Propos recueillis par Simha Germon pour le magazine LPH New
Tamar Zeitlin et son mari Tsahi on fait ensemble un tournant à 180 degrés. Ils appartenaient à la communauté des Neturei Karta, et aujourd’hui, après de nombreux questionnements, ils ont complètement tourné le dos au monde de la religion en général. Comment expliquer un tel revirement aux enfants, à la famille ? Quels sont les écueils et les difficultés ?
LPH New. Tamar, comment passe-t-on d’un extrême à l’autre ?
Tamar Zeitlin. Dans un premier temps, cette révolution s’opère au niveau de la pensée. Il a fallu plusieurs années pour que mûrisse l’idée d’être comme je suis aujourd’hui et que nous trouvions notre place, car il y a des peurs à surmonter.
Racontez-nous dans quel milieu vous et votre mari Tsahi avez grandi.
T.Z. Nos parents sont des baalei teshouva Breslev modérés. Mon mari fréquentait un mouvement de jeunesse antisioniste à Méa Sharim, d’où il avait puisé ses idées extrémistes ; et moi, j’ai étudié dans un Beit Yaacov hassidique où l’on parlait yiddish. Tsahi et moi nous sommes connus par présentation (shidoukh). Dès notre mariage, nous nous sommes installés à Beit Shemesh, dans la communauté des Neturei Karta, au sein de laquelle Tsahi était très actif. Il participait aux manifestations contre la construction de routes au-dessus des tombeaux, contre le mélange des hommes et femmes dans les bus, et il luttait contre le manque de pudeur de la gent féminine. Il terminait souvent au poste de police, et moi je l’attendais tranquillement à la maison jusqu’à ce qu’il soit relâché. C’était devenu une routine. Pour ma part, j’illustrais des fascicules de propagande antisioniste et les colorais pour sensibiliser les enfants et éduquer les générations à venir.
Après plusieurs années, alors que nous avions déjà des enfants, nous nous sommes rendu compte que malgré tout ce que nous faisions pour la communauté, c’était insuffisant. Je me devais d’être encore plus pudique, et Tsahi plus investi dans l’activisme. C’est alors que la crise a débuté : nous avons commencé à douter. Ce qui nous a sauvés, c’est que Tsahi partageait avec moi tout ce qu’il faisait.
Vous avez l’air de former un couple très uni. En a-t-il toujours été ainsi ?
T.Z. Oui. Le rôle de chacun était très défini et chacun respectait la place de l’autre. Quand nous avons commencé à opérer notre changement, nous avons dû redéfinir les tâches, en m’attribuant davantage d’autonomie. Je n’étais plus celle qui disait amen à tout ; et Tsahi a dû s’habituer, non sans quelques difficultés au début, à respecter mes idées. Mais mon conjoint préfère de loin la vie que nous menons aujourd’hui. Nous prenons les décisions ensemble et nous éduquons nos enfants pour qu’ils puissent choisir par eux-mêmes leur propre chemin.
Ce changement s’est-il opéré d’un coup ?
T.Z. Non, bien entendu. Nous nous sommes d’abord attachés à un rav d’une ‘hassidout Breslev, beaucoup plus modérée et pas antisioniste. Mais par la suite, nous avons découvert qu’il était à la tête d’une secte constituée comme un système pyramidal. Il recevait des messages de Dieu et il avait besoin de notre argent pour amener la délivrance finale. Il nous a fait passer de Beit Shemesh à Jérusalem, dans le quartier de Shmouel Hanavi, pour nous déconnecter de nos amis. Nous avons perdu notre maison, nos économies, mes bijoux. Je l’aidais à écrire ses livres, dans lesquels il transmettait ses enseignements, dans le but d’attirer plus de disciples – et donc plus d’argent. Cette exploitation a duré cinq ans. À la fin, comme on n’avait plus rien à lui donner, il s’est tourné vers d’autres victimes. C’est ainsi que nos yeux se sont dessillés, nous avons commencé à réfléchir à ce qui nous arrivait, nous avons découvert qu’il existait des sectes et que nous en avions fait partie.
Comment vos enfants ont-ils vécu cela ?
T.Z. L’aîné avait à peine 7 ans quand nous sommes devenus plus modérés, et il n’a aucun souvenir de la période où nous étions Neturei Karta. Après notre sortie de la secte, nous avons déménagé à Beitar Illit, une ville ultra-orthodoxe plus moderne et plus pratique. Nous avions davantage de temps pour nous, pour analyser ce qui s’était passé et comprendre comment nous en étions arrivés à nous faire exploiter de la sorte. Nous nous trouvions dans un endroit plus sûr, où nous ne risquions plus de revivre ce que nous avions vécu ; et nous étions entourés d’amis.
Après votre sortie de la secte, en combien de temps avez-vous abandonné la religion ?…
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