L’idolâtrie est le deuxième des 10 commandements que nous lisons dans la paracha de Yitro. Un interdit qui, comme le soulignent les Rabbins, équivaut à lui seul à tous les autres interdits de la Torah. Comme son nom l’indique en hébreu – « avoda zara » – il fait référence à un « service étranger ». C’est-à-dire qu’au lieu d’établir une relation directe et personnelle avec Dieu, on « se tourne vers autre chose, qui est étranger à Dieu ». Aujourd’hui où astres et idoles de pierre et de métal n’ont plus le succès d’antan, à quoi peut donc renvoyer ce « service étranger » ?
Pour répondre à la question, imaginons la parabole suivante. Dans une pièce dont l’un des murs est une baie vitrée qui laisse pénétrer la lumière du soleil, un individu allume une bougie. Cette démarche paraît insensée, car que peut apporter la lumière insignifiante de la bougie comparée à celle éblouissante du soleil ? Cette bougie ne sert à rien ! En revanche, si l’on place sur la baie vitrée un rideau très fin, puis un second rideau, ces différentes tentures obscurciront davantage la pièce. Et en même temps elles donneront un semblant d’importance à la bougie. En fin de compte, la lumière du soleil disparaîtra et l’on ne pourra vivre, manger et se déplacer dans la pièce que grâce à la bougie. On en arrivera parfois même à nier l’existence du soleil.
L’ACCESSOIRE ET L’ESSENTIEL
Le cheminement intellectuel menant à l’idolâtrie suit le même processus. L’erreur consiste à accorder un pouvoir ou une importance, même insignifiants, à un élément de la Création, autre que Dieu. Au lieu de me rapprocher de Dieu et d’améliorer la société en aidant les autres concrètement, je consacre mon temps, mon argent, mes forces ou mon intelligence à d’autres systèmes de valeur qui ne sont, bien souvent, que de piètre intérêt. Or Dieu est la source de toute vie. Le plus petit caillou ou brin d’herbe, la minuscule fourmi et le président de l’État le plus puissant de la planète doivent leur existence de Dieu. Celui qui a profondément étudié la Torah le comprend vraiment. Mais celui qui s’éloigne de l’étude en perdant son temps dans des futilités va lentement obscurcir son champ de vision. Il mettra l’accent sur l’accessoire et oubliera petit à petit ce qui est véritablement essentiel. Il pensera que la clé du bonheur et de la sérénité se trouve ailleurs que dans la Torah. À l’instar de celui qui perçoit la bougie comme son unique source d’éclairage. En réalité la bougie n’a que peu d’importance. Mais du fait que le soleil a été voilé, sa clarté insignifiante a pris une valeur qui semble considérable.
ŒUVRER POUR UNE SOCIÉTE PLUS JUSTE
On comprend à présent pourquoi l’idolâtrie équivaut à tous les interdits du judaïsme. Faire un acte interdit c’est faire prévaloir ma volonté avant celle du Créateur. C’est penser que l’acte ou l’aliment interdit me procureront une satisfaction plus grande que celle obtenue par le respect des lois divines. En fait, ce choix provient d’une mauvaise perception des choses. En étudiant la Sagesse divine on comprend que rien n’existe véritablement à part le Créateur de l’univers. Lui seul est à la source éternelle de la vie. Dieu est l’Être nécessaire. Nous existons, mais ne sommes que contingents. La Torah nous raconte que lors de la traversée de la mer rouge les Hébreux « passèrent sur une terre sèche dans la mer ». Certains commentateurs posent la question : « s’agissait-il d’une terre sèche ou de la mer » ? La réponse est la suivante : chacun vécut la même réalité de façon différente. La terre c’est ce qui est stable, solide. La mer est agitée, c’est l’inconnu. Elle cache tout un univers caché, le monde aquatique. Tout dépend donc du regard que nous posons sur le monde. Tout dépend de nos priorités. Dans notre quotidien, on peut se focaliser sur les défauts ou au contraire sur les qualités des personnes que nous rencontrons. On peut se concentrer sur l’aspect naturel des choses et l’enchaînement des événements. Mais on peut aussi développer une prise de conscience profonde que la Providence divine intervient à chaque instant. Ceci étant, c’est à nous d’œuvrer concrètement et pas par de belles paroles pour transformer le monde et faire progresser l’humanité vers des temps meilleurs.