Jusqu’où iront les privatisations en Israël ? Dans une économie qui prône un libéralisme à outrance, aucun secteur n’échappe au retrait de l’État.
« En Israël, on privatise tout ce qui bouge » : cet adage populaire va encore être prouvé si le ministère de la Santé mène à son terme son nouveau projet de privatisation de la morgue publique. En effet, le ministre Yaakov Litzman examine la possibilité d’introduire un peu de concurrence dans le secteur des autopsies et des examens de médecine légale ; un second institut médico-légal (privé) devrait être créé pour faire concurrence à l’institut de médico-légal (public) qui existe en Israël.
TRANSFERT DE RESPONSABLITÉS
Quelle mouche a donc piqué le ministre de la Santé qui vient de nommer une commission spéciale chargée de proposer une réforme dans le domaine de la médecine légale ? Nommé à la tête de la commission, le chef de cabinet du ministre a 90 jours pour rendre son rapport.
Officiellement, la mission de la commission consiste à « examiner le lien de dépendance professionnelle de l’Institut, y compris les moyens de garantir son indépendance ». Sous le couvert d’un transfert de responsabilités, il s’agit bel et bien d’envisager la création d’un nouvel institut qui soit indépendant des pouvoirs publics, voire de privatiser l’institut existant.
C’est en 1955 que la Morgue israélienne (ou Institut médico-légal) a été créée, prenant le nom hébreu de « Makhone Leoumi LeRefoua Mishaptit » ou en anglais : “National Institute of Forensic Medicine”. L’institut est situé rue Herzl à Tel Aviv, dans le quartier Abou Kabir. D’abord dépendant de la Police israélienne, il fut transféré sous la responsabilité du ministère de la Santé en 1975. En 1988, l’Institut fut rattaché à la faculté de médecine de Tel Aviv avant de revenir sous le giron du ministère de la Santé en 2012.
ABUS DE POUVOIRS
Chaque année, l’institut réalise environ 2.000 autopsies ou examens de médecine légale ordonnés par la justice dans le cadre d’une enquête policière ou d’une procédure judiciaire. L’institut, communément désigné par les Israéliens par le nom “Abou Kabir”, a été sous les feux de l’actualité à l’occasion de plusieurs évènements criminels ou enquêtes judicaires.
Par exemple, son directeur précédent, Yehuda Hiss, a été accusé d’avoir conservé à l’Institut des fragments de corps humains durant plusieurs années après les obsèques, sans en avoir prévenu les familles des défunts, et en contradiction avec toutes les règles de la profession. De même, plusieurs avis médicaux contradictoires ont été rendus par des médecins légistes à l’occasion de crimes non élucidés.
Certes, le ministre de la Santé a raison de vouloir remettre un peu d’ordre dans l’institut d’Abou Kabir, tout en garantissant son indépendance des politiciens et des juges. La privatisation n’est pas nécessairement une panacée à la gestion efficace de la morgue.
Jacques Bendelac (Jérusalem) Israelvalley.com