Le dimanche 20 juillet 2014, en pleine opération Tsouk Eytan, alors que l’armée a envoyé ses fantassins à Gaza, Jordan Bensemhoun, jeune francophone de 22 ans, originaire de Lyon, membre d’une unité d’élite, est tombé au combat. LPH s’est entretenu avec la Maman de Jordan, z”l, Josiane, qui vit toujours à Lyon avec son mari et ses filles. Elle a écrit un livre, “Les vingt-six derniers jours”, celui de la douleur d’une mère et partage avec nous ses sentiments à quelques jours de Yom Hazikarone.
Le P’tit Hebdo: Serez-vous présente en Israël pour les cérémonies de Yom Hazikarone?
Josiane Bensemhoun: Oui, nous venons chaque année. C’est important, parce que ces instants permettent de rendre hommage à tous ceux qui ont donné leur vie pour l’Etat d’Israël et cela l’est d’autant plus que notre fils en fait partie.
Chaque année, nous participons à l’hommage réalisé par l’école de préparation militaire d’où était sorti Jordan. Des personnes qui le connaissent parlent de lui, ses amis de l’internat, du service militaire. En général, les différents membres de notre famille se répartissent à travers les cérémonies dans le pays.
Lph: Les parents qui ont vécu le même drame que vous, témoignent souvent du fait que le temps n’apaise rien, au contraire. Partagez-vous ce sentiment?
J.B.: C’est tout à fait exact. Au début, quand la nouvelle tombe, on est sous le choc, sidéré, on ne réfléchit pas, on essaie juste de reprendre son souffle. Puis, la suite est terriblement dure: on doit se confronter à la réalité, celle de la vie qui continue. Et rien ne sera plus jamais normal, la vie est totalement chamboulée. Nous essayons alors juste de survivre.
Lph: Comment est née l’écriture d’un livre sur Jordan z”l?
J.B.: J’ai toujours été attirée par l’écriture, la réflexion. Ce livre était pour moi vital. Il m’a permis d’extérioriser le drame, dont je n’arrivais pas à parler.
Lph: Ecrire sa douleur, est-ce la remuer ou au contraire la soulager?
J.B.: C’est un mélange des deux. Pour moi, cela était nécessaire. Ce livre, je l’ai écrit facilement, d’un trait. Je l’ai écrit en tant que Maman, qui, comme toutes les Mamans, même lorsque tout va bien, se fait du souci pour ses enfants. J’y raconte qui était Jordan. Je le décris depuis sa naissance jusqu’à ses derniers instants en passant par son départ et son enrôlement dans Tsahal, qu’il souhaitait plus que tout. A travers les lignes de ce livre, on comprend sa façon d’être, de se comporter, son rapport avec les autres et comment l’idée de partir en Israël s’est progressivement forgée en lui.
Lph: Jordan fait son alya seul et effectue son service militaire dans l’unité d’élite, Egoz. Avez-vu vécu dans la crainte qu’il lui arrive quelque chose?
J.B.: La volonté de Jordan de venir vivre en Israël et d’y effectuer son service militaire était plus forte que tout. Son père l’a empêché de partir quand il avait 15 ans, parce qu’il le trouvait trop jeune. Mais après, il a réalisé son rêve.
J’ai toujours fait entièrement confiance à mon fils. Je remercie le Ciel d’avoir donné à Jordan une grande force de persuasion : il n’est pas permis de s’inquiéter pour lui. Il ne m’a jamais dit qu’il était à Gaza et je n’ai jamais cherché à deviner ce qu’il pouvait me cacher.
Lph: Que souhaiteriez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre?
J.B.: Ce livre est celui d’une Maman qui raconte sa douleur, qui écrit sur son enfant disparu. C’est le récit d’un enfant puis d’un adolescent qui, en partant de rien, a construit et réalisé son idée, celle d’être dans l’action pour défendre sa Nation. C’est ce qu’il disait: ”tout le monde doit donner quelque chose à la Nation”.
Lph: Le lendemain de Yom Hazikarone, le pays fête l’indépendance. Prenez-vous part aux évènements de ce jour?
J.B.: Non, je ne fête plus Yom Haatsmaout. Mais je sais l’importance fondamentale de ce jour pas comme les autres. Il m’est tout simplement impossible de participer à ces festivités, depuis que Yom Hazikarone est devenu un jour qui nous concerne dans notre chair.
Lph: La perte de votre fils pendant son service au sein de Tsahal a-t-elle modifié le lien que vous aviez avec Israël et son armée?
J.B.: Ce lien s’est renforcé. Je ne ressens aucune colère, aucune rancœur ni à l’égard de l’Etat, ni à l’égard de l’armée, à l’image de cette passion qui animait Jordan.
Pour se procurer l’ouvrage “Les vingt-six derniers jours”
Librairie du Foyer
Masaryk 14, Tel Aviv
03-5243835
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Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay