Par deux fois ces dernières semaines, les diplomates indiens se sont abstenus dans différentes instances de l’ONU en ne soutenant plus automatiquement, comme par le passé, des résolutions outrancièrement pro-palestiniennes. Serait-ce le signe de l’amorce d’un changement de cap dans la politique étrangère de New Dehli ?
Le 3 juillet dernier à Genève, l’Inde s’est abstenue – aux côtés de l’Ethiopie, du Kenya, du Paraguay et de la Macédoine – en ne votant pas une résolution anti-israélienne pourtant adoptée par 41 membres du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU (incluant huit pays européenne s « amis d’Israël »… ). Cette résolution demandait de poursuivre Israël devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye pour les « crimes de guerre » qu’aurait commis son armée lors de l’opération Tsouk Eitan de l’été 2014 contre le Hamas de Gaza.
Fait intéressant très remarqué à Jérusalem : cette toute récente abstention de l’Inde fut la deuxième en quelques semaines, après que les diplomates de New Dehli aient refusé de voter pour la reconnaissance d’une ONG pro-Hamas qui demandait à être admise dans certaines instances techniques de l’ONU.
Même si, suite aux virulentes et immédiates protestations de l’Autorité palestinienne contre ces deux abstentions, le porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères s’est empressé de déclarer fort diplomatiquement que ses délégués s’étaient abstenu à Genève parce que l’Inde n’adhérait pas au Traité de Rome de 1998 ayant créé la CPI et qu’il ne s’agissait en rien d’un changement stratégique car « l’Inde soutient toujours la justesse de la cause palestinienne », d’autres signes montrent bien que ce positionnement du deuxième pays musulmans du monde n’est en rien fortuit.
D’abord parce que le nouveau Premier ministre indien, Narendra Modi, du Parti nationaliste hindou BJP (conservateur), qui entretient d’excellentes et fréquentes relations téléphoniques directes avec Binyamin Netanyahou, a fait part voilà quelque temps de son intention de se rendre en visite d’Etat en Israël « dans quelques mois » – ce qui constituerait une « grande première entre les deux pays puisque depuis l’indépendance de l’Inde en 1947, aucun chef de gouvernement de ce pays n’a encore jamais fait une telle visite officielle en se rendant dans l’E3tat hébreu.
Ensuite parce que l’Inde entretient depuis longtemps d’excellentes relations et une étroite coopération avec Israël dans plusieurs domaines qui s’est beaucoup renforcée ces dernières années : sécurité et Renseignements, technologies militaires, agriculture, ressources aquifères et irrigation, diamants.
Et surtout parce que le soutien automatique des gouvernements indiens depuis 1947 à la « cause palestinienne » et leur alignement systématique sur les positions anti-israéliennes de la Ligue arabe et du bloc des pays « non-alignés » de l’ONU (particulièrement pendant la longue période de la Guerre froide) n’ont pas apporté grand-chose en sept décennies à cet immense pays « continental » qui compte 180 d’Indiens musulmans, soit 17 % des 1,25 milliard d’Indous. Et ce, notamment parce que la Ligue arabe n’a guère soutenu l’Inde face aux menaces de son grand adversaire pakistanais dans le conflit frontalier du Cachemire.
Une amère déception renforcée à New Dehli à l’heure où le « monde arabe » et la plupart de ses grands Etats sont soit en train de s’écrouler (Syrie, Irak), soit très affaiblis (comme l’Arabie Saoudite) sous les effets destructeurs des « hivers islamiques » et du conflit central entre musulmans chiites pro-iraniens et musulmans sunnites menés par Daësh.
Autant de facteurs qui semblent relativiser de plus en plus l’importance le conflit israélo-palestinien…
Richard Darmon Edition française hebdomadaire de HAMODIA