importante, dans les joies comme dans les peines”.
Grandir sans les lieux saints
Quand on pense à Jérusalem c’est immédiatement l’image de la ville sainte qui nous vient à l’esprit. Comment grandit-on à Jérusalem mais sans avoir accès à ces lieux qui en font un endroit si particulier?
”A vrai dire, jusqu’en 1967, je ne savais pas ce que je manquais, puisque je n’avais jamais connu la vieille ville, le Kotel. A l’inverse mes parents et mes frères ainés languissaient beaucoup ces lieux. Je me souviens que mon père avait un substitut. Il m’emmenait sur le Mont Tsion, sur la Tombe du Roi David. Nous y lisions des prières, des Psaumes. Puis, à chaque fois, il montait avec moi sur le toit du bâtiment et me prenait sur ses épaules. De là, avec beaucoup d’émotion, il me montrait le petit coin du Kotel qu’il était possible d’apercevoir”.
Cette émotion paternelle, David nous avoue qu’il avait du mal à la comprendre, étant enfant. Mais il a grandi dans la sensation que quelque chose de grand nous avait été enlevé.
Comment viviez-vous la séparation de la ville? La sentiez-vous au quotidien?
”Nous n’avions aucun lien avec la population arabe de Jérusalem. Nous vivions entre nous. Les seuls Juifs qui étaient en contact avec les arabes étaient ceux qui vivaient dans les quartiers limitrophes, comme la Mamilla. Nous étions coupés de cette partie de la ville, sans vraiment le ressentir. Ceci dit, j’avais peur des soldats jordaniens, quand il m’arrivait d’en apercevoir et on entendait aussi parfois des tirs.
Quartier de la Mamilla avant 1967
La libération
En 1967, David a déjà accompli son service militaire dans les parachutistes. Il est chez lui quand la guerre commence. ”J’ai été mobilisé. J’étais en arrière, je n’ai pas fait partie des forces qui ont libéré la vieille ville”.
Quelle était l’atmosphère qui régnait chez les habitants de Jérusalem? ”On avait très peur. Les cris de jeter les Juifs à la mer, de nous exterminer, étaient entendus dans tout le monde arabe. Aucun message radiophonique des membres du gouvernement israélien n’arrivait à rassurer la population. Les lycéens avaient préparé des sacs de sable et des rubans adhésifs pour se calfeutrer dans leurs établissements. Les habitants avaient fait, depuis plusieurs semaines, des réserves de nourriture. L’armée aussi était dans un état de préparation intense. On craignait vraiment ce qui allait se passer”.
De la panique à l’euphorie: comment avez-vous vécu ce retournement de situation?
David se souvient avoir eu plus de mal que ses frères ainés à mesurer l’importance de l’évènement qui était en train de se produire sous ses yeux. ”Le Kotel, Hevron, tous ces lieux étaient si abstraits pour moi, que je regardais l’émotion qu’ils suscitaient avec une certaine interrogation”.
Tout de suite, le mur qui se dressait près du quartier de Mamilla a été détruit. Puis le reste a pris un peu de temps. ”Le quartier de Guilo, dont je vous parle aujourd’hui”, se souvient David, ”Armon Hanatsiv ou Ramot ne sont pas nés du jour au lendemain”.
Les retrouvailles
David raconte avec beaucoup d’émotion ce qu’ont fait ses parents et ses grands-parents après la réunification de Jérusalem.
”Ma mère n’a pas été au Kotel en premier. Elle s’est rendue au Mont des Oliviers, elle voulait retrouver la tombe de sa mère. On a passé des jours à la chercher, tant les lieux avaient été délaissés. Mon grand-père, quant à lui, n’était plus valide. Alors mes oncles l’ont assis sur une chaise et l’ont emmené dans le Shomron, sur le Kever de Yossef, à Hevron et dans tous ces lieux saints dont les générations précédentes ont rêvés”.
Jérusalem ne sera plus jamais divisée!
David le dit du fond de son cœur: ”Le monde doit comprendre, et puis peu importe ce qu’il en pense d’ailleurs: Jérusalem est notre capitale éternelle et indivisible”. Il ne regrette pas la Jérusalem d’hier, plus intime, bien qu’il garde pour elle une tendresse particulière. Pour lui, ce développement de la ville est un bonheur. Et si on lui demande ce que son grand-père dirait s’il voyait Jérusalem aujourd’hui, sa réponse est directe: ”Il serait émerveillé de ce qu’elle est devenue, de sa taille, de sa population, de son dynamisme!”.
Et demain?
Quels sont les vœux que vous formulez pour les 50 ans de la réunification de la ville? Ce Yeroushalmi, lui-même grand blessé de Tsahal, père endeuillé par la perte d’un fils à l’armée, garde un amour fou pour sa ville et son pays: ”Que Jérusalem continue son développement, qu’elle fleurisse partout, y compris dans les quartiers arabes. Nous devons savoir y imposer notre souveraineté partout, par des constructions et la présence de nos forces de police. Comportons nous comme les maitres des lieux, faisons appliquer la loi partout. Le poids des extrémistes de Jérusalem Est diminue, la population arabe veut vivre sous notre autorité, sachons y répondre. Je souhaite que le premier ministre et le maire de Jérusalem ne se contentent pas de paroles, qu’ils agissent pour notre capitale unifiée. Je sais qu’il s’agit d’un processus. Aucun Juif ne devrait hésiter avant de se rendre sur le Mont des Oliviers ou ailleurs dans Jérusalem. Jérusalem est belle, sa population aussi, elle pourrait l’être encore plus. Agissons!”.