Les propos d’Yinon Magal nous ont incité à aller demander à des candidats religieux d’émission culinaire de télé-réalité, comment ont-ils vécu cette expérience.
Yeoyada Nizri est père de 8 enfants. La famille vivait à Amona, avant d’en être expulsée et de reconstruire leur maison, aujourd’hui, à Ami’haï. L’année dernière, il est arrivé en finale du programme Master Chef. Original, au milieu de tous les autres candidats, il garde un souvenir très positif de cette expérience, qu’il nous raconte.
Faire plaisir aux enfants
Chez les Nizri, il n’y a pas de télévision, mais un ordinateur. ”Les enfants ont droit de regarder ce qu’ils veulent une demi-heure par jour. Ils choisissaient souvent de regarder Master Chef. Pour ma part, je ne connaissais pas”. Yeoyada est un papa qui cuisine et qui gâte ses enfants en semaine comme Shabbat avec des plats raffinés et suivant les goûts de chacun. Alors pour eux, il ne faisait aucun doute qu’il devait participer à Master Chef. ”Ils ont dû beaucoup insister avant que je ne leur donne l’autorisation de m’inscrire”, se souvient-il. ”Ma femme m’a dit que de toutes façons, il y avait peu de chances que je sois accepté, et qu’au moins j’aurais fait plaisir aux enfants”. Quelques jours plus tard, Yeoyada reçoit un appel de la production, il demande quelques jours de réflexion.
Casser les stéréotypes
”Finalement, je me suis aperçu, que c’était une occasion, une scène pour montrer à la télévision une vie que les gens n’ont pas l’habitude de voir, celle dans un yishouv”. En effet, les Nizri vivent dans la région du Binyamin et pour les chefs de l’émission, c’est une curiosité.
“Ce que j’ai apprécié dans cette émission c’est qu’elle est authentique. Ils nous montrent vraiment tels que nous sommes”. D’ailleurs, Yeoyada nous confie qu’il n’aurait jamais accepté d’y participer si cela n’avait pas été le cas.
Après plusieurs épreuves non filmées, Yeoyada est sélectionné pour l’audition qui passe en prime time. Les téléspectateurs et le jury ont vu arriver avec étonnement, ce père de famille nombreuse avec sa grande kippa et qui venait d’être expulsé de sa maison dans une implantation… Autant dire qu’ils ont été bousculés. Et pour ne rien gâcher, cet homme leur parle avec patience et amour de la terre d’Israël. Le chef Eyal Shani lui demande alors: ”Ne souhaites-tu pas retourner en Israël?”. Question insolente, n’est-ce pas? Yeoyada lui rétorque calmement: ”Quel est l’endroit qui est plus en Israël qu’Amona?”. Ce n’est qu’un échantillon des échanges entendus ce jour-là. Mais à la fin de la séquence, les chefs appellent la famille Nizri sur le plateau et tous ensemble, ils dégustent le plat qui a fait entrer Yeoyada dans la sélection de Master Chef: un repas de Shabbat. Quelle image de rassemblement!
”Au début, je suis venu pour faire plaisir à mes enfants, puis petit à petit, je me suis rendu compte de l’impact que ma présence dans ce programme pouvait avoir. Chaque jour de tournage, une centaine de personnes sont présentes. Elles ont connu l’homme au-delà des stéréotypes”.
Pensez-vous que votre participation a permis de faire changer certaines opinions? “Je ne sais pas si les opinions ont changé. Mais ce qui est certain c’est que la prochaine fois, que D’ nous en préserve, qu’ils entendront parler d’une expulsion de Juifs des implantations, ils regarderont l’événement différemment. En fait, pendant toutes ces semaines, nous avons dépassé les considérations politiques pour ne prendre en compte que le côté humain”.
Les habitants des implantations sont-ils si mal connus? “La vie en Judée-Samarie se mène, d’une certaine manière, dans une bulle. C’est un atout considérable pour élever nos enfants, ils sont dans des espaces protégés et bénéficient d’étendues considérables. Mais le côté négatif, c’est que, bien que nous ne soyons pas coupés du monde, nous demeurons un mystère pour les gens de l’extérieur. Nombreux sont ceux qui pensent impossible d’arriver jusqu’à ces villages, ne serait-ce que pour une promenade. Alors, s’ils n’arrivent pas jusqu’en Judée-Samarie, nous devons l’amener à eux. Ces régions sont la base de notre présence en Israël, tous les habitants doivent s’y sentir reliés. J’ai souvent comparé ma présence à Master Chef avec mon service militaire et ma période de réserve: on y vit avec tout le peuple d’Israël”.
Ainsi, même si cela peut être difficile, Yeoyada est convaincu que les habitants de ces régions ont une mission à remplir dans ce sens.
Et la cacherout?
Nous demandons à Yeoyada de réagir aux propos d’Yinon Magal. Faut-il boycotter les programmes où il est permis de cuisiner non cacher? ” Au contraire, je ne crois pas qu’il faille boycotter. Notre participation permet de montrer que l’on peut cuisiner cacher et exceller”.
Cela vous a-t-il posé problème? ” Evidemment, c’est un problème pour une personne qui mange cacher de se retrouver dans un environnement où tout le monde ne respecte pas les règles de la cacherout. Dans le contrat que j’ai signé avec la production, j’ai émis la condition que je ne ferai que de la cuisine cacher. Tous les ingrédients mis à notre disposition après la phase des auditions sont cachers. Le principal problème est le mélange entre le lait et la viande. J’ai pris conseil auprès de mon Rav. Je mettais mes ustensiles de côté et il m’est parfois arrivé de cachériser sur place certains ustensiles dont j’avais besoin”.
Si l’on s’étonne de devoir faire autant d’efforts dans une émission israélienne pour garder la cacherout, Yeoyada, lui, préfère y poser un regard tolérant: ”A l’armée aussi, on doit se lever plus tôt que les autres quand on veut mettre ses téfilines. Bien sûr, si j’en avais la possibilité, je changerais certains aspects de l’émission, la cacherout et la tsniout notamment, mais on ne peut pas s’arrêter à cela, sinon on ne peut avancer. Lorsque des gens comme moi participent à ces émissions, ils promeuvent un certain mode de vie, le but est aussi spirituel, à mon sens. Avec l’aide de D’ieu, j’ai bon espoir qu’un programme identique 100% cacher voit le jour”.
La cuisine, une passion qui se transmet
Master Chef a aussi été un moyen pour Yeoyada de développer encore plus son talent. ”J’ai toujours rêvé, déjà à Amona, de faire de la restauration. J’ai une vigne, je produis mon propre vin. Le programme auquel j’ai participé m’a encouragé à développer ce projet. Je fournis désormais un service de restaurant dans ma maison à Ami’haï. Je présente aussi des ateliers autour de la nourriture du Tana’h, sur le site archéologique de Shilo. Se relier à notre terre, à notre histoire est fondamental et la cuisine est un vecteur unique”.
Pour aller plus loin:
Photos: Eliyana Passentin
Photo à la une: A droite Yeoyada Nizri
Yeoyada est super et sa famille adorable, bonne chance pour lui dans la vie après la compétition.
Bravo Yeoyada et félicitations pour votre courage ! Beaucoup de bénédictions et de bonheurs à toute la famille.