Il y a 2 jours, vendredi 10 février, le Grand Rabbin René-Samuel Sirat nous a quittés. Né à Bône , il quitta son Algérie natale à l’âge de 16 ans .Son départ à 93 ans coincide avec la 17 e paracha .Comme nous savons, le chiffre 17 équivaut en guematria à Tov. Ceux qui l’ont connu se souviennent de sa bonté. Le don de la Torah associé à la paracha Ytro lui sied à merveille, ayant consacré sa vie à l’étude et la transmission.Ytro , dérivé de Yoter , c.a.d : Plus Durant tout son cheminement il a contribué à plusieurs niveaux à des créations qui lui perdureront .
Etre éclairé, la littérature le passionnait au point de suivre des cours à la Sorbonne. Sous la direction d’A. Neher, il finit un Doctorat en littérature hébraïque. Durant prés de 30 ans il enseigna à l’INALCO tout en étant Grand Rabbin de France durant 7 ans. Il fut President du jury du Capes et de l’agrégation d’hébreu institué par lui comme langue vivante. En 1986 il participa à une premiere rencontre des religions pour la paix avec le Pape Jean Paul II. Soucieux d’un rapprochement fraternel et altruiste, il aimait rappeler que l’Arabe fut sa langue maternelle. Il fonda l’Institut Universitaire Rachi dans la ville de Troyes. Sa bibliothèque personnelle y figure dans la salle Talmud, offerte en guise de dédicace symbolique à son attachement à l’étude .
Elève du Rabbin Naouri puis du Grand Rabbin Abraham Kook dont il appréciait le sens de l’humanisme, peu representé à son regret par certains de ses élèves. Compagnon de route d’E. Levinas et de L. Ashkenazi .
Il aimait dire que la Halakha, loin d’être statique, est par définition dynamique, sa racine même signifiant marcher lalechet. Selon lui il serait bon de demander à nos maîtres d’adopter la Halakha à notre époque ! D’où son extrême modernité : lorsque les femmes du Kotel vont prier, pourquoi sont-elles perçues comme une provocation .Il faudrait s’enthousiasmer par ce regain de religiosité, disait il .
En 1999 l’Université de Laval le gratifia du titre d’Honoris Causa.
En 2010 Il devint Grand officier de l’ordre du Mérite.
En 2019 il recevait le prix de l’éducation toranique en Diaspora. Une consécration ressentie avec émoi.
A l’âge de 62 ans, il immigra à Jérusalem. Le sachant voisin, je l’ai visité à son domicile à la Moshava Hagermanit durant le corona. Ayant eu le bonheur de le connaitre à la Fondation du Judaisme de Paris où il distribuait des bourses aux étudiants, déjà affaibli , il évoqua les deux pertes cruelles de ses frères assassinés, l’un en Algérie, en sortant d’une synagogue, l’autre percuté par un chauffeur ivre prés des Champs Elysées.
Très affectée par son départ, je le considérais comme mon Rabbin d’élection.
Une pensée chaleureuse à son épouse et ses trois enfants .
Je l’accompagnerai cette après -midi dans son dernier voyage à Givat Shaoul.
Paix à son âme.
Vanessa De Loya Stauber, psychanalyste.